A l’occasion de la 17e Conférence Nationale des Plaies et Cicatrisations qui s’est tenue à Paris du 20 au 22 janvier 2013, quelques grands axes de prise en charge et de stratégies thérapeutiques ont été explicités lors de la conférence inaugurale concernant les plaies infectées ou chroniques, le pied diabétique, les traitements locaux, l’antibiothérapie ou la pression négative... Revue de détails.
Sylvie Meaume, dermatologue, gériatre, chef de service de gériatrie plaies et cicatrisation à l’hôpital Rothschild, à Paris, présidente de la Société Française et Francophone Plaies et Cicatrisations est intervenue sur la question des traitements locaux des plaies à partir d’une revue de la littérature et un tour d’horizon des différents produits commercialisés en France ou à l’étranger (dispositifs médicaux et médicaments). « Des solutions pour le lavage des plaies (hydrojets) ou la détersion sont disponibles et des pansements dont les développements technologiques permettent une simplification des soins, apportent un plus grand confort aux patients et aux soignants (pansements très absorbants, composites très conformables, micro-adhérents...) ». De même, il existe aujourd’hui des pansement « proactifs » qui détiennent des substances interagissant avec la cicatrisation. « Des pansements aux propriétés antibactériennes (contenant de l’argent ou d’autres antibactériens PHMB, octenidine...) et/ou anti-inflammatoire, pansement au collagène, pansements « boosters » de la cicatrisation anti MMP notamment, font l’objet d’études cliniques rigoureuses ». Sylvie Meaume a rappelé que « des dispositifs médicaux agissant sur la composante physique de la cicatrisation (traitement par pression négative, stimulation électrique...) offrent des solutions aux plaies complexes ». Se développent aussi des biothérapies (larves) avec un mode d’emploi précis, des facteurs de croissance issus de gels plaquettaires mais aussi de l’industrie pharmaceutique qui font l’objet d’essais cliniques contrôlés randomisés.
« Les études menées, et publiées, les cas cliniques explicites, actualisent les différents niveaux de preuve (même si la méthodologie rigoureuse espérée par la HAS n’est pas toujours observée) et participent à l’émergence de nouveaux produits qui seront peut-être ceux de demain pour toutes ou parties des plaies... ». In fine, le traitement local des plaies « reste un savant mélange de preuve scientifique et d’avis d’expert et les rapports bénéfice/risque et coût/efficacité font partie des objectifs des cliniciens ». Quant aux départements « recherche et développement » des laboratoires et l’émergence de star up, « ils laissent augurer des nouveautés à venir pour les patients ».
« Le traitement local des plaies reste un savant mélange de preuve scientifique et d’avis d’expert et les rapports bénéfice/risque et coût/efficacité font partie des objectifs des cliniciens. »
Quid du traitement par pression négative...
Luc Téot, responsable de l’unité fonctionnelle plaies et cicatrisations, département de Chirurgie à l’hôpital Lapeyronie, à Montpellier, l’a rappelé : « la pression négative a acquis droit de cité dans la prise en charge des plaies. Ses modalités varient dans le mode de pression (machine d’aspiration avec moteur électrique ou sur ressort, appliqué avec contrôle permanent de la pression ou pansement absorbant mis en pression négative, mode constant ou intermittent), dans l’interface (utilisation de mousses de densités différentes, de taille de pores variables, ou de compresses), et plus récemment permettant l’instillation de liquides variés (sérum stérile, antiseptiques, antibiotiques) ».
Luc Téot a souligné que les nouveautés en la matière étaient nombreuses en France « avec l’ouverture du marché à des systèmes divers utilisant des films adhésifs présentant des propriétés différentes, des machines avec deux conteneurs pour l’instillation et l’aspiration, un contrôle technique sophistiqué permettant le réglage de la qualité de liquide injecté, le rythme d’injection, le mode, la durée d’instillation ». Il a également souligné que « l’analyse des premiers cas cliniques utilisant l’instillation en cas d’échecs de la pression négative permettent de graduer les indications cliniques en fonction de l’analyse des situations et de la stratégie à appliquer ».
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Quid du pied diabétique...
Christopher Attinger, chirurgien plasticien à Washington, a rappelé que les plaies du pied et de la cheville chez les personnes diabétiques surviennent en général suite à un traumatisme aigu ou après des traumatismes répétés subis par un pied sans sensibilité et instable sur le plan biomécanique. « Le corps se trouve dans l’impossibilité d’assurer la cicatrisation de la plaie à cause d’un traumatisme durable, de l’infection, d’un débit sanguin insuffisant, d’un système immunitaire insuffisant ou d’une régulation en glucose médiocre : dans ce contexte, la plaie devient une plaie chronique ». Le clinicien souligne que l’objectif initial « est de transformer la plaie aiguë en plaie aiguë en voie de cicatrisation, avec du tissu de granulation sain, de la ré-épithélialisation et des plis au niveau de l’épiderme autour de la plaie ». Il rappelle qu’au cours des phases clés, il faut contrôler l’infection et assurer un débit sanguin suffisant vers l’angiosome concerné et assurer une décharge de pression suffisante.
De plus, du fait qu’un ulcère du pied diabétique survient de nouveau au cours des 2 années qui suivent l’apparition de l’ulcère initial dans 80 % des cas, une reconstruction solide sur le plan biomécanique est primordiale, que ce soit par fermeture de la plaie ou par amputation partielle du pied ou de la jambe. « La cicatrisation de la plaie est obtenue soit par intention secondaire ou par fermeture primaire retardée, par greffe de la peau ou à l’aide d’un lambeau » a souligné le praticien. Au final, « il faut obtenir un pied stable sur le plan biomécanique qui assure un maximum de fonctions chez le patient, tout en réduisant au maximum les risques de récidive d’un ulcère ».
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Quid de l’antibiothérapie dans les plaies infectées...
David Morquin, Département des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital Gui de Chauliac, CHRU Montpellier, a souligné d’emblée que « les bactéries responsables des infections de la peau et des tissus mous sont très majoritairement des cocci Gram-positifs. Parmi eux les staphylocoques dorés résistants à la méthicilline (SARM) dans les infections associées aux soins mais également en communautaire constituent toujours un enjeu thérapeutique majeur. La diminution globale de leur prévalence en France se confirme alors qu’elle reste importante aux États-Unis. » Le praticien a également souligné que les dernières recommandations de la FDA (2010) concernant l’évaluation de l’efficacité des antibiotiques dans les infections de la peau et des tissus mous (précisions sur les critères d’efficacité et d’inclusions) ont entraîné une modification en profondeur de la lecture des essais thérapeutiques disponibles en 2012. « Sur le plan des anti-SARM, plusieurs alternatives aux glycopeptides, sont désormais disponibles comme le linézolide, la tigécycline ou la daptomycine et leurs modalités d’utilisation tendent à se préciser ». La ceftaroline (loactamine anti-SARM a obtenu l’AMM en Europe le 23 août 2012. D’autres molécules sont encore en cours d’évaluation. David Morquin a rappelé également que les infections à bacille à Gram négatif (minoritaires) sont cependant particulièrement préoccupantes « en raison notamment de l’émergence de bactéries multi-résistantes pour lesquelles il existe de nombreuses insuffisances tant en terme de solution thérapeutique que de mesures simples de prévention ».
Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Infirmiers.com
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