Quelle est l'opinion des Français, des soignants et des patients en particulier, à l'égard de "l'expérience Covid" qu'ils ont vécue ces derniers mois ? Y a t-il un avant et un après dans leur rapport à la santé, à leur métier s'agissant des soignants, des infirmiers en particulier, ou encore dans les relations soignants/soignés ? Les infirmiers semblent en tout cas quelque peu dubitatifs sur l'impact du Covid sur le "monde d'après" de la santé. Principaux enseignements du Baromètre santé 360 Odoxa sur le monde d'après de la relation patients-soignants rendu public le 21 juillet dernier.
À l'instar du monde entier, les Français ont eu à faire face ces derniers mois, avec la pandémie de Covid-19 , à une crise sanitaire majeure. Après près de deux mois de confinement, ils ont petit à petit repris « leur vie d'avant », jonglant diversement avec le travail, l'école, les loisirs selon les situations individuelles et les territoires.
Contrairement aux institutions de santé et au gouvernement, les soignants et le monde de la santé suscitent une formidable confiance dans l’opinion
Le retour à la vie normale
Dans leur grande majorité (86% des Français interrogés 77% des infirmiers)*, ils vivent plutôt bien ce retour à la vie normale
. Pour autant, la plupart d'entre eux (80%), en particulier les soignants (médecins 82%, IDE 92%) craignent une explosion des problèmes de santé dans les mois à venir du fait du manque de suivi des malades chroniques lors de la phase de confinement. Des soignants (2/3 des IDE, un peu plus de la moitié des médecins) qui pensent par ailleurs que la reconnaissance des Français à leur égard s'est désormais éteinte. Mais cela s'avère non fondé : en effet, avec 93 % de bonnes opinions, les infirmières sont plus plébiscitées que jamais par les patients, lesquels ont aussi plus largement une très bonne image de l'ensemble des personnels comme des établissements sanitaires, quand bien même celle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et de ceux qui y travaillent a souffert de la situation sanitaire.
Ainsi, si les Français avaient déjà une très bonne opinion envers le personnel soignant, celle-ci s'est fortement améliorée avec cette crise du Covid. Les infirmiers ont ainsi gagné pas moins de 7 points entre le Baromètre santé du printemps 2015 et ce baromètre santé 2020, passant de 43% à 50% (et jusqu'à 70% au plus haut de la phase épidémique en avril dernier). Une très bonne image des acteurs de santé qui est également corrélée à une très forte confiance (92% pour les médecins, 90% pour les personnels en général, 76% pour le système hospitalier). Un point fort à noter quand on voit la défiance des Français – et des IDE aussi ! – à l'égard des institutions de santé1 (respectivement 60% et 83%) et du gouvernement (68% et 89%) en matière de santé. Les controverses et la pénurie de masques et d'équipements de protection individuelle (EPI) n'y sont sans doute pas pour rien !
Autre enseignement de ce Baromètre, la très bonne opinion de nos concitoyens à l'égard des scientifiques, loués pour la qualité et la clarté de leurs interventions médiatiques. Véritables "révélations" de cette période, se sont eux d'ailleurs auxquels les Français (67%) feraient le plus confiance pour s'informer en cas de seconde vague. Avec un bémol toutefois à souligner à propos des polémiques qu'ils ont pu avoir entre eux durant cette crise sanitaire, notamment celle à n'en plus finir autour de la chloroquine ! Vous avez dit Raoult-buzzing… Dont acte.
L’image des soignants, et, au-delà, de tout notre système de soins et même des scientifiques en général a été dopée par cette expérience du Covid19
L'impact du Covid sur le "monde d'après" de la santé
Les Français, les soignants et les patients ont aussi été interrogés sur l'impact du Covid sur le monde d'après
de la santé. Il en ressort d'abord que cette expérience Covid
a favorisé les solidarités entre soignants. 61% des IDE et 82% des médecins savent que durant cette crise des médecins spécialisés dans d'autres domaines sont venus prêter main forte dans des unités Covid saturées. Des solidarités telles qui auraient ainsi sensiblement modifié les relations hiérarchiques ? C'est ce dont sont persuadés plus d'un Français sur deux (63%) et près de 55% des médecins. Un ressenti que les trois-quarts des infirmières (73%) sont cependant loin de partager, lesquelles étant convaincues du contraire ! Quoi qu'il en soit et plus globalement, les Français sont persuadés que cette crise sanitaire a amélioré les relations patients-soignants et, dans une moindre mesure, celles entre professionnels et même le fonctionnement général de la santé en France.
Là encore, les professionnels de santé et surtout les IDE sont bien plus dubitatifs. Si ces derniers sont bien plus positifs que négatifs sur l'impact de la crise sanitaire sur leurs relations avec les patients et entre professionnels, ils considèrent surtout que celle-ci ne changera rien à la situation dégradée qu'ils vivent aujourd'hui. Ainsi, 71% des IDE considèrent que la crise sanitaire n'a rien changé aux relations entre les soignants et leur direction et ils sont 22% à estimer qu'elle les a même détériorées.
Si tous dans leur ensemble (72% des Français, 80% des médecins et 94% des IDE) sont ainsi convaincus que les choses vont redevenir comme avant, au-delà des éventuels changements ponctuels/conjoncturels observés avec la crise sanitaire, il semble toutefois qu'ils aspirent à de nouvelles attentes, à plus de souplesse dans les organisations (transferts de secteurs, de métiers, de régions…). 62% des IDE souhaitent ainsi que les soignants puissent exercer à la fois en ville et à l'hôpital, 65% qu'ils puissent passer d'un Ehpad à un service gérontologique hospitalier, 55% qu'ils puissent avoir plusieurs employeurs… Structurellement plus pessimistes que les Français et les médecins, ils sont néanmoins nettement moins convaincus qu'eux (37% versus 65% et 59%) quant au fait que la crise du Covid va réellement changer à l'avenir leur façon de travailler. Mais n'ont-ils pas tort ?
Après tout, la crise du Covid-19 a en effet changé la donne dans de nombreux domaines. Elle a par exemple fait exploser la télémédecine (par exemple avec les téléconsultations et le télésuivi infirmier), a parfois changé et devrait encore modifier le comportement des Français en matière de santé (61% d'entre eux le disent et 63% des patients). Sur ce point, les IDE (17%) mais surtout les médecins (40%) en sont bien moins persuadés… Quoi qu'il en soit, tous ceux qui croient à ce changement de comportement des patients pensent que celui-ci passera par une généralisation du lavage des mains et un meilleur respect des gestes barrières, puis secondairement par une meilleure hygiène globale, voire en modifiant leur regard vis-à-vis du médicament et de la vaccination. Français et professionnels de santé s'accordent aussi sur ce qu'il faudrait faire mieux ou différemment en cas de nouvelle vague épidémique, à savoir la généralisation des tests à grande échelle.
On retiendra que si les IDE notamment en doutent peut-être, cette crise sanitaire, selon Gaël Sliman, président d'Odoxa, va bien changer profondément notre rapport à la santé, les comportements quotidiens des patients et la façon dont notre système de santé s’organise
. Un avis également partagé par Gérard Vuidepot, le président de la MNH et de NEHS : Les changements interviendront aussi bien dans les façons de travailler que dans les rapports entretenus entre soignants. La souplesse et la délégation sont en marche, même si les infirmiers/ières – qui sont en demande – semblent moins croire pour le moment que les médecins dans la pérennité de ces changements
. Et Gaël Sliman de conclure : Ce n’est pas un bouleversement fondamental, mais une réelle évolution
.
Cette terrible "expérience-Covid" a aussi fait évoluer, de fait, le système de santé qui a dû s'adapter à la situation de crise. Les résultats en témoignent, ces évolutions nécessaires ont eu la vertu de permettre nombre d’avancées sur le mode de fonctionnement des métiers de la santé.
- Ministère de la Santé, Direction générale de la santé – DGS, observatoires régionaux de santé – ORS…
*Sondage réalisé par internet du 24 juin au 3 juillet auprès d'un échantillon représentatif de 2 000 Français, dont 1 600 patients et plus de 500 soignants, dont 248 infirmiers pour nehs, SciencesPo chaire Santé, Le Figaro Santé, France info.
Valérie Hedefvalerie.hedef @orange.fr
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