Résumé de la 1ere année
Introduction
A travers des différents systèmes théoriques proposés pour décrire le développement psycho affectif de l'enfant certain sont complémentaires et permettent en les associant d'avoir un début de compréhension des processus de structuration et de maturation psychique. Ce document se présente comme une étude de certain de ces systèmes en suivant la progression du développement de l'enfant dans ses premières années.
Ainsi les théories d'auteurs incontournables seront évoqués : le développement libidinal de S. Freud, celui du moi de M. Klein, celui de l'intelligence de J. Piaget
L'implication de la petite enfance dans les structures psychiques de l'adulte sont perçues comme fondamentales, dans le sens premier du terme, pour les psychanalystes et certains psychologues.
Le graphique suivant ne se veut en aucun cas scientifiquement fiable; Il permet juste de se représenter la dynamique de développement de la structure psycho-affective de l'enfant au fil des années.
C'est également suivant cette logique qu'est construit cet article: les premiers mois étant nettement plus détaillés que les années suivantes.
Chaque période sera découpée en trois partie:
Ce que l'on voit de l'extérieur, qui renvoie à l'expérimentation directe avec l'enfant.
Ce que l'on sait qu'il se passe, qui correspond à l'analyse systémique de Piaget, un des fondateurs de la psychologie du développement de l'enfant.
Ce que l'on pense qu'il se passe, qui renvoie aux différentes théories psychanalytiques. Ces théories semblent avoir acquises une validation au fil du temps.
Avant la naissance: l'enfant fantasmé
Un enfant ne peut pas être compris sans la matière première de l'attente de ses parents : le fantasme. Avant même sa naissance, l'enfant est déjà imaginé, fantasmé et donc pré construit dans le désir des parents.
Un exemple parmi d'autre pourrait être la position de l'enfant à venir dans sa place dans la fratrie qui rentre en écho avec la fratrie du parent, produisant ainsi tout un cortège de parallèles et de comparaisons (ce qu'on appelle des projections).
Il est important d'entendre que l'enfant est une partie de soi qui, normalement, nous survie. On peut y voir un fragment de sa propre immortalité! Voyez ces parents qui veulent que leurs enfants réussissent mieux qu'eux, ou qu'ils fassent des choses qu'eux-mêmes auraient voulu faire lorsqu'ils avaient leur âge. Entendons nous bien, nous parlons ici de la Lignée, de la survie de son espèce et ainsi d'un darwinisme fondamental et nécessaire.
Ceci étant, une partie du travail d'être parent réside dans l'acceptation de son enfant réel tel qu'il est et donc du deuil de cet enfant fantasmé.
Ce n'est pas le sujet de ce présent article mais si cela vous intéresse, nous vous conseillons d'étudier l'hyper-adaptation, le faux self infantile, l'enfant-béquille, etc
Par l'interaction avec l'environnement, c'est le début de l'apprentissage de la différentiation émotionnelle qui se met en place.
L'apport parental
Le rôle des parents est fondamental tant pour sa survie physique qu'émotionnelle. Tout au long des premières années de vie de l'enfant, les parents vont jouer un rôle étayant pour le développement du psychisme : par le holding (porter l'enfant), le handling ( manipuler l'enfant) et l'object presenting (lui présenter des objets) (notion winnicottienne), l'enfant va découvrir les limites de son corps et ainsi les limites entre moi et non-moi.
Par l'empathie et le langage, l'enfant va apprendre à se structurer; et par la triade parentale symbolique, l'enfant finira par découvrir la différence des sexes et des générations.
Cette triade est dite symbolique parce que la Mère et le Père en psychanalyse ne sont pas forcément ces deux parents au sens propre. En fait il s'agit plus de dynamiques: le maternant qui s'occupe de l'enfant et le paternant qui incitera l'enfant à découvrir le monde par lui-même. Ainsi nous trouvons chez les deux parents des dynamiques des deux sortes. Cette analyse permet d'avoir un autre regard sur la monoparentalité ou sur l'homoparentalité.
On peut le dire simplement, sans l'apport d'un environnement maternant et structurant l'enfant ne peut pas se développer. Pire, Spitz a découvert dans les orphelinats d'après guerre des cas de ralentissement et d'arrêt du développement psycho-affectif chez ces jeunes enfants parce qu'ils étaient coupés de tout lien affectif. Par ce Syndrome d'hospitalisme, certains enfants sont même morts de carence affective extrême.
Ajoutons juste que le nom de ce syndrome est mal choisi car il fait en fait référence à des situations en pouponnière et non à l'hôpital.
Les débuts du nouveau né : les trois-quatre 1er mois
Ce qu'on voit de l'extérieur
Les premières semaines de vie, le nourrisson dort presque toute la journée. Il présente une hypertonie musculaire et une hypotonie axiale.
Au niveau perceptif, si sa vision reste encore très faible, il semble reconnaître le son de voix de sa mère grâce à l'apprentissage intra-utérin. Au fil des semaines, il se mettra progressivement à fixer les visages humains.
Ses gestes sont un ensemble désordonné de réflexes innés comme le grasping, le toussotement, la succion, les mictions, la défécation, le gigotement, les pleurs, etc.
Essentiellement tourné sur son corps, le nourrisson émet une réponse émotionnelle au confort, à la frustration, à la fatigue ou à l'angoisse. Il les exprime à la fin du premier mois par des cris spécifiques, identifiables par ses parents.
Ce que l'on sait qu'il se passe
Selon Piaget cette période recouvre les 1er (0-1 mois) et 2nd (1-4 mois) stades de la période sensori-motrice (0-2 ans).
Des réflexes innés du premier mois, la structuration des schèmes moteurs atteint progressivement un stade où les premières coordinations sont possibles: le bébé coordonne grossièrement doigt, coude, épaule et bouche pour sucer son pouce.
C'est l'âge des réactions circulaires primaires: le nourrisson prend plaisir à répéter les mêmes mouvements. Cette sollicitation répétée permet l'apprentissage et l'automatisme de ces schèmes.
Ce qu'on pense qu'il se passe à l'intérieur
Essayons de nous mettre à la place du psychisme émergeant en se basant sur les théories psychanalytiques.
A la naissance, le psychisme, fondamentalement, c'est le Ça: c'est des pulsions, des besoins. Cet aspect est perceptible à travers les cris et besoins du nourrisson. Mais c'est également l'âge de la toute puissance.
Pour comprendre cette toute puissance, il faut avoir à l'esprit ce que le nourrisson est en train de vivre. Il est une conscience – qu'elle soit fragmentée pour les uns, en devenir pour d'autre -, et en cela il est un processus de centralisation et d'organisation des informations perçues. On peut résumer en disant « ça est ».
Il y a existence d'une conscience sans qu'elle puisse pour l'instant se rattacher à une identité ni même à un corps. En cela le nouveau né est tout puissant, simplement parce qu'à ce stade, sa conscience n'a pas accès à ses propres limites physiques et encore moins accès à l'existence des autres. Il est tout ce qu'il expérimente, c'est en cela qu'il est tout puissant.
Par l'accouchement, qui est pour certain théoriciens le premier traumatisme, le nouveau-né accède un état d'hyperstimulation constante. Avant, il était protégé dans la zone intra-utérine des trop fortes stimulations des sens. Désormais la confrontation est directe. Et, à cette toute puissance s'oppose ces expériences désagréables. Voici en substance la situation qui amènera le psychisme à développer ses premiers mécanismes de défense : incorporation et projection.
Pour Sigmund Freud, par la naissance, le nourrisson entre dans le stade oral, le premier stade de l'évolution libidinale. Il dure de 0 à 1 an.
Le plaisir est lié à la zone bucco labiale, et essentiellement à l'alimentation. Karl Abraham qui approfondira la question divisera le stade oral en deux périodes, la première, de 0 à 6 mois, étant associée à la succion, et la seconde, le stade sadique oral, liée à la morsure, qui va de 6 mois à un an. Il s'agit en substance de l'idée de manger ou d'être mangé.
Le plaisir oral est dit autoérotique et selon Freud, la pulsion s'accomplit par le processus d'incorporation: le nourrisson intègre et par là-même devient ce qui le satisfait. Le bébé rassasié est satisfaction.
Le psychisme passe d'un état où la notion même de désir n'existe pas, car dans le ventre maternel les apports nutritifs sont constants, à un état où le désir prend sens à travers la frustration d'une réalisation immédiate des désirs.
Le nourrisson a une gêne qui est résolue au mieux par la mère. Et c'est justement dans cet intervalle de temps entre expression du manque et assouvissement du besoin que réside les premières séquences de ce que sera le Moi : la satisfaction hallucinatoire. Cette hallucination c'est la reviviscence des premières traces mnésiques de satisfaction.
Pour Freud, le psychisme s'appuie sur les toutes premières traces de souvenir positif comme support pour contrebalancer le fait d'être submergé d'angoisse. Ces premiers îlots de 'positif' seront les bases de l'idéalisation et de ce que sera l'identification, mais aussi les les centres qui seront protégés par la projection.
Pour Freud, ces satisfactions hallucinatoires précoces sont l'origine de la construction du Moi.
Pour Mélanie Klein, psychanalyste qui a beaucoup travaillé sur la question, le nourrisson se trouve dans cette période dans la position schizo-paranoide.
Elle correspond à un moment où le psychisme se vit comme tout puissant, mais non pas par un versant mégalomaniaque mais parce que le psychisme n'a pas conscience de la différence entre lui et l'extérieur de lui (« le moi et le non-moi ») et encore plus simplement, entre lui et sa mère. Ce n'est que bien plus tard que cette distinction est intégrée, pour le moment, le psychisme est sans avoir conscience qu'autour de lui d'autres psychismes sont présents... ni même encore conscience du sens de « autour de lui ».
A ce niveau de conscience, un malêtre venant d'une lumière trop vive ou de la faim ne seront pas comprises comme différentes, l'une venant d'un intérieur et l'autre d'un extérieur, les limites corporelles n'étant pas intégrées. Le psychisme s'organise à travers de dynamiques rudimentaires qui correspondent en substance à absorber ce qui est bon et rejeter ce qui est désagréable.
Techniquement, M. Klein parle d'introjection et de projection pour signifier l'acceptation de l'agréable et le rejet du désagréable. La ligne de démarcation entre ces deux « zones » correspond à la dynamique de clivage.
Le rejeté se veut annihilé, et cette dynamique est appelé le déni.
Ainsi, selon M. Klein, on peut parler du « bon sein » et du « mauvais sein », le premier étant celui qui nourrit et le second celui qui frustre de par son absence. Il n'a pas encore conscience que « ces deux seins » sont en fait une seule et même dynamique, une seule et même personne : la mère.
Dans cette période, parce que la satisfaction dépasse, normalement, l'insatisfaction, le psychisme infantile va s'identifier comme étant une expérience positive. C'est ce sentiment de bien être qui va permettre une suffisamment bonne intégration des limites de son corps et par là une densité psychique suffisante pour faire émerger un Moi.
M. Klein a émis l'hypothèse que des défaillances dans la structuration du psychisme qui auraient lieu au cours de cette position pourraient être les sources de troubles psychotiques ultérieurs. Les pathologies les plus importantes du psychisme seraient rattachées aux périodes de fondation de celui-ci.
De trois-quatre mois à six-huit mois
Ce qu'on voit de l'extérieur
Au cours de cette période, le tonus s'améliore au niveau des membres et de son axe central. Les schèmes de coordination s'affine et le bébé commence a différencier les articulations des bras.
Il apprécie de se tenir droit et assis même si cela est encore fatigant pour lui. Il commence à s'affirmer dans son corps en tapant par terre ou dans l'eau de son bain qui devient un de ses terrains de jeu favoris.
A partir du cinquième mois, son ouïe s'est affiné et il est attentif au moindre bruit. Le mois suivant cette même dynamique s'appliquera pour la vue. Par cette augmentation globale de la vigilance, son environnement a désormais un rôle important dans sa stimulation sensorielle et cognitive.
Pour intégrer le monde, il manipule avec ses mains et met tout ce qu'il peut en bouche. C'est le bon moment pour varier l'alimentation de l'enfant.
Moins symbiotique avec mère, il va mettre en place une relation privilégiée avec un objet, l'objet transitionnel, le fameux doudou, élément de monde extérieur qu'il contrôle et qui le rassure. A la fin de cette période, l'enfant sera un explorateur à quatre pattes du monde environnant.
Il commence à montrer des expressions faciales d'émotions claires de joie ou de tristesse. Il les reconnaît sur le visage des gens qui l'entourent d'ailleurs dès trois mois il a eu la capacité de différencier les visages familiers. Le troisième mois est également celui du sourire social, des premiers éclats de rire et des premiers gazouillis.
Progressivement, la discrimination des personnes alentours et l'exploration de l'environnement poussent l'enfant à se confronter à la multitude des autres, à l'immensité du monde. En un mot, il réalise la puissance du non-moi. C'est l'amorce de l'angoisse du 8ème mois.
Ce que l'on sait qu'il se passe
Jean Piaget a appelé cette période de 4 à 8 mois le 3ème stade de la période sensori-motrice.
L'enfant se vit désormais distinct du monde extérieur et est capable d'action intentionnelle. Il a accès à la permanence pratique (il revient à un objet qu'il a laissé) mais pas encore à la permanence de l'objet ( il ne cherche pas un objet caché).
Maintenant, il fait des réactions circulaires mais en lien avec des interactions avec le monde extérieur initialement amorcées par hasard. Par exemple, il va toucher un jouet et le déplacer et reproduire ce geste, ce schème, de nouveau avec la satisfaction … peut être de la facilitation du geste à travers la simplification du geste.
Ce n'est que plus tard que le contact avec les objets est intentionnel.
Ce que l'on pense qu'il se passe
Karl Abraham décrit cette période comme le stade sadique oral. C'est l'âge où les premières dents poussent. Elles sont douloureuses et le soulagement vient en mordant. C'est l'expression d'une agressivité nécessaire. On retrouve une expression de la violence fondamentale décrite par Bergeret, cette pulsion de vie qui détruit ce qui est pour laisser place à ce qui sera. L'âge sadique anal correspond à la dynamique de détruire l'extérieur pour remplir l'intérieur.
Le processus d'alimentation est la métaphore qui participe à l'élaboration psychique : l'acquisition psychique passe par la mise en bouche, par le mordillage.
Mélanie Klein considère le 4ème mois correspond à l'accès à la position dépressive. Cette étape peut être comprise comme la capacité de l'enfant à dépasser la position schizo-paranoïde.
Cette capacité vient d'une structuration, d'une élaboration plus importante par opposition à la position précédente où le psychisme était encore fragmenté.
Parce que complexifié, le psychisme peut intégrer des distinctions plus subtiles que le clivage. D'un clivage positif/négatif découpant le réel, le psychisme peut désormais intégrer des clivages partiels dans les objets ce qui amènera progressivement à développer l'ambivalence. On passe d'une relation d'objet partiel à une relation d'objet total.
Par la reconnaissance de sa mère en tant qu'objet distinct de lui, il prend conscience que ce qu'il considérait avant comme étant sa puissance ne lui appartient finalement pas. Quand il a faim, ce n'est pas lui qui rempli son besoin mais sa mère. Cette perte fondamentale de puissance amène à la dépression.
A cela, ajoutons que l'enfant a désormais intégré que sa mère est constituée tout autant du bon sein que du mauvais sein, comme vu dans l'étape précédente, ce qui provoquera chez lui de grandes angoisses de perte d'objet. Le besoin d'être à proximité de sa mère se fera plus pressant.
Cette position se retrouve dans le comportement de l'enfant à alterner les séquences d'explorations de l'environnement et les séquences de retour à la mère. Plus la mère est rassurante et étayante, plus l'enfant se sent suffisamment fort pour aller explorer le monde.
La fin de la première année
La fin de la première année correspond à la fin du stade oral décrit par Freud, mais c'est également la fin d'autres périodes théorisées par d'autres psychologues sur des versants non psychanalytiques.
Ainsi le 12ème mois correspond à la fin du 4ème stade de la période sensori-motrice de Piaget. A ce stade la coordination est intentionnelle et s'infère aux situations nouvelles. C'est ainsi qu'il a accès à cette période à la compréhension des premiers scripts de relation de cause à effet. Au niveau des objets extérieurs, ceux-ci ont acquis une constance mnésique. On parle de la permanence de l'objet. Mais si ces objets sont désormais activement recherchés, les stratégies sont encore défaillantes.
Les deuxièmes et troisièmes années
Ce qu'on voit de l'extérieur
À un an, l'enfant pèse en moyenne 12 kg pour 80 cm. À la fin de cette période il mesurera 15 kg pour 90 cm.
Ce stade est celui où l'enfant est un explorateur touche à tout qui apprend à marcher et ira jusqu'à courir dans tous les sens dès qu'il le pourra.
Il développe l'imitation comme la stratégie favorite d'apprentissage. Progressivement il veut participer à ce que font « les grands ». C'est à cette période qu'apparait le besoin de propriété.
Au début de la deuxième année, l'enfant s'exprime par mots-phrases, connaissant les noms de certaines parties du corps et d'objets courants. Les interactions avec d'autres enfants se mettent en place
La troisième année marque le début de l'affirmation du caractère de l'enfant. Il peut tester les limites des parents à travers des crises de colères. De façon intéressante c'est également à cette même époque que l'enfant développe des rituels du couché, l'enfant commençant à avoir peur du noir.
À la fin de cette période, l'enfant s'autonomisera en commençant à s'habiller et à se savonner seul. L'affirmation de son identité l'amènera à prendre conscience des différences des sexes, une des dynamiques initiatrice du stade œdipien que nous verrons plus loin..
Ce que l'on sait qu'il se passe
Le début de la seconde année marque l'entrée dans le 5ème stade sensori-moteur théorisé par Piaget. L'acquisition des réactions circulaires tertiaires signifie que l'enfant fait varier les schèmes de ses répétitions en vue d'une optimisation du processus par une stratégie de type essai-erreur.
De 18 à 24 mois, l'enfant acquière la capacité partielle d'élaborer cognitivement (mentalement) certains scripts (enchainements d'actions) ce qui lui permet d'intervertire et de combiner différemment certaines séquences d'actions. C'est le 6ème stade sensori-moteur.
La fin de la deuxième année est également celle de la période sensori-motrice. La permanence de l'objet est complète ce qui signifie que l'enfant a compris qu'un objet sorti du lieu A pour être caché au lieu B n'était pas à rechercher au lieu A mais bien au lieu B.
Le début de la troisième année est également celui du stade préopératoire (2-6 ans). Par ce stade, l'enfant prend conscience de la différence fondamentale entre signifiant et signifié, avec le langage qui va s'affinant et se complexifiant mais également avec l'imitation qui permet l'accès au jeu symbolique.
En terme de schèmes de stratégie d'intégration des savoirs, une filiation est perceptible entre les réactions circulaires, où une action initialement aléatoire est répétée, et les stratégies d'imitation, où les actions sont empruntées à l'entourage avec comme base de compréhension la loi de causalité.
L'acquisition de la permanence de l'objet permet d'avoir un contrôle sur la fonction mnésique: l'objet perdure par la mémoire. Et ce qui vaut pour l'objet vaut également pour l'égo: ce stade est celui qui permet l'émergence de l'égocentrisme.
Ce que l'on pense qu'il se passe
Si la première année englobe la période qui a été nécessaire au psychisme pour assumer la distinction moi-non moi, ce second stade du développement va être celui de sentiment de contrôle de cette limite. Ce stade commence par l'affirmation de soi par le « non » et se prolonge par le contrôle sphinctérien. Le sphincter est ce muscle qui permet, ou au contraire, empêche qu'une partie de soi s'extériorise. Encore une fois, c'est par l'apport environnemental que l'enfant va travailler l'acquisition de la propreté. Autrement dit, l'étayage environnemental permet la prise de conscience du contrôle de la porosité de la membrane qui permet à l'enfant d'avoir une identité.
L'analité permet de donner et de conserver. Les fèces ont alors le sens d'un don de soi, d'un cadeau fait aux parents. On peut même les voir comme les premières créations de l'enfant, une production original et unique d'un soi qui se construit et s'affirme.
Fondamentalement, ce stade est celui du développement narcissique et de l'émergence du sentiment de puissance et des jeux de pouvoir qui vont avec.
Freud précisera ainsi ce stade par la dynamique sadique sous-jacente. Retenir ses fèces c'est aussi jouer avec l'attente de ses parents. De même, cette dynamique ne peut être comprise sans la double dynamique exhibitionniste/voyeuriste. L'acquisition des savoirs se fait plus distale, l'enfant a moins besoin de manipuler les petits objets ou de la mettre en bouche, l'organisation neuro-cognitive du traitement de l'information visuelle est désormais aboutie et ce champ se narcissise au point de devenir un moyen de pouvoir.
De trois ans à six ans et au-delà
À quatre ans, l'enfant a déjà structuré l'essentiel de son rapport à la réalité. Les objets sont constants, les interactions sociales sont un jeu de marchandage où le langage tient une position centrale. L'enfant sait simuler des émotions et a accès au mensonge, en d'autres termes, il est capable d'élaborer des stratégies lui permettant d'exprimer autre chose que ce qu'il ressent en premier lieu et cela pour atteindre un but supérieur (p.ex.: ne pas se faire disputer, avoir plus de bonbons, etc).
Cette cinquième année est également le lieu d'une petite révolution. En fait il s'agit d'une étape de l'évolution que seuls les humains semblent avoir atteint. Il s'agit de la théorie de l'esprit. Notion cognitiviste qui pourrait se définir comme la capacité d'inférer chez l'autre la complexité d'esprit qu'on a en soi. Si l'empathie traite de l'émotionnel et du sentimental, la théorie de l'esprit est plus vaste et englobe par la même l'empathie.
Cette notion centrale est à l'origine un concept de primatologie (cf. David Premack) qui s'est étendu aux différents champs de la psychologie. Ainsi certain auteur, comme Simon Baron Cohen, voient dans l'autisme un déficit de ces théories de l'esprit.
Au niveau des théories psychanalytiques, la période de trois à six ans contient l'âge où l'enfant, maintenant qu'il se considère comme un individu dans le monde, va se définir par sa place dans l'arborescence sociale.
Le stade œdipien est celui de la différence des sexes et des générations. La différence des sexes induit une 'irrévocable' imperfection de soi et montre la nécessité vitale d'une complémentarité avec un membre de l'autre sexe.
Cette position théorique initiale marque de ce fait l'homosexualité comme étant, dans une certaine mesure et chez certaines personnes, une stratégie de dénégation de cette incomplétude. Cette hypothèse, il faut le rappeler, est antérieure aux connaissances actuelles sur l'omniprésence du comportement homosexuel dans la nature. A titre d'exemple l'organisation sociale des singes bonobo où l'homosexualité des femelles a un rôle diplomatique central.
La différence des générations permet à l'enfant de s'inscrire dans une filiation qui le dépasse et qui lui permet de s'enraciner dans une société qu'il découvre progressivement. La période de l'œdipe, parce que l'enfant s'ouvre au social, est l'âge de l'intériorisation d'un ensemble de règles sociales et plus généralement d'autonomisation.
Reprenons la triade symbolique dont nous avons parlons au début et résumons ce qu'il s'est passé ces cinq premières années.
Au début le bébé ne distingue pas ses limites et voit le maternant comme sa puissance. Dans un second temps, il découvre que sa mère est distincte de lui et l'enfant constate de sa dépendance. Progressivement, cette mère s'intériorise en souvenir rassurant et l'enfant commence à explorer le monde. Mais cette exploration ne se fait pas toute seule, elle est le fruit du paternant, c'est à dire de la dynamique paternelle de l'environnement. Symboliquement, le père est celui qui met un terme à la relation fusionnelle mère enfant. Cette dynamique est celle qui incite l'enfant à investir le monde extérieur. En psychanalyse, le père est le symbole du monde extérieur, des autres, tous les autres en dehors de la relation fusionnelle à la mère.
Si la mère correspond au principe de plaisir (être couvé, nourri, en constante satisfaction sans effort), le père correspond symboliquement au principe de réalité (séparation, frustration et effort). La notion d'effort est fondamentale car par la confrontation à l'effort, l'enfant découvre le plaisir du dépassement de soi.
En cela, le père est indissociable du processus intentionnel de sublimation.
La sublimation pouvant se définir comme un dépassement des plaisirs primaires pour atteindre des plaisirs secondaires. La sublimation est ce qui permet au psychisme de prendre du plaisir à des stimulations qui ne répondent pas à des besoins fondamentaux. L'exemple facile est celui de la sensibilité artistique.
L'aboutissement du stade œdipien est la disponibilité de l'enfant à l'acquisition des savoirs. La période de latence commence vers six ans et correspond à une l'utilisation d'une grande partie de l'énergie libidinale dans l'apprentissage. Cette disponibilité libidinale (énergétique) vient du fait que l'esprit mobilisait avant l'essentiel de son énergie à sa propre structuration et que par l'accession à l'égocentrisme puis à l'œdipe, l'esprit est suffisamment stable et à moins besoin d'énergie pour se maintenir.
La période de latence, décrite par Freud, est une position actuellement remise en question de par les grandes transformations sociales qu'a connu l'occident depuis plus d'un siècle. Actuellement il semblerait que les dynamiques adolescentes viennent de plus en plus précocement, bien avant les poussées pulsionnelles de la puberté.
Pour conclure, nous pouvons voir la puberté grâce à une petite métaphore. Elle pourrait correspondre à une augmentation de pression dans la tuyauterie psychique, celle-là même qui a été structurée au cours de la petite enfance et que nous avons partiellement décrite.
Paris, 9 novembre 2009
Cyril Joannes Psychologue clinicien - Rédacteur infirmiers.com
c.joannes@hotmail.fr
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