La nouvelle organisation des soins en cancérologie, dans un contexte de système de soins en permanente évolution et en crise, bouleverse les cultures de soins et fait naître de nouvelles pratiques parfois difficiles à appliquer, ont estimé des spécialistes lors du congrès annuel de la Société française de psycho-oncologie (SFPO), vendredi à Paris.
La société savante a retenu pour son 25ème congrès, organisé jeudi et vendredi à Paris, le thème "cancers, cultures et pratiques de soins", avec parmi les nombreux sujets traités, la nouvelle organisation des soins en cancérologie.
Pour la psychologue Françoise Ellien, directrice du réseau de santé ville-hôpital SPES (Champceuil, Essonne), les réformes, lois, circulaires se succèdent à un rythme très rapide alors qu'une culture qui s'élabore collectivement demande du temps.
"L'obligation faite aux établissements de soins de penser autrement les soins, l'organisation du parcours de soins, nous a au moins fait nous rencontrer, mais nous manquons de temps", a-t-elle estimé.
Le Pr François Goldwasser, chef de l'unité d'oncologie médicale à l'hôpital Cochin (Paris, AP-HP), a expliqué comment la cancérologie clinique se retrouve prise entre exigence d'efficience et devoir d'humanisme.
"La médecine est en crise et vu du médecin, il y a collision entre son employeur, l'établissement de soins, pris dans un puissant mouvement de deshumanisation, et les personnes au service desquelles il est, c'est-à-dire les patients", a-t-il décrit.
Le premier raisonne par rapport à des activités définies par des successions d'actes. "C'est sur un volume d'actes et de dépenses que nous sommes annuellement jugés. C'est l'efficience organisationnelle", a-t-il estimé.
Le deuxième a beaucoup changé dans ses attentes. La relation médecin-patient a évolué, sortant du paternalisme médical, par le souhait des patients eux-mêmes avec l'accès au dossier médical, internet, et la loi Leonetti qui a introduit la primauté de l'autonomie puisqu'elle autorise le patient à refuser un soin vital.
LA DELEGATION DE TACHES VERS DES INFIRMIERES
Dressant des perspectives, le Pr Goldwasser a proposé de tester des dispositifs expérimentaux face à ces situations difficiles, comme la délégation de tâches "afin de réinjecter de la lenteur, avec un temps moins cher pour concilier logique économique et humanisation du soin".
Il a suggéré de développer des postes d'infirmières spécialisées en cancérologie, mieux payées que des polyvalentes, qui pourraient assumer des consultations de trois quarts d'heure-une heure permettant de voir si le patient a compris les enjeux et s'il accepte le projet médical, "s'il fait sens pour lui".
"Cette étape manque aujourd'hui. On explique au patient le parcours de soins mais on ne lui permet pas d'exercer son pouvoir d'autonomie en le laissant dire s'il est d'accord", a-t-il poursuivi parlant de "consultation Leonetti".
"La pratique de la cancérologie a été transformée par les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), mais on s'arrête au milieu du gué. Il manque comment intégrer le point de vue du malade. On a élevé la qualité en raisonnant à plusieurs plutôt que seul, mais on raisonne sans le patient. Après la restitution au patient [de la RCP">, il n'y a pas de remise en question; c'est un temps manquant", a-t-il estimé.
Alors que le président de la République, Nicolas Sarkozy, a confié au Pr Jean-Louis Grünfeld la mission de préparer un Plan cancer 2, plusieurs personnes ont insisté sur la nécessité de prendre en compte la suite du dispositif d'annonce.
Pour Sophie Bentegeat de l'Institut national du cancer (Inca) qui modérait la séance, dans le nouveau plan, il faudra travailler beaucoup plus sur les deux derniers temps du dispositif d'annonce: l'accès aux soins de support -"qui est très déficitaire"- plus le soutien psychosocial et l'articulation avec l'ambulatoire, le domicile. Il faudra travailler sur la coordination transversale, a-t-elle souligné.
Des réactions énergiques de la salle ont fait ressortir des problèmes rencontrés sur le terrain.
Pour le Pr Jean-François Morère (hôpital Avicenne, Bobigny, AP-HP), président du comité d'organisation, "il peut y avoir un certain décalage à penser que le dispositif d'annonce est un problème réglé car on a réglementé quelque chose sur le papier, mais c'est virtuel".
"La préoccupation aujourd'hui, c'est qu'il faut qu'il y ait des soignants, des infirmières. Le temps soignant [du dispositif d'annonce"> est possible si les infirmières ne sont pas enlevées pour être envoyées au lit du malade", a-t-il souligné.
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