Penser le prendre soin, de Walter Hesbeen (éditions Seli Arslan)
Dans les écrits de Walter Hesbeen ici rassemblés, le soin prend toute sa signification de service à des patients toujours singuliers. Un rappel des fondamentaux ouvrant des perspectives nécessaires.
Mettre du soin dans les soins est la mission que semble s’être donnée Walter Hesbeen durant toute sa longue carrière professionnelle. D’abord infirmier, puis professeur, responsable pédagogique, et auteur de nombreux écrits, il n’a cessé d’œuvrer au « prendre soin », l’érigeant en un concept fondateur. Il a ainsi su penser la signification du soin, à bien distinguer des soins, tout en s’attachant à sa mise en pratique. Ce qui invite à prendre garde à sa banalisation, pouvant se caractériser par un oubli dans la pratique quotidienne de l’humanité même de l’humain, de sa singularité, de sa sensibilité. Un oubli évidemment antinomique avec une nécessaire « bientraitance », comme le décrit avec justesse et profondeur Walter Hesbeen dans l’un des textes réunis dans ce livre. En rassemblant ses nombreux écrits, dont certains sont inédits, cet ouvrage permet en fait d’appréhender une pensée riche et précieuse dans sa globalité, et dans toute sa cohérence construite au plus près de la pratique du soin.
Prendre soin en tenant compte de la spécificité du soigné
Après qu’une lettre portrait esquissée par un peintre ait permis d’entrer élégamment et subtilement dans l’œuvre et la réflexion de Hesbeen, ce dernier ouvre trois perspectives principales. Une soignante qui couvre la diversité des personnes soignées et des lieux de soins ; une pédagogique soucieuse du bien-être des étudiants et des formateurs ; une dernière éthique visant à ce que soient remplies les conditions propices à des soins de qualité grâce à une organisation juste. Trois thématiques pour un même objectif, le prendre soin, au quotidien, et en tenant compte de la spécificité de chaque soigné. Apportant de quoi nourrir la réflexion de tous ceux qui évoluent dans l’exercice du soin et de sa formation, ce livre est aussi le fruit d’une collaboration riche et fructueuse entre Walter Hesbeen et Seli Arslan, son éditrice avec qui il a créé la revue Perspective soignante. La perspective centrale de cet humaniste dont on découvre ici toute la cohérence et la richesse du cheminement de la pensée.
Et aussi...
MÉDICAMENTS
Overdose, d’Ariane Denoyel et Peter Selley (First éditions)
Bien qu’ils soient précieux quand on en a besoin pour se soigner, les médicaments causent 20 000 morts par an en France (dix fois plus que les accidents de la route) et 8,5% des hospitalisations, soit plus d’un million. En Europe, le coût annuel des décès dus à des accidents médicamenteux est quant à lui estimé à 79 milliards d’euros. Des morts qui peuvent résulter d’un surdosage, d’une toxicité intrinsèque, d’une allergie ou d’une erreur de prescription, attestant d’un problème complexe mais majeur. Journaliste indépendante et médecin devenu lanceur d’alerte, Ariane Denoyel et Peter Selley rappellent qu’ils ne sont pas les premiers à pointer le drame que constitue pour tout un chacun une mauvaise utilisation des médicaments. Des problèmes de fertilité à la dépendance en passant par les ravages environnementaux que suscitent un mésusage des médicaments, ce livre très documenté actualise avec acuité la réalité d’un fléau à regarder citoyennement en face pour en finir avec cette overdose qui tue.
TÉMOIGNAGE
Chronique d’un voyage en psychiatrie, de Barthold Bierens de Haan (éditions Le Condottière)
Médecin humanitaire et psychiatre ayant dirigé pendant dix ans le programme de soutien psychologique du personnel du Comité international de la Croix Rouge, Barthold Bierens de Haan livre un retour sur expérience après une carrière d’un demi-siècle. La chronique d’un voyage en psychiatrie qui part d’une vocation précoce due à un grand-père malade, et l’a conduit à rencontrer quantité de gens en souffrance. Pour beaucoup « perchés », le vocable qui lui semble le mieux correspondre à ceux que le langage populaire appelle fous alors qu’« ils planent au-dessus de nous, dans leur monde, à distance de la norme ». Son récit est également un état des lieux d’une psychiatrie en crise, aujourd’hui comme il y a cinquante ans, et désormais encore plus malade d’un réductionnisme biologique et médicamenteux face aux problèmes psychiques. Comme si la dépression, la schizophrénie ou le trouble de l’attention étaient des maladies à l’origine comparable au diabète ou à une pneumonie. Mais ce voyage enrichissant invite à l’écoute de ces patients que l’on a pu réduire à des cerveaux atteints. Ces perchés dont le psychiatre incite à reconnaître la valeur de la parole.