Eugène Rwamucyo, médecin du travail au centre hospitalier de Sambre Avesnois à Maubeuge (Nord), a été suspendu par la direction dès qu'elle a appris qu'il était recherché par Interpol pour sa participation présumée à l'organisation du génocide rwandais de 1994.
L'avis de recherche d'Eugène Rwamucyo (50 ans), soupçonné de "génocide" et de "crimes de guerre" figure sur le site d'Interpol depuis 2006 et a été émis par Kigali. Il s'agit d'une notice rouge, ce qui correspond aux faits les plus graves reprochés aux personnes recherchées.
Le médecin fait partie de la quinzaine de génocidaires rwandais présumés vivant en France contre lesquels une plainte a été déposée par le collectif des parties civiles pour le Rwanda, une association qui réclame la justice pour les victimes du génocide des Tutsis perpétré en 1994.
Henri Mennecier, directeur de l'hôpital de Maubeuge, a suspendu le médecin dès qu'il a appris la nouvelle. "J'étais à mille lieues d'imaginer que le médecin du travail puisse faire l'objet de telles accusations", a-t-il déclaré sur RTL.
L'affaire a éclaté lorsqu'une infirmière a pris ombrage des remarques désobligeantes qu'aurait faites le médecin rwandais sur son embonpoint lors d'une visite médicale. Elle a raconté dans la presse avoir découvert l'avis d'Interpol en faisant des recherches sur internet.
Eugène Rwamucyo dément avoir participé à l'organisation de ces massacres qui ont fait 800.000 morts - des Tutsis mais aussi des Hutus modérés -, même s'il reconnaît avoir participé à des réunions avec des génocidaires.
"Je n'ai pas participé de près ou de loin au génocide. Il n'y a rien contre moi. Je ne vois pas pourquoi la justice va m'arrêter", a-t-il déclaré sur France 2. Il se dit innocent et victime du pouvoir rwandais.
Toutefois, selon le collectif des parties civiles pour le Rwanda, "c'était un idéologue (...) il fait partie des planificateurs du génocide des Tutsis. Ce sont des témoignages qui ont été donnés par les gens qui l'ont côtoyé", a déclaré sur France 2 son président, Alain Gauthier.
Réfugié en France, l'ancien médecin-chef du centre universitaire de santé publique de Butare, dans le Sud du Rwanda, fait l'objet d'une information judiciaire ouverte le 5 février 2008 par le parquet de Paris.
Aucune mise en examen et aucun contrôle judiciaire ne lui ont été notifiés. Le statut de réfugié politique lui a été refusé mais il a néanmoins obtenu une carte de séjour en France.
L'octroi d'une carte de séjour en France à ce médecin recherché par Interpol suscite la perplexité de sa hiérarchie et d'élus.
Le maire socialiste de Maubeuge, Rémi Paunos, a dit son étonnement devant le fait qu'il ait pu travailler pendant plusieurs années à l'hôpital sans être inquiété. "Je m'interroge beaucoup sur le fait que cette personne recherchée par Interpol, classée rouge par la classification d'Interpol, puisse bénéficier de cette carte de séjour", a-t-il déclaré dimanche sur I-Télé.
Dans un communiqué daté de vendredi, la fédération SUD santé-sociaux a réclamé au ministère de la santé une "enquête immédiate". Elle demande des explications sur le fait qu'"une personne accusée de génocide et recherchée [puisse] exercer librement dans plusieurs hôpitaux publics", que les "qualifications réelles" d'Eugène Rwamucyo soient établies ainsi que les conditions de son recrutement dans les établissements afin de "déterminer le cas échéant, les responsabilités et complicités éventuelles".
Ce dossier a pris une importance politique, la France étant accusée par le régime arrivé au pouvoir à Kigali après le génocide d'avoir contribué aux crimes et protégé certains de ses auteurs en leur permettant de s'abriter sur son territoire.
Les magistrats antiterroristes français ont lancé en 2006 des mandats contre neuf officiels rwandais proches du président Paul Kagame, leur imputant l'attentat du 6 avril 1994 (qui a coûté la vie à un précédent président rwandais Juvénal Habyarimana) et donc une responsabilité indirecte dans le génocide. Les relations diplomatiques entre Paris et Kigali sont rompues depuis lors.
Paris, 20 octobre 2009 (APM)
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