Les examens biologiques hors prescription

La réalisation d'examens biologiques en réanimation ne doit se faire que sur prescription médicale écrite, mais dans la pratique il semble assez fréquent de retrouver des résultats biologiques d'examens non prescrits, soulignent Sébastien Perbet et ses collègues de l'hôpital Beaujon (Clichy, Hauts-de-Seine, AP-HP).

Or ces examens réalisés hors prescription médicale "peuvent aboutir au mieux à des surcoûts financiers inutiles et au pire à des décisions médicales inadaptées", outre le fait que les prises de sang excessives peuvent entraîner de véritables anémies iatrogènes, notent les chercheurs.

Ils ont évalué l'importance de ces examens hors prescription médicale écrite sur une période de 14 jours au sein d'une unité de huit lits de réanimation de chirurgie digestive, au cours de laquelle 19 patients ont été accueillis. Les auteurs soulignent que cette étude ne visait pas à évaluer le rationnel de la prescription médicale.

Sur 114 prescriptions médicales écrites répertoriées, une demande d'examen biologique supplémentaire ou élargie par l'infirmière par rapport aux examens prescrits, a été retrouvée dans 78% des cas.

Sur les 1.761 examens demandés au total, 477, soit 27%, n'avaient pas de prescription médicale écrite.

Du point de vue du coût, ces demandes hors prescription médicale écrite représentaient 19% du coût de l'ensemble des examens, ce qui suggère qu'elles ne concernaient la plupart du temps que les examens les moins coûteux.

Ces résultats mettent l'accent sur les anomalies de transmission de l'information entre médecins et infirmières et sur l'ambiguïté des modalités de remplissage des feuilles de demandes d'examens biologiques, estiment les auteurs.

En effet, les modalités de rédaction des prescriptions médicales n'étaient pas homogènes d'un médecin à l'autre dans le service. De plus, l'écriture médicale était parfois difficile à déchiffrer pour les infirmières. Enfin, par habitude et pour des raisons pratiques, un certain nombre de prescriptions orales ont été données aux infirmières, et considérées ici comme hors prescription écrite.

"Il semble donc clair qu'une homogénéisation des prescriptions médicales, voire leur informatisation, pourrait certainement limiter les phénomènes observés dans ce travail", suggèrent les auteurs.

Ils soulignent également le problème des modalités de remplissage des feuilles de demande d'examens biologiques. Celles-ci, remplies manuellement par les infirmières, consistent en des cases à cocher, les unes sous les autres, formant ainsi des colonnes d'examens complémentaires "qu'il est finalement tentant de cocher en totalité par un grand trait vertical", notent-ils.

"Il serait là aussi intéressant soit de réfléchir à un outil papier plus adapté, soit surtout (...) de réfléchir à une informatisation de la structure", proposent-ils encore.

Ils estiment en outre que le coût généré par ces examens hors prescription médicale écrite, même s'il ne représente que 19% du coût total, "est d'autant plus important à prendre en compte qu'avec la tarification actuelle, toute prescription non justifiée par l'état du patient et sa prise en charge se traduit par une perte nette pour la structure".

(Annales françaises d'anesthésie et de réanimation, vol.26 n°12, pp.1037-1040)