Dans un contexte de pénurie, les ressources humaines sont la « mère de toutes les batailles ». Le recrutement de nouveaux professionnels est une priorité, voire une condition indispensable, dans l’amélioration des conditions de travail à l’hôpital. Rien que dans le public, il manque 5 à 6% d’infirmiers, soit 15 000 postes, selon une enquête publiée en juin 2022 par la Fédération Hospitalière de France (FHF), avec de très grandes disparités selon les services, les types d’établissements, les territoires. Et 99% des établissements témoignent de difficultés pour recruter des professionnels. De quoi pousser la Fédération à imaginer « un plan de bataille global » en ressources humaines, qui embarque en parallèle toutes les composantes des conditions de travail (recrutement, rémunération, qualité de vie, développement des carrières). La cible annoncée par Arnaud Robinet, son président : recruter 125 000 professionnels d’ici 5 ans, dont les 25 000 nécessaires pour combler les postes actuellement vacants et 100 000 supplémentaires dans le médico-social pour faire face aux besoins croissants de la population.
+25% de places dans les instituts de formation
Premier axe de ce grand plan pour l’emploi : « une mise en adéquation de la formation avec les besoins de santé » exprimés par la population, élabore Sophie Marchandet, responsable RH de la Fédération. Avec en ligne de mire une augmentation de 25% des quotas de formation initiale dans les instituts infirmiers (IFSI) et aides-soignants (AS), pour passer à 40 000 places par an dans les uns et 32 500 pour les autres. Elle passera notamment par « la modification des modes de sélection », avec l’ouverture de plus de places sur Parcoursup. La formation continue ne doit pas pour autant être négligée. Il faut « faciliter son accès par l’apprentissage, la validation des acquis de l’expérience » et par l’utilisation plus fluide des passerelles lors des changements de cursus en médical, poursuit-elle. « Il y a un vivier de professionnels en devenir qui souhaite bénéficier de carrières plus attractives. » Concrètement, précise-t-elle, cet axe passe par le renforcement de la place des employeurs publics sur le territoire, « qui devraient avoir une place prépondérante dans la stratégie d’ouverture des places dans les IFSI, en lien avec les régions et les universités. »
Il faut mettre les étudiants en santé en médecine, en pharmacie, en soins infirmiers en coopération pour qu’ils comprennent mieux les contraintes de chaque métier.
Focus sur le développement des carrières
De formation, il est encore question dans le deuxième axe du plan, qui se focalise sur le développement renforcé de la coopération entre les différents professionnels de santé. « Il existe peu de protocoles de coopération, et les passerelles entre les métiers sont complexes, avec des parcours individuels d’évolution trop rares », observe Sophie Marchandet, qui préconise de mieux adapter les maquettes de formation aux besoins de santé et de faciliter la coopération entre professions dès les études. « Il faut mettre les étudiants en santé en médecine, en pharmacie, en soins infirmiers en coopération pour qu’ils comprennent mieux les contraintes de chaque métier » et leurs compétences.
Une autre piste consisterait aussi à accompagner l’évolution des métiers du soin avec, notamment, le passage d’un décret d’actes à un décret de compétences pour les infirmiers afin « de mieux prendre en compte l’éventail des compétences » des soignants. Les travaux sur ce sujet ont d’ailleurs été entamés par le ministère de la Santé. Autre point majeur, en écho cette fois avec la réforme des retraites : favoriser les deuxièmes parties de carrière et les reclassements pour les métiers soumis à une forte pénibilité. « Par exemple, une aide-soignante en EHPAD pourrait devenir référente et articuler une équipe de soin à domicile. Alors que l’on souhaite renforcer la prévention, il existe plein de possibilités », défend Zaynab Riet, déléguée générale à la FHF.
Il y a un enjeu fort de rémunérer de manière pérenne les astreintes.
Mobiliser la notion de « responsabilité collective »
Troisième axe défini : amplifier les politiques d’attractivité à l’hôpital via plusieurs leviers dont, en premier lieu, la revalorisation pérennes des heures de nuit, week-end et jours fériés. « Il y a un enjeu fort de rémunérer de manière pérenne les astreintes », par le maintien de ce qui a été mis en place pour faire face à la crise, mais aussi « de rémunérer le travail de nuit pour le rendre plus attractif et de revaloriser les gardes hospitalières », développe Quentin Hénaff, responsable adjoint au Pôle Ressources humaines de la FHF. Dans le même ordre d’idée, la Fédération réclame une refonte du régime indemnitaire, devenu « illisible avec sa centaine de primes », autour de 4 critères : la technicité du poste, le management, les contraintes d’exercice et l’investissement individuel. En parallèle, dans la continuité du Ségur, elle attend l’instauration d’un « schéma de permanence des soins entre les établissements » qui puisse permettre de concrétiser la « notion de responsabilité collective », poursuit-il. Ces deux pistes visent ainsi à « partager les contraintes » entre les différents acteurs du soin sur les territoires.
Des leviers organisationnels à solliciter
D’autres leviers – organisationnels, notamment – peuvent être mobilisés pour rendre l’hôpital plus attractif. Se pose, entre autres, la question des ratios. Mercredi 1er février, le Sénat s’est positionné pour un ratio minimal de soignants par patients, une mesure qui est fortement réclamée par la profession et l’Ordre infirmiers. Le texte proposé tient compte du volume d’activité par service, note Vincent Roques, directeur à la FHF, qui souligne toutefois « un point de vigilance ». « La notion de ratio doit s’appliquer à l’ensemble des établissements de santé, ce qui n’est pas le cas actuellement puisque seul le public est concerné. » Pour répondre aux enjeux de qualité et de sécurité des soins, il faut également penser « une méthode opérationnelle » pour leur mise en place qui ne conduise pas à des fermetures de lits.
Est également recommandé d’appliquer une plus grande souplesse d’organisation sur le terrain pour une adaptation plus pertinente aux cycles de travail et de généraliser les formations au management, en particulier au management participatif. Enfin, la FHF appelle à plus d’échanges et de dialogue avec les collectivités territoriales afin que celles-ci puissent proposer des solutions de gardes d’enfants ou de logements plus proches des établissements, qui participent à la qualité de vie des professionnels de santé.
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