Impliquer davantage les patients partenaires ou usagers pour redonner du sens à leur exercice. Voici une piste d’action parmi d’autres que les professionnels de santé pourraient emprunter. « S’assurer que le patient a sa place d’une façon ou d’une autre, c’est à mon avis le levier essentiel, c’est ce qui va rallumer l’étincelle, la motivation, qui va réamorcer la flamme », souligne ainsi Pauline Maisani, directrice de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, convaincue de cette approche et de ses vertus pour tout le système de santé .
« Un modèle qui peut faire peur »
Sur le papier, l’idée est engageante quel que soit le côté de la barrière dans lequel on se trouve. D’une part parce que soignants comme patients ont besoin de sens, les uns dans les soins qu’ils prodiguent, les autres dans les soins qu’ils reçoivent. Et ce, d’autant qu’ils partagent bon nombre de préoccupations : « La vulnérabilité, le bien-être, le sens dans le soin (pertinence), la violence, l’autonomie (retrouver le pouvoir d’agir) et/ou de besoins : de coopération, de coordination et surtout de compréhension dans ce que vit l’autre », rappelle Amanda Olivon, chargée projets et patiente partenaire au sein du Centre opérationnel du partenariat en santé (COPS) en Occitanie. D’autre part, il est évident qu’ils partagent aussi un objectif commun : le bien du patient.
Sur le terrain, l’idée de ce “partenariat en santé”, qui fait véritablement sens de part et d’autre, est certainement moins évidente à mettre en branle. D’aucuns diront que « cela prend du temps », que « cela se rajoute », que « c’est compliqué à mettre en œuvre »… Quand d’autres seront réticents à partager un peu de leur art avec un inconnu, une personne non issue du milieu médical… « Le modèle peut faire peur… Pour donner envie aux équipes, il y a des étapes à franchir, trouver des petites choses pour enclencher. Pour commencer, on n’est pas obligé d’aller loin, simplement se reconnecter au point de vue du patient », suggère Pauline Maisani.
Se reconnecter avec le patient, c’est aussi se replonger au cœur de l’engagement, de ce pourquoi on a choisi ce métier
Revisiter la relation soignant-patient
Des petites choses pour enclencher la démarche... C’est ce qui a été initié au CHU de Montpellier. « On teste des petites choses, avec les patients et les professionnels. On voit ce qui fonctionne ou pas et puis on itère de manière à produire une proposition finale qui nous semble collectivement avoir de la valeur du point des professionnels et des patients », explique Emmanuelle Garnier, directrice de la mission innovation organisationnelle et expérience patient du CHU montpellierain, une structure d’appui qui intervient auprès d’équipes de terrain pour résoudre une problématique spécifique (améliorer un parcours par exemple). Et de constater : « Dans les travaux qu’on anime dans les temps collectifs qu’on propose, on se rend compte que l’on permet aussi aux équipes de soins de se reconnecter avec le besoin des patients. Malgré tout, pour les soignants, c’est aussi se replonger au cœur de l’engagement, de ce pourquoi on a choisi le job, et cela c’est une voie pour redonner du sens dans la pratique du quotidien ».
« Redonner du sens au travail des soignants avec l’apport de la voix des patients, c’est mon credo depuis plus de douze ans, depuis qu’en fait j’ai travaillé au Québec où j’ai exercé mon métier pendant quatre ans. » Pauline Maisani, directrice de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière
« Le patient partenaire peut donner des outils pour qu’à un moment la confiance s’installe. Car sans confiance il n’y a pas de coopération et sans coopération, on est incapable dans une équipe multidisciplinaire de travailler pour le bien du patient. » Marine Chosson, patiente experte, membre de France AVC 74.
Nous avons la force de croire que tout ce qui va être bénéfique pour le patient va apporter de la valeur à l’ensemble des acteurs
Une approche de partenariat également fructueuse et déjà enclenchée au sein de La Ligue contre le cancer. « À la Ligue, nous avons non pas la faiblesse mais la force de croire que tout ce qui va être bénéfique pour le patient va apporter de la valeur à l’ensemble des acteurs », relève Quitterie Lanta, responsable de l’information pour les patients et les proches aidants au sein de l’association et co-fondatrice de Komunity.care. Et de relater tout l’intérêt d’un dispositif patients ressources évalué pendant trois ans « et dont les retombées ont été extrêmement positives » pour les patients… comme pour les soignants. Ces derniers peuvent se rendre compte par exemple, en retour du vécu d’un patient ressource “témoin” [dans le cadre d’un groupe restreint], qu’ils ont pu avoir, au détour d’un geste, d’un sourire, d’une mise en garde contre le froid ou la douleur, une attention de soin pleinement porteuse d’humanité.
Les patients ressources « Parcours »
Dans les établissements, les soignants peuvent également, dans certaines situations spécifiques (mise en chambre stérile par exemple), faire appel à des patients ressources “parcours” dans le cadre d’un dispositif de pair-aidance.
Un partenariat usagers/soignants porteur de sens dans la décision partagée et également mis en œuvre au sein du Centre opérationnel du partenariat en santé (COPS). Financé par l’ARS Occitanie et opérationnel depuis peu, celui-ci consiste en « une approche qui propose d’agir ensemble pour le bien-être physique, mental et social de chacun, en reconnaissant et en s’appuyant sur la complémentarité des expériences, savoirs et compétences des usagers et des professionnels du système de santé ». […] « Nous partons toujours des demandes des professionnels et/ou des structures en appui. Par exemple, nous appuyons actuellement la réflexion des équipes du Centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) de Montpellier sur l’opportunité et l’intégration d’un patient pair en son sein. Très récemment, nous avons aussi co-élaboré un guide pour l’implication des usagers dans le premier recours », expose Amanda Olivon. Celle-ci considère d’ailleurs cette innovation managériale comme « une clé pour la qualité de vie au travail » et « une source de sens pour la pertinence des soins ».
La méthode “AMPPATI”
Autre initiative de partenariat avec les patients au sein de la structure d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients Occitanie : la méthode “AMPPATI” issue du Shadowing aux États-Unis. « Celle-ci consiste à observer un parcours du patient, par exemple de son accueil jusqu’à son installation en chambre ou de la personne accompagnée, explique Christine Sagnes-Raffy, médecin coordonnateur qui en est responsable. On se trouve alors dans un rôle d’observateur sans juger sans intervenir pour identifier tous les petits grains de sable qui finalement nuisent au patient ou au professionnel de santé et en rediscuter en équipe. Ce rôle d’observation étant au service d’une amélioration des pratiques professionnelles et de la coordination du parcours du patient. »
Le label “Hospitalité”
À noter encore le label “Hospitalité” mis en œuvre depuis fin 2016 au sein de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Un référentiel d’hospitalité coconstruit avec des patients, des représentants d’usagers qui, « pour les professionnels qui le reçoivent, est une vraie reconnaissance, l’occasion de travailler en collectif, recréer du positif, de la cohésion… » souligne Marion Lanly, cheffe du service expérience patient et partenariat à l’AP-HP.
Autant de retours d’expériences parmi d’autres évoquées pour permettre aux équipes de soins de se reconnecter avec les besoins des patients, replonger au cœur de l’engagement et, in fine, retrouver du sens dans leur exercice au quotidien.
Pour en savoir plus :
- 9e colloque national Soins aux professionnels de la santé (SPS)
- Partenariat en santé en Occitanie
- Guide pour l’implication des usagers dans les soins primaires
- SRA Occitanie
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