L'état de santé de la population française est directement tributaire de la qualité des soins infirmiers qui lui sont dispensés. Il importe donc de lui assurer un service infirmier reconnu, responsable, suffisant et compétent. Or, nous constatons que la profession fait l'objet de pénurie cyclique et que les politiques et autres professionnels profitent de cette difficulté pour faire des propositions qui mettent en jeu le devenir et l'existence même de la profession infirmière en France : baisse du niveau de recrutement, mesures transitoires discutables, passerelles irréalisables, déresponsabilisation des professionnelles, non-association aux décisions et perte de gestion de leur activité, de leur formation et de leur exercice. L'identité professionnelle des infirmières demeure encore aléatoire dans le monde de la santé. La profession et les tutelles se doivent de trouver des solutions durables et négociées qui ne soient pas liées à sa genèse, donc à la féminisation de la profession, mais qui prennent en compte les avancées et évolutions de ce corps professionnel. Les infirmières ont pour volonté d'améliorer le service qu'elles rendent à la population, de développer leurs compétences et pratiques professionnelles et d'être des acteurs à part entière du système de santé français. Elles veulent pouvoir peser sur les politiques de santé, gérer la démographie de leur profession en fonction des besoins de santé et élaborer un code de déontologie et d'éthique professionnelle, gérer la formation et évaluer les pratiques professionnelles.
La profession est détentrice d'un mandat social accordé, depuis des siècles, par la population qui passe par la reconnaissance et l'autonomie de ses membres. La profession infirmière a été l'une des seules professions paramédicales à être régi par un décret relatif aux actes et à l'exercice professionnel. Elle est la seule à posséder un décret portant sur les règles professionnelles. Or, depuis juillet 2004, et sous l'impulsion d'autres métiers de santé, ces deux décrets sont rédigés en un seul dans le code de santé publique avec des propositions plus que regrettables sur certaines modalités d'attribution des diplômes spécialisés par exemple. Ces personnels de la santé pensent sans les infirmières et militent pour une structure ordinale regroupant l'ensemble des professions paramédicales avec pour objectifs :
- Harmonisation de l'ensemble des règles qui régissent exercice et existence des professions
- Formations initiales et continues curriculaires de même nature permettant des passerelles et ouvrant aux même droits pour les étudiants
- Equité statutaire par parallélisme
- Décret paramédical commun des activités et actes partagés
- Décrets et arrêtés spécifiques relatifs aux actes révisés régulièrement
- Création d'une structure interprofessionnelle des professions paramédicales.
Toutefois, elles n'ont pas les mêmes modalités de recrutement au niveau de la formation, pas les mêmes responsabilités en terme d'exercice professionnel, sont moins nombreux dans leur catégorie professionnelle et ne dépendent pas au niveau organisationnel et hiérarchique de la même logique soignante. Les infirmières sont présentes 24h/24 et 7jours/7 auprès des personnes et assurent les soins de continuité de vie, ce qui n'est pas le cas de ces professions.
La profession infirmière qui réclame un ordre spécifique pour ses membres devrait accepter une telle proposition simplement parce que c'est la volonté d'autres professionnels qui affirment " que parmi les quatorze professions concernées, une large majorité est inscrite dans le code de santé publique (sous la rubrique auxiliaires médicaux) et est régie par un décret d'acte qui lui confère un rôle propre dans leurs missions et qu'en dehors de ce dernier, ils travaillent à partir des prescriptions médicales dans le respect des règles de bonnes pratiques de leur profession ".
Dans cette affirmation nous ne reconnaissons pas la définition de la profession infirmière telle inscrite dans les textes régissant sa fonction. Les travaux et réflexions qui ont émaillé mon parcours de militant sont les témoins d'une volonté de faire évoluer la profession dans une vision globale politique et stratégique qui prend en compte les mutations sociologiques, sociales, psychologiques mais aussi celles des sciences et des techniques. Et c'est pourquoi, il semble essentiel de refuser toute régression de la fonction infirmière, quelles que soient les raisons idéologiques, philosophiques, de pouvoir ou de lobbying socioprofessionnel ou socio-catégoriel.
L'association pour un ordre des infirmières et des infirmiers de France, dont je suis membre pense que ces professionnels regroupés au sein de l'UIPARM, dans leurs prises de position engendrent des risques pour la fonction soignante : " parce que, selon l'UIPARM, il existe une similitude de déroulement de carrière, des analogies des cursus professionnels, des rapprochements autour de la formation cadre de santé et du concept d'encadrement cela démontre une unité certaine des professions ", il faudrait regrouper les 14 dans une structure unique. Alors, la question est de savoir si unité est égale à identité. Nous ne le croyons pas, parce que les théories, les modèles et les concepts qui sous-tendent les différentes pratiques soignantes sont particulières, différentes, spécifiques bien que complémentaires. Les avancées syndicales ont permis que ces métiers se calquent et évoluent en fonction de la définition de la profession infirmière, ce n'est pas pour autant qu'ils aient la même identité.
Depuis 1973, après que les politiques nous avaient remplacé le Conseil de Perfectionnement créé en 1922 et le Conseil Supérieur des Infirmières créé en 1951, par le Conseil Supérieur des Professions Paramédicales, qui comprend une commission infirmière. La profession infirmière a perdu la maîtrise de son exercice et de sa formation. Les confédérations syndicales et les associations qui y siègent reconnaissent que cette instance est dépourvue de statut juridique, n'a qu'une fonction consultative, ne se réunit qu'à la demande du ministère sans pouvoir d'auto saisine, et que les membres ne font qu'entériner les décisions de la direction générale de la santé. La représentativité de cette commission est contestée du fait que plus d'un quart des membres ne sont pas des professionnels mais émanent des représentants de l'administration.
Depuis plus de 30 ans, la profession réclame un organe de régulation pour fédérer ses membres et avoir un interlocuteur unique pour discuter, négocier et faire des propositions aux Tutelles, Ministère et être un intermédiaire incontournable sur toutes les questions concernant les infirmières, les politiques de santé et le système de santé. C'est pourquoi, un livre blanc de la profession infirmière a été rédigé qui sera disponible pour chacun(e) chacun des infirmières et infirmiers travaillant en France, sur demande. De toute évidence le défi pour l'APOIIF est d'amener les responsables, à tous les échelons, à mieux considérer les problèmes rencontrés par les infirmières lors de la prise en charge des personnes et de leur accorder une juste place d'acteur au sein du système de santé.
Josseline JACQUES, membre de l'APOIIF
e-mail: collectifinfirmier@hotmail.com
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