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Centre d’Urgences Céphalées : "On vient ici lorsqu’on est en crise"

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Publié le 27/12/2022

Le Centre d’Urgences Céphalées (CUC) de l’hôpital Lariboisière AP-HP est unique en son genre en Europe. Y sont accueillis des patients en crise, souffrant de céphalées (maux de tête) inhabituelles et récentes, d’algie vasculaire de la face (AVF) ou en crise de migraine rebelle au traitement. Là, une équipe spécialisée tente de les soulager et de les soigner. Reportage.

Centre d’Urgences Céphalées

Centre d’Urgences Céphalées

Estelle, infirmière

Estelle, infirmière

Centre d’Urgences Céphalées

Centre d’Urgences Céphalées

Centre d’Urgences Céphalées

Centre d’Urgences Céphalées

Centre d’Urgences Céphalées

Centre d’Urgences Céphalées

L’équipe ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée d’un journaliste. On a un peu peur que ça fasse de la pub au service et que les gens viennent, pensant qu’on pourra les aider, alors que nous recevons une patientèle bien spécifique, explique Jérôme Mawet, neurologue spécialisé dans les maux de tête et les migraines au Centre d’Urgences Céphalées de l’hôpital Lariboisière AP-HP, à Paris. Le seul de la sorte en France et même, en Europe. Il ne faut pas que les gens se disent : j’ai mal à la tête depuis 10 ans, je peux aller là- bas, précise le médecin, qui se souvient d’un homme venu de très loin, qui avait engagé de nombreux frais pour faire le déplacement… et dont le traitement aurait pu lui être dispensé par un neurologue, en ville. Non, on ne vient ici que lorsqu’on est en crise. Il s’agit bien d’une consultation d’urgences qui s’adresse aux patients qui ont soit des maux de tête inhabituels récents, soit des maux de tête qui ne passent pas avec les traitements habituels. Quelqu’un qui souffre de maux de tête depuis très longtemps a, bien sûr, besoin de voir un médecin, mais dans le cadre d’une consultation classique.

Une fois ce point clarifié, on déambule dans le service, sous une lumière étonnamment verte. Elle a été retenue car, selon les études, c’est la couleur que les migraineux tolèrent le mieux, celle qui entraîne le moins de photophobie, nous explique Jérôme Mawet. Et à en voir l’air de souffrance de la patiente qui attend à l’accueil, une main sur son front douloureux, tout ce qui a le pouvoir d’atténuer la douleur est bienvenu.

L’idée est d’abord de traiter la douleur. Celle-ci est propre à chacun, il y a donc des gens qui vont très bien la tolérer et d’autres qui vont très mal la supporter - Estelle, infirmière.

30 à 40 patients par jour, dont certains viennent de loin

Le Centre d’Urgences Céphalées, ouvert du lundi au vendredi entre 8h et 17h, reçoit autour de 30 patients par jour, parfois jusqu’à 40. Tous sont d’abord reçus par une infirmière. L’équipe en compte deux, mais aussi une aide-soignante et quatre neurologues à temps plein. On accueille le patient, on prend les paramètres (poult, tension, saturation, température…), on perfuse, on bilante, détaille Estelle, infirmière au Centre d’Urgences Céphalées, 20 ans d’urgences, spécialisée dans la douleur et elle-même atteinte de névralgie du trijumeau (ça m’a sensibilisée, évidemment, sourit-elle). L’idée est d’abord de traiter la douleur. Celle-ci est propre à chacun, il y a donc des gens qui vont très bien la tolérer - et on a d’ailleurs du mal à la chiffrer parce qu’elle est chronique et que les gens y sont habitués - et d’autres qui vont très mal la supporter, souligne l’infirmière. Dans le service, on a aussi la possibilité de faire passer des scanners ou des ponctions lombaires, des électrocardiogrammes…

Migraines, hypertension intracrânienne, céphalées de tension, algie vasculaire de la face (AVF), hypotensions intracrâniennes : les patients, âgés de 16 ans et plus, consultent pour toutes sortes de pathologies, détaille Jérôme Mawet. Certains viennent de loin (de toute la France, et même de l’étranger).

Deux lits destinés à recevoir des patients lorsqu’ils sont amenés à recevoir un traitement pendant quelques heures dans le service.

L’infirmière, associée à tout le processus de soin

Estelle, qui a travaillé 20 ans dans un service d’urgences classique, trouve le métier particulièrement intéressant car plus spécifique dans ce service dédié aux maux de tête. Les infirmières ont d’ailleurs été formées par les médecins : Il faut des connaissances en neurologie ainsi que sur le système ORL (car les sinusites parfois donnent des migraines – avec des douleurs extrêmement importantes), confie-t-elle. Ici, on met des mots sur des pathologies, c’est très gratifiant. En tant qu’infirmière j’ai davantage l’impression d’être partie prenante de tout le processus de soin. On travaille aussi vraiment en équipe, on échange autour des patients et des protocoles qui font évoluer la prise en charge.

Dans le service aussi, le Covid a eu un impact. Certains patients ont ainsi vu leur migraine déstabilisée.

Depuis la crise sanitaire, le Covid s’est invité dans le service

Depuis le début de la pandémie, le Covid a fait son entrée dans le service. Car le mal de tête peut être un symptôme de la maladie, et fait aussi partie des symptômes persistants dans le cas des Covid Longs Il y a des patients qui, après le Covid, ont vu leur migraine déstabilisée. Beaucoup plus après le Covid qu’après le vaccin, souligne Jérôme Mawet à l’adresse de patients migraineux qui ne se font pas vacciner par peur de voir leurs maux de tête aggravés : le risque est plus fort en attrapant le Covid, insiste le neurologue.

Pour la plupart, ce sont des patients qui avaient des maux de tête préalables qui se sont destabilisés. On traite donc l’affection sous-jacente qu’ils avaient, migraines, céphalées de tension. Plus rarement, il y a des patients qui ont des céphalées pendant le Covid qui persistent ensuite. Là encore, on les traite en fonction des caractéristiques que l’on constate, mais c’est vrai qu’on n’a pas encore beaucoup de recul pour savoir quel serait le meilleur traitement, concède le médecin. Dans le service, plusieurs tableaux affichent les facteurs favorisant la migraine : vin blanc, bruit, règles, stress … Quand on prend le temps de discuter pendant les soins, les gens évoquent beaucoup le stress en ce moment, note Estelle, pour qui le contexte social et économique défavorable a un impact direct sur les migraines.

 

Certains patients sont amenés à revenir dans le service : C’est un service d’urgence mais c’est vrai qu’il arrive parfois que, pour avancer dans un diagnostic, on dise à un patient de revenir pour un examen ou pour tester un médicament, précise l’infirmière. Car le service d’Urgences Céphalées développe aussi des protocoles de recherche (test de nouveaux médicaments, de nouveaux traitements), toujours dans un même espoir : soulager la crise de migraine, handicapante à plus d’un titre.

La migraine, en chiffres*

  • La migraine sans aura (80 % des crises migraineuses) se traduit par la répétition de crises (au moins 5) qui durent 4 à 72 heures sans traitement. Cette douleur s’accompagne d’autres symptômes et notamment d’une hyperesthésie sensorielle avec une gêne au bruit (phonophobie) et à la lumière (photophobie) et de troubles digestifs de type nausées/vomissements.
  • La migraine avec aura (20 % des crises) se caractérise par des signes neurologiques, le plus souvent visuels, transitoires qui précèdent le plus souvent la céphalée.
  • La prévalence de la migraine a pu être estimée à près de 20 % de la population adulte avec une nette prédominance féminine (environ 3 femmes pour un homme).
  • Même si elle peut affecter les enfants et les sujets âgés, la migraine est majoritairement expressive pour la tranche d’âge entre 20 et 50 ans.
  • 35 % des migraineux de la population générale ont une perte de productivité d’au moins 6 jours par trimestre ; pour 20 % des migraineux cette perte de productivité dépasse les 11 jours.

* Source : Fédération Française de neurologie.


Source : infirmiers.com