Le CHU de Reims s’est engagé en ophtalmologie dans une démarche de prévention de l’anxiété chez le patient devant subir une chirurgie. Le travail mené pendant plusieurs mois par Chantal Martel, infirmière sophrologue, en lien avec un chirurgien, met en avant le bénéfice de cette démarche ou le patient reste acteur de sa prise en soins.
Chaque patient quel qu’il soit, présente une inquiétude, une angoisse, de l’anxiété, du stress avant une intervention chirurgicale. De nombreuses opérations en ophtalmologie ne nécessitent pas d’anesthésie générale, ce qui en soit peut augmenter l’appréhension. Les équipes médicales et paramédicales sont donc amenées à prendre en compte ces éléments. Quant aux moyens à disposition pour pallier à cette anxiété, ils reposent pour l’essentiel sur des techniques de relaxation ou de recherche de bien être. La sophrologie est l’une d’elles. Elle séduit depuis quelques années un nombre croissant de professionnels de santé qui l’intègrent comme une approche complémentaire dans leur pratique. Sachant que son efficacité dépend de l’adhésion du patient et de la formation du professionnel, la relation soignant-soigné joue dans ce contexte un rôle fondamental.
La sophrologie, qu’est-ce que c’est ?
Etymologiquement, le mot sophrologie est issu du grec ancien : SOS = paix, harmonie ; PHREN = conscience, mental ; LOGOS = science. Inventée en 1960 par le neuropsychiatre Alfonso Caydeco, la sophrologie regroupe un ensemble de techniques qui tendent à rapprocher le patient du mieux vivre
. La sophrologie allie des techniques et des pratiques orientales millénaires (le yoga, le zen japonais, les techniques bouddhistes) et des techniques occidentales plus récentes (le training autogène de Schultz, de Jacobson). Inspirée par des courants philosophiques comme l’humanisme et la phénoménologie, elle se situe au croisement de la relaxation occidentale et de la méditation orientale.
Déploiement d’une consultation infirmière-sophrologue
Prise de conscience de la nécessité de l’intervention, conditions d’hospitalisation et de traitement, appréhension du passage au bloc opératoire, de l’anesthésie ou du geste chirurgical en lui-même : les motifs d’inquiétude sont nombreux et divers d’un patient à l’autre face à la perspective d’une opération. Ce que le Centre national de ressources de lutte contre la douleur définit comme L’anxiété pré opératoire
: le malaise physique et psychologique que peuvent ressentir l’enfant ou l’adulte lors d’une intervention chirurgicale. Des travaux ont d’ailleurs établi que des niveaux importants d’anxiété pré opératoire augmentaient le risque de complications post opératoires.
Au fur et à mesure de mon apprentissage, je me suis rendu compte du potentiel important de l’apport de la sophrologie dans les soins infirmiers
Chantal Martel, infirmière en ophtalmologie au CHU de Reims, était confrontée au quotidien dans sa pratique à cet état des patients quand elle a commencé à s’intéresser à la sophrologie et à ses bienfaits sur le stress. Elle entame alors une formation. Au fur et à mesure de mon apprentissage, je me suis rendu compte du potentiel important de l’apport de la sophrologie dans les soins infirmiers et de la complémentarité bénéfique entre ma profession d’infirmière et ma maitrise de cette approche dans la prise en charge des patients, confie-t-elle. L’infirmière, éducatrice de santé, participe à l’amélioration de l’état de santé du patient. La sophrologue est une éducatrice de la conscience positive. Ces deux rôles sont congruents et révèlent chez le patient son potentiel à utiliser ses propres ressources. Il devient acteur de son parcours de soins et de sa propre santé
.
C’est ainsi, convaincue de l’intérêt de cette approche dans la prévention et l’amélioration de la prise en charge de l’anxiété péri opératoire, qu’elle propose de mettre en place une consultation d’infirmière-sophrologue au sein de son établissement. Ce projet prend forme et se concrétise en 2019 au CHU de Reims, avec le soutien du Pr. Arndt, chef du service d’Ophtalmologie,Thierry Brugeat, coordonnateur général des Soins, Natacha Beaudevin cadre supérieur de santé du Pole tête cou, de Françoise Jupin, cadre en consultation d’ophtalmologie.
Organisation d’un accompagnement en sophrologie
Lors de la consultation pré opératoire, l’évaluation de l’éligibilité à l’accompagnement par la sophrologie est soumise à l’approbation du chirurgien en lien avec l’infirmière sophrologue. Dès que le patient donne son accord, la consultation de sophrologie est organisée, dans la mesure du possible le même jour que la consultation pré opératoire ou en anesthésie. Le service de chirurgie ambulatoire est prévenu. La veille du bloc opératoire, je me renseigne auprès de l’infirmière de l’UCA (Unité de chirurgie ambulatoire), de l’heure d’arrivée du patient
, détaille Chantal Martel, soulignant que cette organisation ne peut être réalisable qu’avec une bonne collaboration entre les différents acteurs que sont les chirurgiens, l’infirmière de planning et l’équipe de chirurgie ambulatoire
.
En pratique, l’infirmière-sophrologue propose le protocole suivant : une première séance d’une heure, programmée, en général le même jour que la consultation d’anesthésie, une deuxième séance d’une heure en pré opératoire immédiat, au lit du patient. Le bilan final est réalisé en post opératoire immédiat ou lors des diverses consultations post opératoires. Une fiche cible SOPHROLOGIE
est ajoutée au dossier de soins du patient, permettant la traçabilité des informations essentielles : recueil de données sophrologiques, objectifs de la prise en charge, résultats du ressenti, bénéfices obtenus.
Une diminution effective de l’anxiété des patients en pré-opératoire
Pour évaluer l’intérêt de la mise en place de ce programme, une étude expérimentale a été réalisée auprès d’une quinzaine de patients devant subir une chirurgie ophtalmologique et qui se sont prêtés à l’expérience*. Les 2/3 des interventions chez les patients inclus étant des chirurgies de la cataracte, les autres concernant la rétine (vitrectomie, ablation de silicone et laser transcléral). L’objectif de cette enquête était d’évaluer la diminution du stress et les bénéfices des séances de sophrologie pour le patient avant l’intervention chirurgicale et la faisabilité à long terme de ce programme d’accompagnement en pré et per opératoire. Et le bilan s’est révélé encourageant.
L’action positive de la sophrologie a été clairement démontrée. On a pu noter une diminution de l’anxiété dans 100% des cas. Le stress, les angoisses, les tensions musculaires, les douleurs, les peurs et la fatigue ont également été positivement impactés La confiance est restaurée, les craintes et l’appréhension en grande partie levées
, se félicite Chantal Martel. Tous les patients pris en charge en sophrologie dans cette série ont eu un déroulement opératoire parfaitement calme. Aucun n’avait des manifestations apparentes de stress. Le vécu du geste opératoire par le chirurgien était très positif
, confirme de son côté le Pr Carl Arndt.
Le chirurgien aimerait toutefois pouvoir pousser l’étude plus avant pour évaluer précisément l’impact de la sophrologie sur le déroulement opératoire. Il faudrait pour cela réaliser une analyse comparative des paramètres physiques (tension artérielle, fréquence cardiaque, sédatifs) et psychiques dans deux populations différentes ayant ou non bénéficié de la sophrologie, suggère-t-il. Une évaluation par les chirurgiens et l’équipe d’anesthésie au moyen d’un questionnaire permettrait de mieux caractériser l’impact de cet accompagnement
.
Ce que les patients en disent…
« J’ai eu beaucoup de bonheur et de réussite pendant la respiration. »
« M’a apporté de la sérénité. (…) Je n’ai pas eu d’appréhension avant le bloc opératoire. »
« Je me suis trouvée calme, je ne me suis pas reconnu. »
« La respiration et les mots que j’ai trouvé m’ont aidé à prendre du recul, à me contrôler. »
« J’ai plus pensé à la sophrologie, qu’à mon intervention et cela m’a permis d’être détendue et de ne pas avoir peur. »
« Je n’ai pensé qu’à la sophrologie et à ma respiration, j’étais dans un autre monde. »
« Grâce à la respiration et aux techniques, j’étais plus rassurée. »
En tout état de cause, la totalité de patients enquêtés considère que l’organisation chronologique de l’accompagnement est adaptée. La période entre la 1ère séance et la séance préopératoire, permettant de réaliser les exercices de techniques de sophrologie et de respiration abdominales. Ces exercices conditionnent les patients en une sorte de stratégie de préparation mentale, qui permet une meilleure acceptation de la chirurgie proposée, relève l’infirmière-sophrologue. De nombreux patients ce servent de cette stratégie au quotidien ou lors d’autres moments difficiles de leur vie
.
* Enquête réalisée du 1er février au 15 avril 2019 auprès de 7 femmes et 5 hommes âgés de 35 à 84 ans
Betty Mamane, Directrice de la rédaction avec Chantal Martel
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