Le patronat a soumis aux syndicats un projet de texte de six pages, dont APM a eu copie, comprenant un préambule, un titre 1 consacré aux orientations de la nouvelle organisation de la santé au travail, un titre 2 visant à redéfinir les missions du médecin du travail, entouré par une équipe pluridisciplinaire, et un titre 3 évoquant la réforme de la procédure d'habilitation en matière de prévention des risques professionnels. Un titre 4, non encore rédigé, traitera de la gouvernance et du financement.
Le préambule rappelle la situation "préoccupante" des effectifs de médecins du travail, dont les trois quarts sont âgés de plus de 50 ans, et alors que 1.700 départs à la retraite sont prévus dans les années à venir.
Il évoque le déficit d'image et de recrutement dans cette filière, observant que "la question de l'attractivité de la médecine du travail, lors de la formation initiale ou d'une reconversion éventuelle, n'a pas trouvé de réponses à la hauteur de l'enjeu".
Le patronat propose de faire évoluer le service de "médecine du travail" vers un "service de santé" au travail, fondé sur la pluridisciplinarité des approches, et suggère de redéfinir les missions relevant d'un tel service.
Ces services de santé au travail (SST) auraient notamment en charge de "veiller à la préservation de la santé au travail des salariés", de contribuer à leur sécurité en faisant appel à d'autres intervenants pour conduire des actions de prévention sur les lieux de travail, de conduire des actions de prévention de la désinsertion professionnelle, de constituer une équipe de santé au travail pluridisciplinaire pour "proposer une prestation globale en santé au travail" et de participer à la veille sanitaire.
Le texte prévoit que les SST s'appuient sur des équipes pluridisciplinaires composées de médecins du travail, d'infirmiers et d'assistants de santé au travail et d'intervenants en prévention des risques professionnels.
Il suggère d'adapter les missions des SST aux spécificités territoriales, à la taille des entreprises et aux risques auxquels les salariés sont exposés.
Le document de travail recommande également de "transformer l'obligation de constituer un service autonome en une option pour les entreprises concernées de manière à favoriser une mutualisation des ressources médicales des services autonomes, notamment pour les plus petits d'entre eux, au sein des services de santé au travail interentreprises".
Dans le titre 2, le patronat définit le rôle du médecin du travail. Il reconnaît son rôle essentiel de "conseil" auprès de l'employeur et des salariés, dans "un cadre de stricte confidentialité", son rôle "pivot" au sein de la commission médico-technique et la "diversité de ses nombreuses missions" avec un "juste équilibre entre les examens cliniques et le temps passé sur les lieux de travail".
Le médecin du travail devrait aussi participer à la démarche de recherche d'une meilleure traçabilité des expositions professionnelles.
S'agissant de son action, les organisations patronales considèrent que la surveillance médicale individuelle doit être maintenue. Pour la rendre "plus efficace", elles proposent de conserver le certificat d'aptitude au poste de travail, précisant que des adaptations pourraient être envisagées.
La visite d'embauche pourrait, quant à elle, être confiée à des médecins de ville, lorsque les SST "ne sont pas en mesure de satisfaire le volume de la demande des entreprises" et "dans certaines situations clairement identifiées".
L'organisation recommande que la visite périodique soit "fixée réglementairement tous les quatre ans pour les salariés qui ne sont pas exposés à des risques spécifiques", au lieu de deux ans actuellement. Pour les salariés affectés à des postes nécessitant une surveillance médicale renforcée, la périodicité devrait être "recentrée sur les risques les plus importants".
Le patronat propose de déléguer certains actes attachés à cette visite aux infirmiers du travail et aux assistants en santé au travail et d'offrir la possibilité aux salariés de demander "une visite médicale à tout moment". Le patronat prévoit aussi dans ce document de travail des mesures pour adapter le suivi médical pour les salariés sous contrat de travail "atypique".
L'organisation estime, dans le titre 3, que la prévention des risques professionnels dans l'entreprise doit être "assurée par la mise en oeuvre d'une pluridisciplinarité 'effective et de qualité' s'appuyant sur des spécialistes (experts en ergonomie, en toxicologie...) internes ou externes aux services de santé au travail".
LA GOUVERNANCE PAS ENCORE ABORDEE
Pour Danièle Karniewicz, secrétaire nationale du pôle protection sociale de la CFE-CGC, jointe par l'APM, le texte proposé par le patronat ne convient "pas du tout". Elle déplore notamment que les questions de la gouvernance, et surtout de la transparence des financements et de leur contrôle, n'aient pas encore été abordées.
Danièle Karniewicz estime que la formulation actuelle du texte menace l'indépendance du médecin du travail. Elle s'oppose au transfert de ses missions aux SST sur lesquels l'employeur aurait la mainmise.
Elle s'oppose aussi à la notion d'adaptabilité de ces missions selon la taille de l'entreprise ou les spécificités locales ou régionales, déplorant une logique de "baisse des prestations" offertes aux salariés.
Danièle Karniewicz juge nécessaire de rappeler l'Etat à ses responsabilités s'agissant de la filière de la médecine du travail, menacée de pénurie, en trouvant des solutions au manque d'attractivité de la discipline et à l'absence de passerelles dans le cadre des formations existantes.
Contacté jeudi par APM, Jean-Marc Bilquez, secrétaire confédéral du bureau de Force ouvrière (FO), s'est pour sa part félicité d'être "enfin" entré "dans le vif du sujet" des négociations qui ont "démarré très lentement". Il a précisé que les partenaires avaient simplement abordé le titre 1 du texte.
Il s'est opposé à ce que "l'agrément administratif puisse adapter la périodicité des visites à la ressource médicale du service", craignant que cela institue un système "à géométrie variable" et inégalitaire.
Plus généralement, il s'est félicité que le principe de la périodicité des visites médicales ait été maintenu. Il a toutefois déploré que la fréquence soit fixée à quatre ans.
Interrogé jeudi par l'APM, le responsable de la commission protection sociale de la CGT, Daniel Prada, regrette pour sa part que le préambule n'ait pas été abordé mercredi alors qu'il aurait permis de définir les "enjeux" de la santé au travail, avant d'entrer dans le détail.
Plusieurs points du texte ont soulevé des interrogations des organisations syndicales, a-t-il précisé. La CGT s'est notamment opposée à l'augmentation de la fréquence des visites médicales et à la possibilité d'avoir recours à des médecins de ville. Sur ce dernier point, Daniel Prada a estimé qu'il fallait surtout "revaloriser" la médecine du travail et améliorer la formation des médecins de ville sur la question de la santé au travail.
La CGT propose aussi de ne plus rendre systématique l'avis d'aptitude pour permettre de "libérer du temps" pour le médecin du travail qui pourrait se consacrer notamment à des actions de prévention. Il faudrait aussi lui donner "plus de moyens pour renforcer son efficacité", a ajouté Daniel Prada. Il a précisé que les partenaires souhaitaient conclure un protocole d'accord d'ici la fin du premier semestre.
La prochaine réunion de négociation doit se tenir le jeudi 2 avril après-midi, précise-t-on. Le patronat devrait remettre d'ici cette date une nouvelle version du texte en intégrant les contributions des organisations syndicales.
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Réforme de la médecine du travail: plusieurs points de divergences entre syndicats et patronat
Publié le 23/02/2009
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Source : infirmiers.com
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