Nous vous avons parlé déjà de longue date de Peyo, ce cheval aux capacités d'empathie extraordinaires. Sa présence bienveillante auprès de patients vulnérables, en EHPAD, avait interrogé la notion de médiation animale au-delà de toutes les espérances. Dans une unité de soins palliatifs, au plus près de patients en fin de vie, Peyo, en duo avec Hassen Bouchakour, son dresseur, prodiguait également des soins à sa manière, dans un face à face intime, chargé d'émotion et de lumière. Cette semaine, c'est dans les couloirs du service de cardiopédiatrie de l'hôpital Louis Pradel, à Lyon, que l'on a pu entendre ses bruits de pas.. ou plutôt de sabots ! Oui, on peut l'affirmer, Peyo s'apparente vraiment à un remède de cheval !
Un cheval au chevet des enfants
Au 4ème étage de l’hôpital, le cheval sort de l’ascenseur devant les yeux ébahis des parents et des soignants. Mohamed Anis, 8 ans, n’est lui pas surpris. Ah, tu es revenu me voir !
, s’exclame-t-il avec un sourire grand comme ça. Peyo, qui lui avait rendu visite la veille, est revenu bille en tête dans la chambre, rendre visite au petit patient. Le service est composé de 2 unités qui prennent en charge des patients de la naissance jusqu’à l’âge adulte, pour des anomalies cardiaques congénitales en situation aigue ou chronique. Certains de nos patients sont ici depuis plusieurs mois dans l’attente d’une greffe. La présence de Peyo apporte un peu de légèreté et de magie dans un quotidien difficile
, explique Carine Berthier, cadre de l’Unité « des grands ». On fait rentrer la vie du dehors à l’intérieur de l’hôpital et nous pensons avec l’équipe que cette action peut avoir un réel intérêt
. La venue de Peyo s’inscrit en effet dans le cadre d’un projet porté par la chef de service, le Pr Sylvie Di Filippo et les cadres visant à évaluer une approche originale et réconfortante d’accompagnement des patients et des familles confrontées à des pathologies complexes et durables. Pendant la semaine, les infirmières ont observé le comportement des enfants, discuté avec les parents et rempli des grilles d’évaluation basées sur l’évolution de plusieurs critères en lien avec la présence de l’étalon : gestion des émotions de l’enfant, humeur, compliance aux soins, amélioration du sommeil et de l’appétit.
Comment fait Peyo ? Nul ne le sait. Mais chacune de ses visites semble avoir des effets miraculeux pour tous les patients concernés.
Les questionnaires n’ont pas encore été analysés mais les premiers ressentis sont déjà positifs. Certains enfants paraissent plus apaisés
, observe Geneviève Michel, cadre de l’unité « des petits ». Les plus jeunes, d’abord effrayés, sont rapidement entrés en contact avec le cheval Peyo faisant parfois naître des éclats de rire. Les parents ont pu partager ce moment joyeux avec leurs enfants.
C’est drôle à dire parce qu’on ne parle pas d’un chien et que Peyo est imposant, mais je trouve que sa présence ne gêne absolument pas les soins !, s’étonne Carine, en avançant qu’il fait déjà presque partie du décor.
Le service d’hygiène de l’hôpital a également donné son accord sur la venue du cheval dans le service dans les conditions définies entre le dresseur et le service de cardiopédiatrie et des règles de vigilance ont été diffusées à l’ensemble des soignants. A titre d’exemple, les abords vasculaires (voies centrales, Piccline…) sont protégés, les patients greffés portent un masque et les mains des enfants sont lavées à l’aide d’une solution hydro alcoolique après chaque contact, le sol est lavé après le départ du cheval. Quant aux besoins physiologiques, aucun problème. Peyo sait se faire comprendre et exprime à son dresseur quand il a besoin d’aller au petit coin !
Le début de l'histoire : la rencontre d'un homme, Hassen, et d'un cheval, Peyo
Hassen Bouchakour n'est pas un dresseur comme les autres, il est aussi cavalier, fauconnier, gymnaste de haut niveau et contorsionniste. Spécialiste des spectacles de haute voltige, issu d'une des dernières familles de cavaliers fauconniers d'Algérie, il perpétue son art dans la région strasbourgeoise où il est installé et se produit en spectacle à travers le monde. Au-delà, Hassen Bouchakour travaille en duo avec un étalon star, extraordinaire cheval nommé Peyo. Hassen raconte avoir acquis Peyo il y a six ans dans le sud de la France, dans le Gard exactement. Il l'a appelé ainsi, car Peyo signifie "serpillière" en patois. Peyo alors qu'il était poulain, a été maltraité par les autres chevaux, il s'est beaucoup blessé. Au début les choses n'ont pas été simples, il ne se passait rien avec Peyo. Tout ce que je lui demandais m'était réfusé. Et puis, lorsque je ne lui ai plus rien demandé, alors il m'a tout donné ! Avec Peyo, on a développé une véritable complicité, une confiance totale l'un envers l'autre. C'est un cheval très vigoureux, nerveux. On travaille ensemble et le plaisir est notre seul guide
.
Peyo, doté d'une compassion naturelle, ne "guérit" pas, n'offre pas de "miracle", mais apporte une forme de sérénité retrouvée.
Un cheval hors norme, empathique
Peyo n'est pas qu'un animal de dressage exceptionnel, gentil et obéissant, Peyo a de façon naturelle une hypersensibilité, capable de sentir la souffrance, la mort, a être empathique face à des personnes vulnérables, notamment les plus âgés. Peyo les « détecte » et se rend à leur chevet dans des hôpitaux français (Dijon, Le Havre, Nice, Antibes, Calais) qui accompagnent cette "expérience scientifique". Hassen Bouchakour a en effet créé l'association Les Sabots du Coeur, son but : visiter à domicile ou en établissement de santé des personnes fragilisées par l'âge ou la maladie. Il s'agit alors d'analyser, d'observer, d'annoter, et tenter de comprendre le lien qui s'établit entre un cheval et des personnes en situation de faiblesse, de soutenir les patients et leur famille à l'aide de la médiation animale.
Comme Hassen Bouchakour l'expliquait récemment, j'ai perçu le don de Peyo, il y a six ans de cela et j'ai voulu comprendre auprès de neurologues et de psychiatres le phénomène scientifique, comment il arrive à sentir la mort arriver. De là, nous avons déterminé cinq angles de recherche pour la gériatrie, la pédiatrie, la psychiatrie, les soins palliatifs et Alzheimer avec cinq hôpitaux en France et un centre d'études vétérinaires en Belgique. Nous essayons de comprendre le pourquoi et le comment de ce don
. Comment fait Peyo ? Nul ne le sait. Mais chacune de ses visites semble avoir des effets miraculeux pour tous les patients concernés.
Quand vous voyez cet animal se diriger spontanément vers une personne qui souffre, se poser devant elle, fermer les yeux comme en communion avec elle, c'est absolument magique !
Il y a presqu'un an, la chaîne Equideo réalisait et diffusait "Le cheval à l'hôpital, Peyo cheval de coeur ", documentaire exceptionnel tourné à l'Ehpad/USLD les Vergers, à Dijon. On y voit Peyo, préparé, nettoyé, apprêté - car il n'est pas simple pour un animal d'entrer dans un établissement de soins - évoluer au milieu des patients, au plus proche d'eux, déambuler, posant son museau sur la main d'un résident, sa tête au creux d'une épaule, léchant un membre malade... Autant d'humanité de la part d'un animal a stupéfié le personnel soignant, les médecins.
Marie Lombard, médecin gériatre chef de service en témoigne : Ici, les gens viennent finir leur vie. Si l’humanité n’est pas la première de nos préoccupations, je pense qu’on se trompe de métier
. Sandrine Bougenot, aide-soignante, est réeellement bluffé : C’est magique. Je peux pas dire mieux, c’est magique, c’est fantastique, c’est extraordinaire. On obtient des résultats qu’on ne peut pas obtenir en temps normal
. Et en effet, les interactions opèrent, la médiation animale fait son oeuvre : une patiente, pourtant apathique, caresse l'animal, un patient se lève, vient jusqu'au cheval, prend la longe et le promène, serein, réveillé... Il ne s'était pas levé de longue date, comme si le cheval lui avait donné des ailes...
Regardez ce reportage tourné à l’EHPAD/USLD Les Vergers de la Chartreuse, à Dijon
Si vous ne lisez pas cette vidéo, rendez-vous sur youtube
Le "Dr Peyo" a fait plus que tout ce que l'on avait pu faire pour ce patient jusqu'alors...
Recemment, Equideo nous proposait un deuxième reportage, tourné au sein de l'unité de soins palliatifs "séléné" du centre Hospitalier de Calais. Peyo demeure plus encore "un cheval de coeur", évoluant avec empathie et attention auprès des patients en fin de vie, diminués, souffrants. Là encore, la médiation opère. Le Dr Cécile Baelen-Teacher, chef de service de l'unité, en témoigne. La première fois que le cheval est entré dans les chambres, on a vu quelque chose se passer, des choses incroyables. Un jeune patient, hélas en phase terminale, avec une souffrance physique et psychologique très importante, renfermé sur lui-même, s'est connecté d'un seul regard avec Peyo. L'animal s'est arrêté de vant lui, tout s'est arrêté et on a même senti qu'il fallait qu'on sorte de la chambre. On a retrouvé le patient ensuite véritablement rayonnant, apaisé comme jamais les médicaments n'avaient pu le faire
. Un dialogue invisible s'est noué entre le cheval et le patient. Le Dr Peyo a fait plus alors que tout ce que l'on avait pu faire pour ce patient jusqu'alors
, poursuit le médecin, très émue mais surtout heureuse d'avoir pu assister à cette rencontre d'un type inédit.
Ne cherchons pas à expliquer les choses, cela se fait, et seul le résultat compte
. Hassen, de son côté est très impressionné par le travail des soignants dans ces unités de soins difficiles, où chacun s'affaire à alléger le quotidien des patients, des familles, des proches
. Il souligne également leur ouverture d'esprit à accueillir Peyo, à l'accepter comme une aide complémentaire à leurs actions
. Pour Najat Moussi, directrice des soins de l'établissement, cette approche vaut tout l'or du monde
. Peyo apporte de la sérénité partout où il passe, sa présence est lumineuse. Julie Cocquerel, infirmière du service, se dit militante de l'humanité à l'hôpital, un défi à relever chaque jour
. Elle se réjouit particulièrement de voir un animal, un cheval de surcroît, rentrer dans l'univers hospitalier, carré, rigide. Le cadre s'en voit bouleversé, mais comme cela nous fait du bien et fait du bien à l'hôpital ! Hassen l'affirme, depuis toujours, le cheval est un passeur et avec Peyo, cela se vérifie tous les jours. C'est lui qui est commande, c'est lui qui choisit s'il interagit avec une personne ou pas
. Irrationnel peut-être mais pourtant vrai.
Le passage de Peyo dans le service auprès des patients, fait tomber les masques, après son départ, les patients ressentent le besoin de continuer de parler, d'exprimer leur ressenti...
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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