C’est à la demande du Comité économique des produits de santé (CEPS) que la Fédération des Psad (Fedepsad) a cherché à démontrer la pertinence, à la fois économique et en termes de sécurité et de qualité des soins, d’une prise en charge à domicile de patients perfusés. Deux études médico-économiques, une centrée sur l’antibiothérapie, la seconde sur l’immunothérapie (voir encadré), évaluent ainsi l’intérêt du couple infirmier de PSAD/infirmier libéral (IDEL) dans le cadre d’un parcours en ville, comparé à un dispositif en hospitalisation à domicile (HAD).
Un enjeu économique
Il faut dire que le contexte s’y prête. Outre la volonté du gouvernement d’accélérer le virage ambulatoire, les PSAD observent depuis la fin de la période Covid-19 une augmentation régulière du nombre de leurs patients : 12% par an pour les patients perfusés (soit entre 500 000 et 520 000 personnes), indique Louis Champion, président de la Fedepsad. « Lors de la période Covid, les hôpitaux ont été contraints de faire sortir leurs patients, ce qui a entraîné une poussée vers les PSAD », explique-t-il. L’autre élément qui entre en compte dans la tenue de ces études, c’est bien sûr « la recherche d’économies permanentes sur l’ensemble du système de santé » qui pèse désormais sur l’élaboration des politiques de santé, complète Alexandra Duvauchelle, la déléguée générale de la Fédération.
Le principe de ces deux études consistait donc à épouser le point de vue du payeur – l’Assurance maladie – afin de déterminer si une prise en charge IDEL/infirmier coordonnateur (IDEC) de PSAD de patients perfusés, dans le respect des exigences de qualité et de sécurité des soins, était économiquement pertinente. Et que ce soit pour l’antibiothérapie ou pour l’immunothérapie, les parcours de ville apparaissent moins coûteux que ceux en HAD, quelle que soit la nature des « cas patients ».
Les deux études sont des modélisations et n’ont donc pas été réalisées en situation réelle. La démarche a été confiée à deux cabinets d’expertise et de conseil, Proxicare et Vyoo Agency, les méthodes et hypothèses ayant été, elles, validées par un comité scientifique et un groupe d’experts afin de s’assurer que les parcours modélisés répondent bien aux recommandations de bonnes pratiques garantissant qualité et sécurité des soins. 7 cas patients ont ainsi été retenus : 5 dans le cadre de l’antibiothérapie (endocardite infectieuse, traitée soit par amoxicilline, soit par daptomycine, infection sur prothèse traitée par daptomycine, infection urinaire traitée par temocilline, et pied diabétique traité par ertapénem) selon trois modes de prises en charge (hôpital de jour, HAD, et ville par un binôme infirmier coordonnateur/infirmier libéral), et 2 dans le cadre de l’immunothérapie (mélanome cutané et cancer bronchique non à petites cellules traités par Pembrolizumab). Pour chaque cas patient, les parcours sont mixtes, avec une part obligatoire d’hospitalisation.
Sur certaines prises en charge d'antibiothérapie, l’Assurance maladie pourrait économiser entre 44,7 et 106,7 millions d’euros sur 5 ans.
Des parcours en ville systématiquement moins onéreux
Ainsi, dans le cas d’un traitement d’une endocardite infectieuse par amoxicilline le parcours en ville IDEL/IDEC s’avère moins onéreux de 13% par rapport à un parcours en HAD, pour six semaines de traitement dont les deux premières à l’hôpital. À elles seules, ces deux semaines d’hospitalisation représentent « 61,5% des coûts du parcours de ville », est-il précisé dans les résultats. Le constat est identique pour la prise en charge du pied diabétique, traitée par ertapénem : le parcours de ville coûte 8% moins cher à l’Assurance maladie pour les pansements simples, un pourcentage qui passe à -19% pour les pansements complexes. En cause, la tarification pratiquée en HAD, qui fonctionne par forfait, avec un effet multiplicateur qui n’existe pas en ville, explique Bertrand Tehlard, directeur de Health Economics and Outcomes Research (HEOR), chez Vyoo. Et si l’on prend l’infection urinaire traitée par témocilline, ce sont 26% d’économies qui peuvent être réalisées grâce à un parcours en ville plutôt qu’en HAD, avec un poids du coût d’administration des soins en ville représentant 43,9% du coût total (supporté à 25,5% par les PSAD et à 18,3% par les IDEL). Le parcours modélisé à l’hôpital demeure cependant théorique. « La durée de prise en charge à l’hôpital, telle qu’elle est définie par les experts » en fonction des pathologies ciblées « ne correspond pas au financement de l’Assurance maladie, généralement bien inférieur » , souligne-t-il.
En tout, avec une hypothèse de bascule de 11 240 patients de la HAD vers un parcours de ville, l’Assurance maladie pourrait économiser entre 44,7 et 106,7 millions d’euros sur 5 ans, rien que sur ces cinq prises en charge en antibiothérapie.
Si la moitié de l’activité de l’hôpital était basculée à domicile, plus de 38 millions d’euros d’économie cumulées pourraient être générées sur 5 ans
Quid de l'immunothérapie ?
Les PSAD réfléchissent également à se positionner sur l’immunothérapie. Peu répandue, une telle prise en charge à domicile est toutefois possible, comme l’a démontré l’exemple du centre de lutte contre le cancer Léon Bérard (Lyon). L’étude simule ainsi deux cas patients : celui d’un mélanome et celui du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), les deux étant traités par Pembrolizumab. Là encore, les parcours en ville sont significativement moins onéreux que ceux à l’hôpital ou en HAD, de l’ordre de -39% et -12% respectivement pour le mélanome cutané, et de -26% et -9% pour le CBNPC.
Si la moitié de l’activité de l’hôpital était basculée vers le domicile, « plus de 38 millions d’euros d’économie cumulées pourraient potentiellement être générées sur 5 ans », estime la Fédération. Elle envisage, comme l’a fait le centre Léon Bérard, de mobiliser l’Article 51 pour expérimenter une telle prise en charge. « L’immunothérapie représente une évolution majeure en oncologie, qui interroge sur le maintien à domicile », avance Louis Champion. « Il n’est pas bon de ne fonctionner que sur un seul réseau pour des raisons de corporatisme. »
Dans 4 cas patients sous antibiothérapie, la prise en charge par les IDEL et PSAD n'est pas possible aujourd'hui car les médicaments sont sous réserve hospitalière.
Des obstacles réglementaires et juridiques à lever
Car pour l’instant, que ce soit sur l’antibiothérapie ou l’immunothérapie, les PSAD se heurtent à un certain nombre d’obstacles qui les empêchent de déployer ces types de prises en charge. Ceux-ci sont essentiellement « réglementaires », réagit Louis Champion, et pourraient être levés avec « des optimisations simples ». L’impossibilité d’accéder à certains médicaments, notamment, constitue un frein majeur. « Dans 4 cas patients sous antibiothérapie, la prise en charge par les IDEL et PSAD n'est pas possible aujourd'hui car les médicaments sont sous réserve hospitalière » et donc uniquement prescrits dans le cadre d’une hospitalisation, explique Émilie Delpit, associée chez Proxicare. L’une des solutions consisterait à les faire passer en rétrocession, qui permettrait au moins de les rendre accessibles aux malades non hospitalisés.
Les PSAD et les IDEL couvrent tout le territoire, sans déserts médicaux, ce qui n’est pas toujours le cas de l’HAD
Les infirmiers qui exercent en PSAD sont, eux, souvent spécialisés et donc à même d’administrer les traitements et d’en assurer la surveillance, en collaboration avec les IDEL. « Ils bénéficient de formations complémentaires pour prendre en charge des pathologies spécifiques », respectant ainsi la qualité et la sécurité des soins, défend Alexandra Duvauchelle. « Il faut accorder de la confiance aux PSAD », insiste Louis Champion, qui imagine un système où HAD et parcours de ville coexisteraient et seraient l’une ou l’autre mobilisés en fonction des besoins. Car, rappelle-t-il, « les PSAD et les IDEL couvrent tout le territoire, sans déserts médicaux, ce qui n’est pas toujours le cas de l’HAD. »
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