Les effectifs d’infirmiers et d’aides-soignants progressent chaque année ; mais ils ne progressent pas assez vite et pas de manière homogène. C’est, en substance, l’enseignement à tirer de la récente étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) sur la démographie de ces deux professions. En 2021, près de 600 000 infirmiers étaient en exercice en France métropolitaine et dans les DROM (hors Mayotte), dont une large majorité de salariés (500 300, contre 98 300 infirmiers libéraux). Côté aides-soignants, ils étaient 420 500. Sans surprise, note-t-elle, ces deux professions sont majoritairement féminines : à 90% pour les aides-soignants, à 87% pour les infirmières salariées, et à 82% pour les infirmières libérales. Les effectifs pour ces trois catégories de professionnels ont augmenté de manière continue entre 2013 et 2021, mais pas dans les mêmes proportions.
Une élévation du nombre d'IDEL
La Drees observe ainsi des disparités entre infirmiers libéraux (IDEL) salariés, toutes sources de données confondues (voir encadré) : « Le nombre d’infirmiers en activité libérale a progressé de 3,2 % par an en moyenne entre 2013 et 2021 », relève-t-elle, contre 1% pour les infirmiers salariés entre 2013 et 2020. En 2021, les effectifs de ces derniers ont même eu plutôt tendance à diminuer de 0,3%. Au total, entre 2013 et 2021, les effectifs de salariés ont ainsi augmenté de 6,9%, soit bien loin des 28,5% de progression affichés par les effectifs exerçant en libéral. L’exercice mixte, lui, demeure « marginal », seuls 2% des IDEL de moins de 62 ans ayant adopté cette modalité. Quant aux aides-soignants, « leur effectif a augmenté de 7,6 % entre 2013 et 2020, soit + 1,1 % en moyenne par an » avec, là aussi, un recul de 1,1% constaté en 2021. En tout, leur nombre a augmenté de 6,5% entre 2013 et 2021.
Une progression générale insuffisante face aux besoins
Cette progression demeure toutefois insuffisante au regard des besoins croissants de la population, notamment en raison de son vieillissement, qui entraîne l’augmentation des maladies chroniques. Aussi, si les effectifs ont bel et bien continué de croître au cours de la période, la densité des professionnels rapportée aux besoins, elle, ne reflète pas cette augmentation dans les mêmes proportions. Ainsi, l’augmentation du nombre d’IDEL a été « plus importante que celle de la population », faisant augmenter la densité de ces professionnels de 2,8% par an en moyenne et portant à 146 leur nombre pour 100 000 habitants en 2021 (contre 117 en 2013). Mais rapportée aux besoins et à la concentration de la demande autour des personnes âgées, la densité (dite « standardisée ») n’aurait ainsi progressé que de 1,5%. « Dynamique en début de période, cette progression ne cesse de ralentir depuis 2015 (+ 4,6 % d’IDEL en 2015, contre + 1,3 % en 2021) », indique par ailleurs la Drees. Côté infirmiers salariés, la densité standardisée régresse : - 0,8% par an en moyenne.
Un constat qui s’applique également pour les aides-soignants. Si leur croissante a, là aussi, été plus rapide que celle de la population générale (628 aides-soignantes pour 100 000 habitants en 2021, contre 607 en 2013), elle a néanmoins « été moins importante que la croissance des besoins en soins due à l’augmentation et au vieillissement de la population ». Leur densité standardisée a ainsi reculé de 0,9%.
Un écart qui se creuse dans la pyramide des âges
L’étude de la Drees met en lumière un autre phénomène : le lent vieillissement de ces deux professions, notamment chez les IDEL et les aides-soignants. Sachant que les infirmiers salariés sont plus jeunes que les infirmiers libéraux. En 2021, les infirmiers de moins de 30 ans représentaient ainsi 21% des professionnels salariés, contre 23% en 2013, et 4% des infirmiers libéraux, contre 5% en 2013. Dans le même temps, le nombre d’infirmiers de 60 ans et plus a « fortement progressé » aussi bien en exercice salarié qu’en libéral : 25 700 en 2021 contre 14 600 en 2013 pour les premières, et 8 800 en 2021 et 5 100 en 2013 pour les secondes. Un constat qui pourrait s’inscrire dans le temps alors que les abandons en formation augmentent chez les plus jeunes.
Quant aux aides-soignants, ils constituent « une population vieillissante », avec, notamment des écarts notables entre femmes et hommes, ceux-ci étant globalement plus âgés : « en 2021, 14 % des hommes ont moins de 30 ans et 37 % ont moins de 40 ans, alors que 17 % des femmes ont moins de 30 ans et 41 % ont moins de 40 ans », indique le document de la Drees. Plus largement, le nombre d’aides-soignants âgés de 55 ans et plus est passé de 45 600 en 2013 à 76 500, tandis que, parallèlement, la catégorie des moins de 30 ans accuse un recul. De 72 300 aides-soignants en exercice en 2013, elle est passée à 69 200 en 2021.
L'étude de la Drees a pour objectif premier d'identifier une méthodologie pour mesurer la démographie des infirmiers et des aides-soignants. Pour recueillir les données, elle a envisagé plusieurs sources, dont le répertoire ADELI et le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS). Problème : le premier est en cours de décommissionnement, et le second, s’il inclut les infirmiers depuis fin 2021, ne recense pas l’ensemble des infirmiers en exercice. « Malgré le caractère obligatoire d’inscription, de nombreuses professionnelles », essentiellement salariées, « ne sont pas enregistrées dans le RPPS », relève-t-elle. Elle a donc choisi de s’appuyer sur la base tous salariés (BTS) de l’Insee, qui mesure les effectifs d’infirmières et d’aides-soignantes salariées, en nombre de personnes physiques, en poste au 31 décembre, et sur le système national des données de santé (SNDS). Ce dernier permet d’étudier plus précisément les effectifs des infirmières exerçant en libéral.
Des disparités entre secteurs d’activité...
Enfin, dernier enseignement, la répartition des infirmiers et des aides-soignants par secteurs et sur le territoire national demeure très inégale. Les infirmiers ne sont que 10% de l’effectif total à relever d’une spécialité et 11% à faire partie de l’encadrement (infirmiers chefs, infirmiers généraux, infirmiers surveillants, chefs d’unité de soins infirmiers, infirmiers enseignants…), le plus gros étant constitué par les infirmiers en soins généraux (79%, dont psychiatrie). « La répartition des infirmiers salariés par secteur d’activité est quasiment stable entre 2013 et 2021 », constate par ailleurs la Drees. 76% d’entre eux travaillaient à l’hôpital, dont 57% dans la fonction public et 19% dans le privé, et 11% dans un établissement ou service social ou médico-social, dont 4% dans le public et 7% dans le privé. « Les aides-soignants ont moins souvent pour poste principal un emploi à l’hôpital que les infirmiers salariés et exercent plus souvent dans le secteur social ou médico-social », ajoute-t-elle. En 2021, 60% d’entre eux avaient pour poste principal un emploi à l’hôpital (dont 48% en public), et 32% dans le médico-social. Pour ces deux professions, ces répartitions entre secteurs d’activité sont demeurées stables entre 2013 et 2021.
... et entre territoires
Enfin, sur le territoire, des disparités se révèlent entre régions, dues aux écarts en population générale dans la pyramide des âges. C’est dans les DROM (hors Mayotte et à l’exception de la Guyane) et dans les régions du sud de la France que la densité des IDEL est la plus importante. Elle y dépasse 200 infirmiers libéraux pour 100 000 habitants, contre 65 en Ile-de-France. Cette densité est également inférieure à 100 IDEL pour 100 000 habitants en Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et Guyane. Pour autant, « la prise en compte d’une demande de soins infirmiers croissante avec l’âge réduit ces disparités régionales. En effet, la population francilienne est particulièrement jeune alors que les habitants des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Corse sont plus âgés », nuance la DREES. Les infirmiers salariés, eux, sont moins inégalement répartis, oscillant entre 700 et 800 pour 100 000 habitants respectivement dans les régions les moins dotées (Guyane, Ile-de-France, La Réunion, Centre-Val de Loire) et les plus dotées (Bretagne, Guadeloupe et Martinique). Et pour les aides-soignants, ce sont les régions Bretagne et Pays de la Loire qui présentent la densité la plus forte, les régions Corse et PACA affichant les densités les moins élevées. Mais de manière générale, celle-ci a diminué dans toutes les régions entre 2013 et 2021.
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