Cela fait maintenant des jours et des jours que les infirmiers libéraux alertent les pouvoirs publics et les instances sanitaires au plus haut de l'Etat sur le manque criant de matériel de protection adapté pour faire face à l'épidémie devenue nationale de coronavirus. Des appels qui, alors que la médecine de ville et les soins qui en découlent se trouvent maintenant en première ligne pour accueillir des patients potentiellement porteurs, n'ont toujours pas trouvé écho. Les témoignages du terrain en attestent au jour le jour, relayant colère et angoisse de devoir partir "en guerre sanitaire" sans être équipés. N'hésitez pas à témoigner à votre tour en commentant cet article.
A l'heure d'aujourd'hui, 25 mars, la situation n'est toujours pas réglée. Les professionnels de santé libéraux, maintenant très exposés aux patients porteurs du coronavirus, manquent encore cruellement de matériels de protection et craignent pour leur sécurité et leur santé.
Mise à jour du 19 mars 2020 Lettre réseau délivrance en ville des masques (via assurance maladie) : Médecins généralistes et infirmiers libéraux : 18 masques par semaine et par professionnel, chirurgicaux ou aux normes FFP2 selon les indications et les disponibilités, et le choix du professionnel.
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Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a pourtant annoncé en fin de semaine dernière la mise en place d’une stratégie de gestion et d’utilisation des masques de protection dans les zones où le virus circule activement, prioritairement pour les professionnels de santé ; une stratégie qui vient en complément d’un nouvel approvisionnement en masques des médecins généralistes, des infirmiers et des pharmaciens de ville à l’échelle nationale. Pourtant, à l'heure d'aujourd'hui et alors que le confinement généralisé de la population est désormais le seul mot d'ordre, reconnaissons-le avec plus ou moins encore d'observance , la situation pour les professionnels de santé en ville reste toujours dégradée, très hétérogène sur l'ensemble du territoire. Seule question sur toutes les lèvres et dans tous les esprits : jusqu'à quand ?
Le 13 mars dernier, nous vous sollicitions via notre page facebook sur le sujet et vos commentaires témoignaient en effet du manque "vital" de matériel de protection.
« La distribution des masques sur le secteur libéral est en train de se faire aujourd’hui mais restons vigilants quant à la distribution homogène sur l’ensemble du territoire. L’Etat doit protéger ses soignants » â¦@OrdreInfirmiersâ© â© â¦@Allodocteursâ© pic.twitter.com/ooo8KlNUaM
— Bernadette Fabregas (@FabregasBern) March 18, 2020
Le ministère des solidarités et de la santé met à disposition des professionnels de santé libéraux un document daté du 16 mars 2020 sur la prise en charge en ville des patients symptomatiques en phase épidémique COVID-19.
Les syndicats professionnels montent une fois encore au créneau
Déjà, le 6 mars, l'Onsil, rappelait par voie de presse que dans le contexte de pandémie à coronavirus, les infirmiers libéraux étaient sollicités par les CPAM afin d'assurer la prise en charge de patients atteints. S'il s'agit d'une mission de soins, de surcroît en situation de cries et si les IDEL sont prêts à se mobiliser, ils ne le feront pas dans n'importe quelles conditions. Ils souffrent d'un manque de matériel et par ailleurs, ils ne sauraient supporter le coût financier d'un service rendu qui dépassera largement les actes pris en compte par leur nomenclature
. L'Onsil demandait donc des mesures d'accompagnement financières.
La Présidente de Convergence Infirmière, Ghislaine Sicre, vient de saisir le Ministre des Solidarités et de la Santé afin de solliciter de toute urgence des moyens de protection en quantité suffisante pour faire face au Covid-19. Il ne peut y avoir de combat et de mobilisation générale sans moyens. Or aujourd’hui nous sommes totalement désarmés. Nous devons impérativement et de toute urgence être dotés du matériel de protection adapté en quantité nécessaire pour faire face à la pandémie dans les jours et les semaines qui viennent. Les infirmiers libéraux que je représente doivent non seulement être considérées mais surtout protégées. A l’heure actuelle, force est de constater que ce n’est malheureusement pas le cas. Les patients hospitalises dans les services de réanimation ou de maladies infectieuses sont légitimement soumis à des conditions drastiques d’hygiène. Au domicile, comme vous le savez, il n’en va pas de même. Sans le matériel indispensable, nous sommes non seulement mis en danger mais notre action est délétère bien sûr pour nous mais aussi pour nos patients, pour nos familles, pour nos proches. Je l’affirme solennellement, le dernier maillon de la chaine de soins que nous sommes risque d’imploser et si tel est le cas, les conséquences sanitaires seront désastreuses
. DE plus, précise la présidente de Convergence Infirmière, j’apprends également avec consternation qu’une infirmière libérale, pour ne citer qu’un cas, a été verbalisée aujourd’hui à hauteur de 135 euros pour stationnement gênant. Les pouvoirs publics ne peuvent à la fois nous demander des sacrifices et même peut-être le sacrifice ultime et verbaliser à outrance ou encore mener des procédures contentieuses qui sont un travail de sape inadmissible et incompréhensible dans le contexte actuel
.
Je l’affirme solennellement, le dernier maillon de la chaine de soins que nous sommes risque d’imploser et si tel est le cas, les conséquences sanitaires seront désastreuses. Ghislaine Sicre
Catherine Kirnidis, présidente du Sniil, rappelle de son côté qu'à cette heure, selon le Ministère de la Santé, 80% des malades du Covid 19 ne nécessiteront pas d’hospitalisation : une nouvelle stratégie de lutte contre ce virus se met donc peu à peu en place dans tout le pays, avec affirmation d’un principe général de prise en charge à domicile des patients non graves à domicile. De ce fait, les infirmières et infirmiers libéraux se trouvent désormais en première ligne, avec des interventions prévues dans 2 types de prises en charge à domicile sur les 4 qui ont été répertoriées par le Ministère de la Santé : lors des suivis renforcés à domicile (en complément du suivi médical) et lors des hospitalisations à domicile, puisque les infirmiers libéraux demeurent très fortement sollicités par les établissements d’HAD
. Et d'exiger donc que les premiers combattants soient armés correctement. Autrement dit que les infirmières et infirmiers libéraux ne souffrent à minima d’aucune rupture d’approvisionnement en masques et en solution hydroalcoolique sur quelque territoire que ce soit (DOM compris), et que des réapprovisionnements réguliers soient réalisés tout au long de cette période
. Catherine Kirnidis va plus loin, conscients du caractère exceptionnel de la situation, les infirmières et infirmiers libéraux sont prêts à se mobiliser, mais ils réclament de façon urgente et toute légitime des actes forts et rapides qui leur permettent de le faire. Sii tel n’était pas le cas, le Sniil continuera de recommander aux infirmières et infirmiers libéraux de ne prendre en charge aucun malade du Covid 19
.
Alors que le Président de la République a répété que le pays était "en guerre", le Sniil exige donc que les premiers combattants soient armés correctement.
Sur le terrain, la colère et la révolte
Nathalie Salaun, infirmière libérale réunionnaise, est révoltée. À la télévision, on les a vus serrés les uns contre les autres, embrassades, étreintes… Quand ils seront malades, tous ces gens-là, ils exigeront d’être soignés ! Et, nous, personnels de santé, soumis par l’inconscience d’élus à la contamination, on va au feu sans rien, sans protection : pas de masque à ce jour ! Ne devraient-ils pas montrer l’exemple ?
Face à l'ampleur du Coronavirus et le manque de moyens accordés aux infirmiers libéraux à Besançon
, Laetitia Chaput, infirmière libérale, prend la parole. Selon elle, il est urgent que les élus mesurent la gravité de la situation. Nous demandons la réquisition du matériel disponible en préfecture, en mairie, les stocks des plateformes de vente en ligne de matériel médical et para médical...,
en indiquant l'importance d'impliquer les particuliers. Vous qui avez des stocks de SHA, masques ou autre dans vos maisons, vous êtes confinés, vous devez rester chez vous, vous n'en n'avez donc pas besoin. N'hésitez plus à les faire parvenir à vos soignants de ville
.
Nous avons eu une boite de masques pour trois infirmières. On est en panne de solutions hydroalcooliques, de lingettes désinfectantes résistantes au coronavirus, on n'a plus d'embouts pour prendre la température
dénonce à son tour Florence Delcey, membre de la Fédération Nationale des infirmiers et infirmière libérale à Besançon. On a peur pour nos papies, nos mamies car sans protections, sans matériel, on est des potentielles tueuses
conclut-t-elle.
Catastrophique et honteux de nous envoyer à la guerre sans protection comme en 14
, comme l’explique Tilda Garcia, infirmière libérale sur Sète. Depuis que la crise a commencé, nous n’avons reçu chacun qu’une boite de cinquante masques chirurgicaux classiques !
Betty Mattéo, présidente de l’AISBT (Association des Infirmiers Libéraux Sète-Bassin de Thau), se bat, elle aussi, pour avoir des masques supplémentaires : il y a un manque de tout : en 2020, c’est choquant de voir que pompiers, médicaux et autres corps vitaux n’ont pas de quoi se préserver comme il se doit !
Relayée sur twitter (ci-dessous) la vidéo d'une jeune femme qui se présente comme une infirmière libérale lance un cri d'alerte. Oui, dans nos voitures on a une boîte de masques, on a un peu de gel hydroalcoolique, mais on s'en sert pour vous soigner, si on n'en a plus on ne pourra plus vous soigner, donc arrêtez de forcer nos voiture !
Une infirmière libérale.
— -VÉNOM- (@anthonysarti11) March 17, 2020
À diffuser merci d'avance. pic.twitter.com/64Vs8tStSl
Élise Kieffer, de Saint-Avold, qui gère une patientèle de personnes âgées, ne dispose que de très peu de moyens de protection. La jeune femme est en colère. J’ai écouté lundi soir le discours du président de la République promettant que les pharmacies, notamment celles du Grand Est, allaient être approvisionnées. J’en ai fait le tour de matin, elles n’avaient pas été livrées. Mes interlocuteurs n’ont pas su me dire quand ils allaient recevoir ce matériel. Nous n’avons même pas de surblouse. Lorsque je rentre chez moi, je me déshabille dans le garage, je passe sous la douche avant de rejoindre ma famille. Je reste auprès de mes enfants et de mon compagnon
.
Nathalie Delachapelle, infirmière libérale dans l'Oise, décrit une situation inédite : les gens ont peur, très peur. Les gens m’appellent pour me demander de passer les voir, de passer les rassurer dès qu’ils pensent avoir des symptômes, mais je dois d’abord assurer la continuité des soins pour mes patients âgés qui ont besoin de moi au quotidien. L’état nous a donné 50 masques de chirurgiens qui ne servent à rien et qui sont périmés en plus ! On a été les chercher il y a quelques jours dans les pharmacies, sur présentation de notre carte professionnelle. Mais il nous faudrait des vrais masques FFP2, j’ai l’impression qu’on bricole
.
Hier soir, le JT de TF1 proposait le témoignage de Myriam, infirmière libérale "dans la diagonale du vide", entre l'Allier et le Cher, que nous connaissons bien via son blog "La petite infirmière dans la prairie". Son mari est chef d'entreprise. Comment font-ils pour s'occuper de leurs trois enfants tout en continuant de travailler ? À quoi ressemblent leurs vies quotidiennes. Myriam publiait sur son blog il y a deux jours le billet suivant.
"Ce matin, je n’étais pas à l’aise dans mes baskets. Pas par peur du Covid19 (quoique à force d’en entendre parler toute une journée à la radio...), mais par le sentiment qui ne m’a pas lâchée de la matinée : une impression de bosser dans le brouillard avec la tête remplie de questions : faut-il mettre un masque ? Si oui, je vais devoir utiliser le maigre stock que l’on m’a fourni et si après, les cas se multiplient, comment faire ? Et si j’attrape au passage un rhume, je m’arrête ? Parce que je suppose que l’on ne va pas se jeter sur moi pour me tester... Et si je suis contaminée ? Et si mes collègues aussi et que personne ne puisse assurer la continuité des soins ? Toutes ces interrogations (ajouter à cela celles des patients), cela fait beaucoup de questions sans réponses... Et puis, il ne faut pas se mentir (on n’est pas des saints non plus !) : ai-je envie de risquer d’être infectée et d’infecter mon entourage même si notre Président a bien dit que les soignants étaient des héros (bla bla bli bla bla bla) ? Cela fait des mois que les hôpitaux vont mal, que les libéraux essaient de se faire entendre et qu’est-ce que l’on nous répond ? il faut un engagement total des soignants....
(bla bla bli ...) . Chaque jour nous nous engageons auprès de nos patients. Cependant, nous ne sommes ni des nonnes, ni des machines alors quelques compliments par ci-par là pour égayer un discours cela risque de ne pas suffire pour re-booster les troupes... Bien au contraire !"
"Il nous faut des #masques, des blouses, des lunettes. C’est un marathon que nous devons préparer !" a rappelé Patrick Chamboredon, Président @OrdreInfirmiers sur @CNEWS avec @LaurenceFerrari #coronavirus #COVIDã¼19 pic.twitter.com/l1EdGQ5dsZ
— Ordre des Infirmiers (@OrdreInfirmiers) March 23, 2020
Important
Ressources pour les infirmiers libéraux à retrouver sur ameli.fr
COVID-19 : Le ministère publie des directives de suivi par les IDEL des patients suspects ou contaminés !
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBer
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