Jeudi 18 juillet au soir, un homme attaque un policier au couteau à Paris, avant d'être tué par balle. Le mis en cause, également soupçonné du meurtre d'un adolescent, présentait selon sa famille des troubles psychiques et avait déjà fugué d'un hôpital psychiatrique, ont rapporté des sources policières. La veille, un autre homme fonçait en voiture sur la terrasse d'un bar parisien, faisant un mort et six blessés, avant d'être interpellé et conduit en psychiatrie. Deux jours auparavant, un homme agressait un militaire de l'opération Sentinelle à l'arme blanche. Déjà connu pour un meurtre, en 2018, il avait alors été déclaré irresponsable pénalement, atteint selon les experts d'une «probable maladie schizophrénique évolutive». Il avait été hospitalisé sous contrainte, puis en ambulatoire.
3 cas sur 2,4 millions de patients en psychiatrie
Pour ceux qui auraient le sentiment d'une série, Michel Triantafyllou, président du syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP), incite à «relativiser». «Sur l'ensemble des homicides et tentatives d'homicides, ceux imputables à des personnes souffrant de troubles psychiques représentent un faible pourcentage», affirme-t-il.
«Trois cas, alors qu'on suit 2,4 millions de patients en psychiatrie (publique), ça ne fait pas une règle», renchérit Jean-Pierre Salvarelli, vice-président du syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), y voyant plutôt un «hasard». Déplorant une «stigmatisation» des malades, ce dernier observe que «les patients étiquetés 'psychiatriques' sont statistiquement moins violents que la population dite 'normale' (et sont) plus souvent victimes d’agressions». Par ailleurs, «quelqu'un avec des antécédents psychiatriques ne sera pas déterminé par cela» toute sa vie, assure-t-il. Présidente du même syndicat, Marie-José Cortès refuse aussi de «lier des faits» distincts, alors qu'«on ne sait rien de leur situation clinique» et que le lien entre maladie et passage à l'acte n'est «pas prouvé», au risque d'«une vision totalement distordue».
La rupture des soins augmente les risques d'une décompensation
Interrogés sur une possible hausse des troubles psychiatriques en période estivale, les médecins sont dubitatifs. «La chaleur, avec la privation de sommeil liée, est un facteur prédisposant» à une aggravation de troubles mais «des évènements ponctuels de décompensation peuvent survenir en tout temps», explique Guillaume Fond, psychiatre hospitalier à Marseille. Le passage à l'acte s'explique toujours par une multitude de facteurs, réagit Rachel Bocher, praticienne hospitalière à Nantes et présidente du syndicat INPH. Ce que l'on sait, c'est que les risques «augmentent lorsqu'il y a rupture de la continuité des soins», faute notamment de personnel, selon elle.
Crise persistante de la psychiatrie
La psychiatrie subit une crise grave et persistante en France : un tiers des postes de praticiens hospitaliers sont vacants et le volume de lits diminue, alors que le nombre de patients a été multiplié par deux ces vingt dernières années. «Dans mon service, on a des malades qui viennent de 300-400 km, par manque de médecins. Parfois, on ne peut pas les recevoir», témoigne Rachel Bocher. Les structures de ville, comme les centres médico-psychologiques (CMP), peinent aussi face aux besoins croissants. D'autres praticiens racontent que, dans certains départements, faute de psychiatres, les patients peuvent parfois être «reçus par des infirmiers» ou «des médecins non qualifiés». Par ailleurs, «le manque de moyens s'accentue pendant l'été : les tours de garde sont difficiles à combler, les CMP sont en mode dégradé, etc.», pointe Alain Mercuel, coordinateur des "équipes mobiles psychiatrie et précarité" en Ile-de-France.
Mais, côté malades, «une rechute n'apparaît en moyenne qu'après plusieurs trimestres sans traitement», tempère-t-il, soulignant que «le manque de soins n'est pas aigu mais chronique». Depuis l'arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, «on n'a eu aucune politique publique de la psychiatrie» et «chaque fois qu’on commence quelque chose, on change de ministre» de la Santé, accuse Rachel Bocher. Un Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la santé mentale, très attendu, était programmé en juillet, mais a été annulé après la dissolution de l'Assemblée nationale, décidée par Emmanuel Macron.
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