Un an après le début de l’épidémie de Covid-19, les modalités du maintien à domicile des patients du Covid-19 se sont améliorées. Toutefois, comme l’ont noté les intervenants du webinaire « Optimisation parcours patient COVID en articulation ville/hôpital », il est nécessaire de penser de nouvelles solutions pour assurer au mieux le suivi de ces malades afin de soulager la tension hospitalière.
Comment assurer le maintien des patients Covid-19 à domicile et leur éviter une hospitalisation, et construire une meilleure coordination entre la médecine de ville et l’hôpital dans leur prise en charge ? C’était en substance l’objet du webinaire organisé lundi 19 avril conjointement par la DGOS, l’Assurance maladie, le Collège de la Médecine Générale (CMG) et le Conseil National Professionnel de Pneumologie (CNPP), qui s’appuyait notamment sur un constat : plus de la moitié des patients souffrant du virus admis dans les services de réanimation proviendrait directement de la ville, et 2 malades sur 10 les intégreraient dès leur admission en hospitalisation, selon la DGOS. D’où l’importance, rappelle-t-elle, d’améliorer ces taux en renforçant les liens entre la médecine de ville et l’hôpital
. Surveillance des symptômes respiratoires, critères de mise en place de l’HAD…, sur quelles solutions cette évolution peut-elle reposer ?
Prudence sur l’oxymétrie
Dès le mois de mars 2020, alors que la France entrait en plein confinement, la Haute Autorité de Santé (HAS) publiait un certain nombre de réponses à mettre en place afin d’aider les professionnels de santé dans leur prise en charge de premier recours des patients atteints du Covid-19. Ces recommandations ont depuis été mises à jour et intègrent notamment la possibilité de prescrire l’utilisation d’un oxymètre de pouls
, pour mesurer le taux de saturation pulsée en oxygène (SpO2) des malades à domicile. Une mesure d’autant plus importante que, comme l’a rappelé la DGOS, certains patients souffrent d’une hypoxie silencieuse et ne s’en rendent compte que lorsqu’il y a une dégradation de leur état, qui nécessite alors une hospitalisation, voire une intubation
. Ainsi, un taux inférieur à 95% peut constituer l’un des signes révélateurs d’une hypoxémie et du développement d’une forme sévère de la maladie, pouvant requérir une oxygénothérapie. Néanmoins, a précisé Nicolas Peschanski, professeur associé en médecine d’urgence au CHU de Rennes, si la saturation de base d’un patient équivaut à 92%, il n’y a pas nécessairement besoin de paniquer. C’est au médecin traitant, qui le connaît bien, de déterminer si la situation est alarmante
.
Il est important que les personnels paramédicaux soient sensibilisés à la mesure de la fréquence respiratoire
Pour autant, a-t-il alerté, une SpO2 supérieure à 95% chez un patient ne signifie pas que ce dernier ne souffre pas d’hypoxie, et une dégradation rapide de son état est possible. Le ressenti des malades atteints du Covid est troublant par rapport à d’autres formes de détresse respiratoire
, a-t-il indiqué. D’où la préconisation d’associer cette mesure de la saturation en oxygène, réalisée trois fois par jour lors des passages à domicile de l’infirmier, à celle de la fréquence respiratoire (inférieure ou égale à 20 cycles par minute au repos, à 24 cycles au cours d’un effort léger, type marche). Nous avons eu des remontées de dégradations dramatiques, alors que la saturation des patients était de 95%
, a témoigné le docteur Peschanski, prenant l’exemple d’une patiente dont la SpO2 équivalait à 98% mais dont la fréquence respiratoire s’élevait à 48 cycles, et qui a dû être hospitalisée puis intubée. La mesure de la fréquence respiratoire oriente donc beaucoup, il est important que les personnels paramédicaux soient sensibilisés au sujet
, a-t-il conclu, rappelant qu’il s’agit d’être particulièrement vigilant pour les personnes de plus de 65 ans ou souffrant de comorbidités ou de facteurs de risque associés aux formes graves de la maladie.
Les modalités de l’oxygénothérapie à domicile
Quid des patients Covid oxygéno-requérants qui ne bénéficient pas d’une hospitalisation ? Afin de soulager les services hospitaliers, la HAS a défini en novembre 2020, à la demande du ministère des Solidarités et de la Santé, un protocole pour les malades pouvant bénéficier d’une oxygénothérapie à domicile. L’objectif est de maintenir chez eux les patients à une SpO2 supérieure à 92%. Or ce type de traitement, en plus d'être conditionné par un suivi régulier de la part des professionnels de santé, est soumis à un certain nombre de limitations, a rappelé Paul Frappé, le président du CMG. Patients atteints de maladies chroniques non stabilisées, personnes de plus de 70 ans ou souffrant d’obésité morbide, femmes enceintes… doivent être exclus. On ne peut pas prescrire l’oxygénothérapie à tous les patients
, confirme Didier Perrin, administrateur de la FDPSAD. En pratique, l’oxygénothérapie à domicile s’adresse d’abord à ceux qui refusent d’être hospitalisés et doit avant tout faire l’objet d’une discussion et d’un accord entre le patient, ses proches aidants, l’équipe hospitalière et l’équipe en ambulatoire chargée d’en assurer le suivi. On met le traitement en place pour des patients qui sont diagnostiqués positifs au Covid, oxygéno-requérants, et dont l’état ne menace pas de s’aggraver, mais aussi pour ceux qui sortent de l’hôpital, qui ont besoin d’oxygène mais dont l’état n’inspire pas d’inquiétude et qui n’ont pas besoin d’une surveillance renforcée
, explique-t-il.
Les patients Covid-19 qui refusent une hospitalisation prennent des risques
Car, a insisté Paul Frappé, dans la surveillance quotidienne de ces patients, infirmiers et prestataires de santé à domicile
(PSAD) ont un rôle majeur à jouer. Les premiers, en plus de veiller à l’évolution de leur état de santé, s’appuient sur le dispositif de la visite domiciliaire sanitaire infirmière
(VDSI), mis en place en janvier 2021, pour accompagner l’isolement des personnes diagnostiquées positives au Covid à leur demande et identifier leurs besoins (médicaux, aide à domicile, soutien psychologique…). Les seconds, eux, apparaissent tout désignés pour faire le lien entre l’hôpital et le domicile des malades. Ils sont partout, peuvent se rendre dans les coins les plus reculés et ont réalisé beaucoup d’investissements sur la télésurveillance
, a signalé Paul Frappé. La place des PSAD est d’autant plus pertinente qu’ils installent le matériel de soin aux domiciles des patients, facilitent leur prise en main et en effectuent les différents réglages en fonction de l’évolution du patient, le suivi étant, lui, dévolu aux infirmiers libéraux. Les PSAD mettent d’ores et déjà en place un système de télésuivi pour des patients atteints de certaines pathologies, telle que l’apnée du sommeil. Mais si une expérimentation a été organisée en collaboration avec la Pitié-Salpêtrière pour prendre en charge l’oxygénothérapie à domicile pour les malades du Covid, une telle mesure n’est actuellement pas remboursée par la CNAM, comme le déplore Didier Perrin.
Or depuis un mois, la demande en oxygénothérapie à domicile a considérablement augmenté car les hôpitaux soignent les malades non-Covid et n’ont plus de place pour accueillir les patients Covid dont l’état n’est pas suffisamment grave pour être admis en réanimation
, détaille-t-il, précisant que les PSAD sont très sollicités et prennent actuellement en charge entre 5 000 et 7 000 patients Covid par jour. À noter néanmoins que, même s’ils font l’objet d’une surveillance régulière et importante, les patients qui refusent une hospitalisation
et disposent d’une oxygénothérapie à domicile prennent des risques, et leur situation peut vite se dégrader
, a prévenu Paul Frappé. Là encore, la mesure de la SpO2 et de la fréquence respiratoire par les infirmiers libéraux trois fois par jour apparaît nécessaire pour évaluer l’état de santé de ces personnes, l’absence d’amélioration au bout de 72 heures devant être considérée comme un signal d’alerte.
La HAD pour la réadaptation des patients
Troisième solution pour assurer le suivi chez eux des malades du Covid-19 : l’hospitalisation à domicile (HAD). Si elle peut être mise en place en amont d’une hospitalisation ou pour l’éviter, dans le cadre d’un protocole établi avec les médecins généralistes et assurant une vraie continuité entre les différents professionnels de santé intervenant auprès des patients, elle s’avère surtout pertinente pour ceux ayant subi une hospitalisation de longue durée. Son atout : une prise en charge globale et pluridisciplinaire des malades, qui permet une réelle réadaptation à la sortie de l’hôpital, selon Éric Fossier, délégué régional en Bretagne de la FNEHAD : Les patients qui souffrent de certaines fragilités et qui sortent d’une hospitalisation longue doivent être inscrits dans un vrai projet de réadaptation, qui peut être respiratoire, physique, nutritionnelle, et que l’HAD est en mesure d’organiser
, a-t-il précisé. À la différence des PSAD, sa prise en charge globale du patient lui permet non seulement de déterminer quand ce dernier peut être "déconfiné" mais aussi d’établir des passerelles avec d’autres professionnels, tels que diététiciennes ou kinésithérapeutes
.
Mieux, a-t-il ajouté, la HAD représente également une solution pertinente pour favoriser les hospitalisations plus courtes en accompagnant les patients à leur sortie et pour fluidifier les soins de suite et de réadaptation. Un point de vue qu’a également soutenu Pierre Tattevin, président de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) et professeur de maladies infectieuses au CHU Rennes, qui a confirmé que la HAD était utile pour les patients Covid-19 en court séjour, car elle permet de désengorger les services
. De manière générale, dans la prise en charge à domicile des malades atteints par le coronavirus, la HAD représente un vrai plus, car elle limite les hospitalisations
, a rele Éric Fossier. Quelles que soient les solutions envisagées pour le suivi des patients Covid à domicile, c’est l’ensemble des professionnels de santé en médecine de ville qui doit œuvrer en coordination. Nous avons besoin d’une prise en charge pluriprofessionnelle. Il faut que nos problématiques concordent, car les patients n’ont pas besoin d’une prise en charge en silos
, a ainsi conclu Paul Frappé.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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