Les ministres de la Santé se succèdent... et ne restent pas. Aurélien Rousseau, en désaccord avec le gouvernement sur la loi immigration, a démissionné, mercredi 20 novembre, remplacé "en intérim" par l'actuelle ministre déléguée chargée des professions de santé Agnès Firmin Le Bodo. Le désormais ex-ministre de la santé âgé de 47 ans, nommé à ce poste il y a tout juste cinq mois, a choisi de partir en raison de la droitisation du projet de loi immigration.
Dans les rangs des soignants, on regrette déjà un homme de convictions. «On perd quelqu'un d'une immense valeur et qui me redonnait espoir dans le renouveau humaniste du système de santé», s'est ainsi désolé le médiatique Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins des urgentistes. «Un homme qui met les valeurs de la République et l’honneur au-dessus de son parcours personnel ne peut qu'avoir notre admiration», a réagi de son côté le syndicat de médecins UFML. «Nous étions en adéquation avec Aurélien Rousseau» sur deux «positions majeures»: le maintien de l'aide médicale d'Etat (AME) destinée aux sans-papiers, et ses «priorités» pour la médecine libérale, identifiées dans le cadre de la reprise des négociations conventionnelles, a indiqué à son tour Agnès Gianotti, présidente de MG France, le principal syndicat de médecins généralistes.
En poste, Aurélien Rousseau s'était opposé très rapidement à la suppression de l'AME voulue par le Sénat, dans les débats sur ce projet de loi immigration, qui a finalement provoqué son départ. Un refus conforme à ses convictions et à celles des soignants, défenseurs de l'AME et qui redoutaient les conséquences d'une suppression en termes de santé publique -l'AME a finalement été maintenue, moyennant une réforme du dispositif en 2024.
Des changements qui entravent la continuité des politiques mises en œuvre
Pour autant les soignants se montrent inquiets face à l'ampleur de la tâche qui attend le futur ministre de la santé.
«On aimerait bien une relation durable avec un ministre qui ait le temps de mettre en place toutes les mesures programmées», lâche Agnès Ricard-Hibon, porte-parole de la Société française de médecine d'urgence (SFMU), s'inquiétant que ces changements fréquents de ministres «entravent la continuité des politiques mises en œuvre» et alors que les mesures attendues pour désengorger les urgences se font encore attendre.
On a besoin de stabilité, on est à un moment de notre histoire où le système de santé souffre plus que jamais avec des soignants qui s'épuisent, et des patients qui rencontrent des difficultés d'accès aux soins.
«On change de ministre tous les quatre matins», regrette aussi Patrick Gasser, président du premier syndicat de médecins spécialistes Avenir Spé. Sous la présidence d'Emmanuel Macron depuis 2017, cinq ministres se sont déjà succédé à la tête du ministère la Santé -parfois très brièvement. Agnès Firmin Le Bodo sera la sixième. Après Agnès Buzyn, partie mener campagne en 2020 pour les municipales à Paris, Olivier Véran a affronté l'épidémie de Covid-19. L'éphémère ministre Brigitte Bourguignon, battue par le RN aux législatives, est restée moins d'un mois en poste, suivie par l'urgentiste François Braun, qui a passé un an aux manettes, avant d'être remplacé par Aurélien Rousseau.
«Son départ est très emmerdant», confie Jérôme Marty, de l'UFML. «On a besoin de stabilité, on est à un moment de notre histoire où le système de santé souffre plus que jamais avec des soignants qui s'épuisent, et des patients qui rencontrent des difficultés d'accès aux soins». Se pose déjà âprement la question de sa succession. Qui pour le remplacer ? «Le système de santé est en crise profonde, c'est donc très important qu'on ait un interlocuteur réellement préoccupé par le sujet, qui ne fasse pas du saupoudrage ou de l'affichage. Parce que sinon, ça ne tiendra pas», prévient Agnès Gianotti.
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