Combien de professionnels de santé ont été contaminés par le nouveau coronavirus ? Pour l’instant c’est impossible de le savoir, peu de données ont été rendues publique sur ce sujet. Un chiffre d’autant plus compliqué à obtenir que les soignants ne sont pas systématiquement testés, mais seulement en cas de symptômes évocateurs. C’est d’ailleurs pourquoi l’Académie de médecine demande de remédier à cette situation.
Les établissements de santé signalent de plus en plus des cas de contaminations chez les professionnels de santé. Non seulement cela arrive dans les services spécialisés pour les patients touchés par le Covid-19, mais des foyers de transmission dans les services hospitaliers ne recevant en principe pas de patients infectés ont également été rapportés. La transmission nosocomiale n’épargnerait pas plus les soignants que les patients. Et pour cause, sans le matériel adéquat, il est difficile de se protéger correctement.
On parle de nous comme des héros, mais on n’a pas de matériels dans les EHPAD... Me voilà donc positive à ce fichu virus, car on manque de protections, même avec toutes les mesures barrière et la meilleure volonté du monde de faire attention. Malheureusement, je suis étudiante en soins infirmiers mais surtout aide-soignante, il m'a suffi d'un week-end en remplacement pour voir encore plus la misère dans ces lieux de vie. Je fais un des métiers applaudi le soir à 20h, mais où personne ne voit la réalité des choses
, s’agace Elise sur notre page Facebook.
Il est vrai que le sujet des personnels de soin contaminés est rarement abordé de manière générale tout comme celui de ceux qui sont malheureusement décédés après avoir contracté le coronavirus comme le relève Sergent poivre et sel sur notre forum : une journaliste a osé demander combien il y avait de morts à déplorer parmi le personnel à Mulhouse. On lui a répondu qu’on ne faisait pas de distinction entre les personnes décédées. Quelle considération !
L’Académie de médecine milite pour un dépistage complet pour l’ensemble des professionnels
L’Académie de médecine a donc décidé, via un communiqué de mettre les point sur les "i" sur cette situation. La diffusion du Sars-CoV-2 dans les services hospitaliers est un des points aveugles de cette épidémie en l’absence d’enquête de dépistage systématique parmi les professionnels de santé dans les zones les plus affectées,
détaille-t-elle. Effectivement, pour le moment, seuls les personnels présentant des symptômes sont testés. Ainsi, les formes asymptomatiques ou pré-symptomatiques échappent à tout contrôle. Or, différentes études internationales révèlent que ces formes inapparentes sont majoritaires
, souligne l’Académie.
En outre, des campagnes de dépistage sont nécessaires et urgentes, toujours d’après le communiqué. En premier lieu, elles permettront de réduire la propagation du virus. Le professionnel n’étant pas confiné, il a de nombreux contacts sur ses lieux de travail et à domicile. Puisqu’il ignore sa contagiosité, il peut représenter une source de contamination importante pour ses collègues, comme pour ses proches. La consigne du port de masque chirurgical ne s’appliquant que sur le lieu de travail, l’expérience montre que des personnes non averties de leur infection ont du mal à la respecter toute la journée, notamment lors des pauses
, précise le texte. Pire, il est important d’isoler ces personnels car ils peuvent, dans le cadre de leur exercice, transmettre sans le vouloir le Sars-Cov-2 à des personnes fragiles ou du moins à risque. Et cela les professionnels en ont bien conscience comme le montre le témoignage de Marie06 : chez nous, plusieurs membres de l’équipe soignante se sont fait tester. La cadre a redemandé que dans le doute nous nous fassions dépister. Sinon en ne testant pas les soignants le virus se propagera plus vite
.
C’est pourquoi l’Académie revendique instamment des enquêtes de dépistage systématique auprès des personnels soignants dans tous les établissements prenant en charge des patients atteints. Elle préconise aussi que les individus porteurs soient par la suite isolés pendant une période identique, qu’ils soient symptomatiques ou non. Ils pourront l’être à domicile ou dans des hôtels alloués à cet effet pour protéger leurs proches. D’ailleurs, en ce qui concerne la famille, l’Académie demande également à ce que les personnes en contact avec le soignant infecté soient testées même si elles ne présentent aucun signe de maladie. Le dépistage doit bien entendu être renouvelé si le professionnel a été exposé au virus. Enfin, les données recueillis à la suite de ces enquêtes permettront de d’actualiser les procédures de protection et de les ajuster en fonction de l’évolution des connaissances.
La consigne du port de masque chirurgical ne s’appliquant que sur le lieu de travail, l’expérience montre que des personnes non averties de leur infection ont du mal à la respecter toute la journée, notamment lors des pauses...
Et le secteur de ville ?
Etrangement, ce communiqué de presse met surtout l’accent sur le personnel hospitalier mais les professionnels du secteur de ville ne sont pas non plus sans risque d’être contaminé et la situation n’est pas moins floue. Cosmos, par exemple, parle d’une collègue malade et non testée,
toujours sur notre forum. Lenalan IDEL évoque également une collègue en arrêt car fortement suspectée d'avoir "un gros rhume" bien qu’elle n’est pas été testée
. D’ailleurs, elle-même ne s’est pas toujours sentie très en forme : J'ai quelques symptômes depuis 10 jours (surtout au niveau respiratoire et digestif, mais pas de fièvre. J'ai essayé de me faire tester, le médecin n'a pas voulu me faire d'ordonnance (absence de fièvre : j'ai un rhume un peu bizarre et qui dure, sans doute une somatisation.... LOL. En parallèle, j'ai été chez des patients qui l'ont certainement, avec un masque FFP1. C’est compliqué de se faire dépister, le médecin que j'ai eu m'a dit : vous continuez à travailler avec un masque tant que ça va
. Deux témoignages qui suggèrent qu’en ville aussi beaucoup de soignants ne sont pas systématiquement soumis au dépistage pourtant ils ont autant de personnes vulnérables parmi leurs patientèles.
Où sont les chiffres ?
De manière générale, peu d’informations circulent sur les professionnels de santé porteurs du virus. En fait, on ignore simplement combien d’entre eux ont été atteints par le Sars-Cov-2 depuis le début de l’épidémie. Aucune donnée d’ensemble n’a filtré sur le sujet. En effet, si certains établissements comme l’AP-HP font un bilan relativement régulièrement du nombre de ses personnels touchés par le virus, aucune estimation au niveau national à ce jour n’a été publiée. Nous n’avons pas de chiffre, et la DGS refuse de nous donner la liste des soignants contaminés
, s’énerve Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins.
De son côté, l’Ordre national des infirmiers (ONI) fait un autre calcul : on compte quelque 700 000 infirmiers, environ 80 % dans les hôpitaux, d’autres à domicile, dans le public et le privé, et il est difficile de collecter ces données. Mais selon certains chiffres parus aux Etats-Unis, on peut estimer à 20 % la population des infirmiers contaminée. Il est vraisemblable que ce soit la profession la plus touchée
. Si on se fie à ce pourcentage, on compterait donc près de 150 000 infirmiers atteints par le Covid-19.
Cependant, l’OMS, quant à elle, présume qu’une personne infectée sur 13 est un soignant. Cela laisse songeur… Quoi qu’il en soit, face aux diverses demandes, la Direction Générale de la Santé a promis d’établir une estimation et de la rendre publique dans plusieurs semaines…
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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