C’est le souvenir de Carène Mezino, 37 ans, mère de deux enfants, infirmière assassinée à Reims dans l’exercice de ses fonctions, qui restera tristement emblématique de ce Salon infirmier 2023. Alors que les enquêtes se succèdent sur le constat d’une grande souffrance au travail, que se multiplient les actes de violence envers les soignants et que persiste la pénurie de personnel dans les services, difficile de voir sourire l’avenir de la profession. Et pourtant, dans le sillage de l’après-covid, des pas ont bien été franchis et les candidatures encore reçues en masse par Parcoursup témoignent d’un engouement sans faille envers la profession. Il reste aux graines d’infirmiers à tenir, le temps parfois très rigoureux de la formation, et aux professionnels à surmonter les pressions et les difficultés qui grèvent leur plaisir d’exercer.
« Les étudiants infirmiers sont toujours autant animés aujourd’hui par l’envie d’exercer ce métier, assure Manon Morel, présidente de la Fédération nationale des étudiant(e)s en sciences infirmières (FNESI), mais ils se heurtent aux difficultés que l’on sait durant leur formation et à une qualité de vie dégradée durant leurs études. De plus, ils sont aussi alertés par les problèmes de la profession mis au jour et tout particulièrement en exergue ces dernières années ». Cependant, ils gardent selon elle l’espoir et la volonté de faire avancer les choses et de pouvoir se préparer au mieux à répondre aux attentes et aux compétences qu’exigent ce métier.
Tant que nous ne serons pas forts politiquement, nous aurons du mal à nous faire entendre et à faire bouger les lignes.
(Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national infirmier)
Patrick Chamboredon, le président de l’Ordre national infirmier (ONI), rebondit quant à lui sur la question d’un certain « manque d’engagement » politique de cette nouvelle génération de soignants. Et d’observer que « les corps de métiers intermédiaires », comme c’est le cas des infirmiers, « sont assez mal reconnus ». « C’est une réalité factuelle : nous avons peu de députés de la profession à l’Assemblée nationale et quasiment pas au Sénat et le taux de participation aux élections dans le cadre professionnel reste très faible. Or pour porter efficacement nos revendications et faire entendre notre voix, sur la qualité de vie au travail, la formation, la rémunération ou la revalorisation de la profession, notre représentativité est essentielle. Tant que nous ne serons pas forts politiquement nous aurons du mal à nous faire entendre et à faire bouger les lignes ».
Un constat qu’analyse d’un œil moins pessimiste Manon Morel, arguant que beaucoup d’étudiants se tournent vers le milieu associatif et s’y appuient pour mener et structurer des actions locales qui répondent à leurs besoins et aux difficultés qu’ils rencontrent. « Une fois diplômés et dans l’exercice de la profession, ils tentent autant que possible pour certains de poursuivre leur engagement, en se formant, en s’investissant pour trouver des solutions…Quand ils ne se découragent pas et quittent la profession ».
De l’espoir pour les infirmières et infirmiers de demain ?
En tout état de cause, les textes législatifs et les jalons posés de l’évolution de la profession ouvrent de nouvelles perspectives, observe le président de l’Ordre qui pointe en l’occurrence quatre avancées majeures cette année. A savoir : la PLFSS, la loi Rist, les accords du Comité de liaison des institutions ordinales (CLIO) et plus récemment la proposition de loi portée par Frédéric Valletoux visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, avec ce que cela induit « comme gain d’autonomie et de responsabilités afin de répondre au plus près des besoins de santé de la population qui sont en progression complète ».
L’infirmier de demain prendra plaisir à exercer et à retrouver du temps auprès des patients.
(Manon Morel, présidente de la FNESI)
« C’est une évolution importante qui se dessine, qu’il va falloir accompagner par une refondation de la formation initiale et continue, du périmètre réglementaire et législatif de l’exercice, mais aussi des statuts, rémunérations et conditions de travail qui doivent aussi évoluer. On est à l’aube d’un changement complet de la profession !», s’enthousiasme Patrick Chamboredon.
Et Manon Morel de renchérir pour conclure : « L’infirmier de demain sera un infirmier dont les compétences sont reconnues, qui disposera des capacités nécessaires et d’un champ large d’action, et surtout qui prendra plaisir à exercer et à retrouver du temps auprès des patients».
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