Combien gagne un infirmier à l’hôpital en 2024 ? 1 944,50 euros bruts par mois lors de sa prise de poste (grade 1, échelon 1), soit 53 euros de plus qu’en 2022. La rémunération de fin de carrière (grade 2, échelon 11) s’élève quant à elle aujourd’hui à 3 578,86 euros. Soit une augmentation de 77 euros vs 2022. Ne sont évidemment pas prises en compte les primes et autres nouvelles bonifications indiciaires (NBI). Trois ans et demi après le Ségur et ses augmentations de salaire, plusieurs mesures en 2023 sont venues s’ajouter pour tenter de revaloriser un métier frappé de pénurie.
À commencer par les revalorisations des heures de nuit et de week-end et jours fériés, qui concernent les personnels non médicaux et de maïeutique des hôpitaux et EHPAD publics. La mesure, ajoute Loïc Le Noc, secrétaire national de la CFDT Santé Sociaux, doit également être transposée dans le secteur du privé non lucratif. Annoncées par Elisabeth Borne, alors Première ministre, en septembre 2023, ces revalorisations s’intègrent dans une enveloppe d’augmentation de salaire de 1,1 milliard d’euros.
La sujétion de nuit est là pour compenser la pénibilité du travail.
Des heures de nuit revalorisées en fonction de l’ancienneté
Dans la pratique, les personnels non-médicaux travaillant de nuit bénéficient ainsi depuis janvier 2024, d’une majoration de 25%. L’idée, explique Loïc Le Noc, est de « supprimer ce qui existait précédemment sur les majorations » et leur millefeuille de primes différentes en fonction des services. « Là au moins, c’est clair, net et précis : c’est une majoration de 25% du taux horaire ». Son montant diffère donc d’un profil à l’autre. « Forcément, en début de carrière, vous touchez moins qu’en fin de carrière. Le point d’équilibre fait que, en gros, une infirmière en milieu de carrière touche 4 euros de l’heure », commente Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). La mesure – « et c’était une vraie demande » du syndicat infirmier - permet ainsi de « tenir compte de l’ancienneté et donc de l’expertise des infirmiers », de différencier les professionnels débutants de ceux qui ont plus d’expérience.
Au sein de la CFDT, le principe enthousiasme moins. « Nous estimons que la pénibilité et l’impact social et familial du travail de nuit sont les mêmes pour tous, qu’on soit aide-soignant, infirmier ou cadre, qu’on soit jeune ou en fin de carrière. Or la sujétion de nuit est là pour compenser la pénibilité du travail », souligne Loïc Le Noc. Aussi la Confédération réclame-t-elle par ailleurs une réduction de la durée du temps de travail de nuit à 32h, notamment car il induit d’importants risques sur la santé et diminue l’espérance de vie en bonne santé.
Cette revalorisation de nuit n'est pas jugée satisfaisante. D’un côté, elle ne concerne qu’une petite partie des infirmiers exerçant à l’hôpital. « Les professionnels qui travaillent de nuit et à temps ne constituent que 12% des effectifs, auxquels on ajoute les 3% d’infirmiers qui alternent 12 heures de jour et 12 heures de nuit, comme en réanimation », liste Thierry Amouroux, le décompte du SNPI s’appuyant sur la répartition des effectifs de l’AP-HP. « Ce qui veut dire que 85% des personnels ne sont pas concernés par cette revalorisation. » En réalité, le calcul est plus complexe. « Les organisations de nuit sont très différentes d’un hôpital à l’autre », rebondit en effet Loïc Le Noc. « Quand on l’interroge, le ministère de la Santé est dans l’incapacité de donner des chiffres. » Et parallèlement, le pourcentage appliqué s’avère insuffisant dans un contexte d’inflation. « Nous demandions 50% d’augmentation », précise le porte-parole du SNPI. D’autant plus qu’elle n’est calculée que sur 9 heures, soit entre 21h et 6h du matin, quand les équipes travaillent en 10 ou 12 heures, provoquant « un sentiment d’injustice » chez ces professionnels. Dernier bémol et non des moindres : ces revalorisations ne sont pas considérées comme faisant partie du traitement indiciaire, et n’entrent donc pas dans le calcul de la retraite.
10 euros brut de plus par jour les dimanches et fêtes
À ces revalorisations, s’ajoute l’augmentation de l’indemnité forfaitaire des heures travaillées les dimanches et jours fériés. Le ministère de la Santé indique ainsi une revalorisation passant de 50 euros bruts à 60 euros bruts par jour. Selon son infographie, un infirmier en fin de carrière (grade 2, échelon 10) perçoit à l’arrivée 167 euros nets de plus par an. Ramené à l’échelle de la rémunération mensuelle, ce sont 13 euros nets de plus sur lesquels il peut compter, à raison de deux dimanches travaillés par mois en moyenne. Cette augmentation est jugée indigente par le SNPI. « Quand, arrivé en fin de carrière, vous touchez 3 francs 6 sous de plus, c’est que ça en dit long sur la portée de la mesure pour chaque professionnel », tacle Thierry Amouroux. « C’est une peau de chagrin », abonde Loïc Le Noc, insuffisante donc pour renforcer l’attractivité des métiers à l’hôpital. « Si on veut donner envie aux collègues de venir travailler à l’hôpital et à ceux qui y sont déjà de rester, il faut peut-être aussi reconnaître la réalité de leur travail et non pas se contenter de mesurettes. » En tout, 60 000 postes d'infirmiers seraient ainsi à pourvoir au sein de la fonction publique hospitalière.
Une prime « pouvoir d’achat », mais non obligatoire
Plus largement, les infirmiers bénéficient d’un certain nombre de mesures dédiées aux agents de la fonction publique, dont l’augmentation du point d’indice (1,5% au mois de juillet 2023) qui a fait suite à un premier dégel opéré en juillet 2022 (+5%), assorti depuis le 1er janvier 2024 de l’attribution de 5 points d’indice majoré pour chaque échelon.
À noter également le versement d’une prime dite « pouvoir d’achat ». Comprise entre 300 et 800 euros, elle est destinée aux agents dont la rémunération est inférieure ou égale à 3 250 euros bruts par mois. Elle est calculée en fonction du niveau de rémunération – les plus petits salaires bénéficiant de fait d’un montant plus élevé – et est soumise à plusieurs conditions cumulatives, explique le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques :
- Avoir été nommé ou recruté par un employeur public avant le 1er janvier 2023
- Être employé et rémunéré par un employeur public depuis le 30 juin 2023
- Et avoir perçu une rémunération brute inférieure ou égale à 39 000 euros entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023.
« C’est un one shot », précise Thierry Amouroux, une prime qui ne compte pas dans le calcul de la retraite. Toujours selon le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, elle a été débloquée dès octobre 2023 pour les agents de la fonction publique hospitalière.
Nous demandons 400 euros d’augmentation pour tous les infirmiers, qu’ils soient en début, milieu ou fin de carrière.
Ça, c’est sur le papier. Car en réalité, le versement de cette prime n’est pas soumis à un caractère obligatoire et constitue simplement une possibilité donnée aux établissements. « Il faut que les partenaires sociaux et les directions des établissements se rencontrent et se mettent d’accord pour l’instaurer », explique en effet Loïc Le Noc. « Or vu la situation de trésorerie de bon nombre de structures publiques, très peu l’ont fait. » Et ce d’autant plus qu’elle n’a pas fait l’objet d’une dotation spécifique aux établissements.
Si les rémunérations des infirmiers libéraux sont plus difficiles à appréhender car soumises à de fortes variations, force est de constater qu’elles ont diminué. Selon l’Union nationale des associations agréées (UNASA), les recettes encaissées en 2022 par ses adhérents infirmiers équivalaient, en moyenne, à un peu plus de 96 000 euros. Une fois déduit l’ensemble des charges associées à l’exercice libéral (frais de déplacement, éventuelles charges de personnel, loyer, achats de fournitures…), le bénéfice comptable est divisé de moitié : 45 770 euros en moyenne. À noter que les recettes oscillent à l’année entre 58 000 euros pour les plus basses, et 145 600 euros pour les plus élevés, pour des bénéfices comptables de 24 689 euros et 73 420 euros respectivement.
Source : Statistiques de l’UNASA
Des mesurent qui ne compensent pas la perte de pouvoir d’achat
Pour autant, malgré leur succession, ces mesures de revalorisation salariales ne contentent pas le SNPI. « Ce sont des effets de communication », pointe Thierry Amouroux. Car à l’arrivée, dans un contexte d’inflation que ces augmentations ne compensent pas, « les infirmiers se retrouvent avec une perte de pouvoir d’achat » de l’ordre de 15%. Pour le syndicat, il faut une vraie revalorisation de salaire qui passerait par une revalorisation du nombre de points pour l’ensemble des infirmiers, spécialités comprises. « Nous demandons 400 euros d’augmentation pour tous les infirmiers, qu’ils soient en début, milieu ou fin de carrière », indique Thierry Amouroux. « Cela nous permettrait d’atteindre la moyenne européenne », les salaires français y étant toujours inférieurs de l’ordre de 10%.
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