La crise du COVID a bouleversé les enjeux et les pratiques de prévention, tant dans l'exercice de la profession que dans sa capacité à prendre soin d'elle-même. Les infirmiers en santé au travail se sont en l'occurrence trouvés en première ligne, comme ils le sont aussi régulièrement dans le cadre des grandes campagnes de prévention. Sans pour autant avoir les coudées franches comme ils le souhaiteraient pour agir plus efficacement. «Depuis la réforme d'août 2021 les infirmiers en santé au travail ont gagné plus de responsabilité et d'autonomie et ont bénéficié des décrets autorisant la délégation de certaines tâches mais pourtant la spécialité n'est toujours pas reconnue, regrette Nadine Rauch, présidente du Groupement des Infirmiers au travail (GIT). Nous appelons d'ailleurs à cette reconnaissance ainsi qu'à la création d'un statut d'IPA en santé au travail ».
Pour Christelle Galvez, directrice de soins au Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard à Lyon, la pandémie de COVID a également marqué un tournant : « Elle nous a amenés au delà du soin à nous poser la question "Sommes-nous vraiment acteurs de la prévention ? A savoir, à ne pas oublier que maintenir la population en bonne santé fait aussi partie intégrante de notre métier. Et cette prise de conscience fait qu'aujourd'hui les soignants veulent participer à promouvoir la bonne santé dans leur exercice quotidien. Par exemple, quand un patient a un cancer, ce n'est pas une fin en soi, il y a d'autres pans de sa vie et de sa santé qui doivent être pris en compte et protégés ».
Les infirmiers ne doivent pas être seulement des acteurs du soin mais aussi des promoteurs de la bonne santé
Du temps du soin au temps de la prévention
Dès lors qui dit prévention, dit augmentation du temps patient, ce dont manque et souffre, dans un contexte de pression dans les services et de pénurie de soignants, la profession. Cependant ce n'est pas seulement sur le manque de temps qu'achoppe la mission de prévention mais souvent sur le manque de légitimité que ressent l'infirmier à s'y consacrer... alors qu'il lui semble y a voir tant d'autres tâches à faire. « Parce qu'il est soumis dans son quotidien à une exigence de production de soins », observe Christelle Galvez. Et quand bien même il trouve du temps disponible, il ne se sent pas forcément le droit ou la capacité de s'investir dans cette mission de prévention. « Il est donc essentiel dans cette démarche d'accompagner et former les soignants, de les encourager mais aussi de sécuriser le temps qu'ils doivent consacrer à la prévention ». A savoir leur offrir suffisamment de flexibilité dans leur gestion du temps pour qu'ils puissent agir en prévention auprès du patient quand celui en est demandeur ou que la situation l'exige. « Les infirmiers ne doivent pas être seulement des acteurs du soins mais aussi des promoteurs de la bonne santé», insiste la directrice de soin.
Inciter les soignants à prendre soin d'eux-mêmes
Autre cheval de bataille des acteurs de prévention : agir efficacement auprès de soignants eux-mêmes, qui restent nombreux à négliger leur propre santé. Dans le cadre de la formation continue des infirmiers un bloc est ainsi consacré à "la santé des soignants", rappelle à ce sujet Nadine Rauch. « Il est effectivement essentiel de prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres». Cela passe, selon elle, par une vigilance accrue concernant la santé et le bien-être des soignants mais aussi les organisations de travail et le management. « Former les managers aux notions de bien-être au travail est crucial », souligne-t-elle. « C'est à travers cette démarche, entreprise depuis la direction des établissements à celle des équipes, que pourra se faire cette acculturation d'une meilleure qualité de vie au travail », renchérit pour conclure Christelle Galvez.
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