La prime Covid aura eu le mérite de reconnaître le travail effectué par les soignants des Ehpad qui ont été en première ligne lors de la crise sanitaire afin de prendre soin de nos aînés. Pour autant, cette mesure, bien que positive, ne sera pas suffisante. Les directeurs d’établissements sont aujourd’hui monopolisés au quotidien par la gestion administrative alors que leurs équipes ont, peut-être plus que jamais, besoin de percevoir un soutien de la part de leur organisation. Merci à nos confrères du site The Conversation de partager avec nous cet article.
Pour récompenser l’effort des personnels mobilisés dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de la Covid-19, les agents publics exerçant dans des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ont bénéficié d’une prime exceptionnelle en juin dernier. La prime s’échelonne entre 1 000 et 1 500 euros en fonction de l’étendue de l’épidémie au sein des différents départements français. Au regard des connaissances sur les effets des primes, quel sera l’effet de la prime Covid décidée par le gouvernement ? La recherche a en effet montré, qu’au-delà du niveau de salaire, c’est la façon dont la rémunération est administrée et gérée qui est déterminante pour en faire un outil de soutien et de reconnaissance de la part de l’entreprise.
Nous allons verser à TOUS les personnels de tous les EHPAD une prime défiscalisée pour reconnaître et valoriser leur engagement sans faille pendant cette crise, et ce quelque soit leur statut. Elle sera de 1.500 € dans les 33 départements les plus touchés, de 1.000 € ailleurs. pic.twitter.com/3LycV6QHWH
— Olivier Véran (@olivierveran) May 7, 2020
Les salariés peuvent ainsi avoir le sentiment d’être manipulés par une prime pour réaliser une tâche que personne ne veut faire. En effet, si la prime véhicule le message d’un travail ingrat alors elle sera contreproductive. À l’inverse, si le message met en avant la reconnaissance des compétences de la personne alors la prime aura pour effet d’augmenter son niveau de motivation intrinsèque, ses performances ou contribuera à réduire l’absentéisme.
Des effets contrastés pour une même prime
Une recherche actuellement en cours dans le cadre du projet MEPRU (maintien de l’emploi et des personnes en zones rurales), financé par la région Occitanie, s’intéresse à la rémunération dans les Ehpad. L’étude menée sur un échantillon de 155 soignants de six établissements différents fait ressortir que les primes variables du week-end ont des effets variés selon les établissements. Une explication de ces différences de résultats tient aux messages délivrés par les établissements sur l’objectif de la prime.
Dans un des établissements, le message clairement affiché est que la prime du week-end est instaurée parce que personne ne veut travailler le week-end. On observe alors un lien négatif de la prime avec le besoin d’autonomie et un lien positif avec l’intention de quitter l’établissement. Autrement dit, à court terme, le soignant vient travailler uniquement par obligation et pour percevoir la prime mais à plus long terme, il recherchera un autre établissement. Cette prime aura contribué à l’augmentation du taux de renouvellement du personnel, alors qu’elle visait à diminuer l’absentéisme.
Primes individuelles : comment éviter que le salarié ne se sente manipulé ? https://t.co/2g06vVc80B pic.twitter.com/dQFaGbczb2
— The Conversation France (@FR_Conversation) July 16, 2020
Dans un autre établissement, la même prime a une influence positive sur la satisfaction du besoin d’autonomie et négative sur l’intention de quitter l’établissement. Le message est là aussi très clair mais différent puisque la prime est présentée comme un moyen de valoriser les compétences spécifiques du travail du week-end. Alors que, dans le premier cas, la prime a une fonction contrôlante, dans le second, elle est délivrée dans un contexte de volontariat, de respect et de valorisation des compétences et de l’autonomie. Ainsi, alors que le mode de rémunération est le même, le management de la rémunération n’est pas identique dans tous les établissements et les résultats s’avèrent in fine très différents.
La gestion de la rémunération ne se limite pas à distribuer une somme d’argent sous peine de voir s’installer des effets pervers. Les établissements ont tout intérêt à réfléchir aux messages positifs à délivrer lors de la distribution de primes pour que celles-ci apparaissent comme un signal du soutien aux besoins fondamentaux des salariés.
Une prime bienvenue, mais non suffisante
La prime exceptionnelle du gouvernement de 1 000 à 1 500 euros devrait être considérée, par les soignants des Ehpad qui en bénéficient, comme une prime ex-post, c’est-à-dire une prime non systématique, non contractuelle, déconnectée de tout objectif et non connue au préalable des soignants (par opposition aux primes ex-ante comme dans l’exemple de la prime de week-end). Du fait de ces caractéristiques, les primes ex-post sont perçues comme moins contrôlantes et plus aptes à développer des comportements positifs au travail. En ce sens, la prime Covid devrait agir positivement sur le niveau de motivation autonome au travail et inciter les salariés à agir avec plaisir et conviction.
La prime Covid aura eu le mérite de reconnaître le travail effectué par les soignants des Ehpad qui ont été en première ligne lors de la crise sanitaire afin de prendre soin de nos aînés. Pour autant, cette mesure, bien que positive, ne sera pas suffisante. Les directeurs d’établissements sont aujourd’hui monopolisés au quotidien par la gestion administrative alors que leurs équipes ont, peut-être plus que jamais, besoin de percevoir un soutien de la part de leur organisation.
La gestion de la psychologie individuelle se retrouve, bien trop souvent, relayée au dernier plan faute de temps ou de moyens. Pour que les Ehpad parviennent à attirer et à conserver les soignants dont ils ont besoin, les managers de ces établissements jouent un rôle crucial pour accompagner, former et soutenir les soignants à hauteur de leur investissement.
Chloé Guillot-Soulez, Maitre de Conférences en Sciences de Gestion, IAE Lyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3 et Claude Roussillon Soyer, Docteur en Sciences de Gestion, Management des Ressources Humaines, Université Toulouse – UMR LISST, ENSFEACet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original publié le 29 septembre 2020.
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