L’infirmier de sapeurs-pompiers intervient dans l’activité opérationnelle des sapeurs-pompiers et participe aux missions pour le maintien de la santé du service. Ce poste créé il y a un peu plus de vingt ans compte aujourd’hui en France 250 infirmiers de sapeurs-pompiers professionnels et cadres de santé et 7 000 volontaires. Katia Hamon et Cyril Bernard, infirmiers de métier et intégrés au corps des sapeurs-pompiers nous parlent de cette profession à double engagement.
Créé en 1999, le métier d’infirmier de sapeurs-pompiers
(ISP) est notamment né du besoin d’avoir un intermédiaire paramédical entre les sapeurs-pompiers et l’équipe médicale du SAMU. Franck Filorget, administrateur de l’Association Nationale des Infirmiers de Sapeurs-Pompiers (ANISP) raconte la genèse de ce poste : Géographiquement, les SMUR sont basés dans les hôpitaux et les hôpitaux ne sont pas présents dans toutes les communes, tandis que les pompiers sont quasiment omniprésents sur le territoire. Grâce à la création du poste d’infirmier de sapeurs-pompiers, nous avons un intervenant qui peut apporter les premiers soins ou des soins suffisants lors de la prise en charge de la douleur ou d’une hypoglycémie par exemple, sans avoir recours à un médecin.
Lorsque cette nouvelle forme d’exercice du métier d’infirmier apparaît, il est aussi question de veiller à la sécurité des pompiers. En 2002, deux graves accidents provoquent dix décès chez les sapeurs-pompiers : cinq à la Brigade de Paris suite à un embrasement généralisé éclair (EGE, ou flashover en Anglais) et cinq autres sont fauchés par une voiture à Loriol dans la Drôme. À la suite de ces accidents, le gouvernement lance un audit sur la sécurité des sapeurs-pompiers. De cet audit naît le rapport Pourny (1) (200 recommandations portant sur les structures, les procédures et l’équipement). Notre rôle régalien, c’est de surveiller les pompiers. Ce sont nos premiers intervenants, ils prennent énormément de risques et peuvent se blesser. Il faut aussi qu’ils soient en pleine capacité de leur aptitude physique et psychologique, d’où la nécessité du service de santé au sein des sapeurs-pompiers
, raconte Cyril Bernard, infirmier de sapeurs-pompiers volontaire (ISPV) en Seine-et-Marne. Petit à petit, il y a eu besoin d’infirmiers pour réaliser des examens de biométrie, il y a eu besoin d’infirmiers dans des véhicules pour répondre à une problématique de terrain, particulièrement dans les secteurs où il n’y avait pas de SMUR
, complète la Capitaine Katia Hamon, infirmière de sapeurs-pompiers professionnelle (ISPP) à Saint-Germain-en-Laye. Les infirmiers de sapeurs-pompiers ont donc un double engagement : combler un vide opérationnel et surveiller l’état de santé des sapeurs-pompiers.
La capitaine Katia Hamon, 43 ans détaille son rôle opérationnel : Nous sommes un vecteur de liaison entre les premiers secours qui sont les ambulances et une équipe médicale qui va arriver dans un délai un peu plus long puisque l’équipe vient de plus loin. Quand les pompiers arrivent sur une intervention et que le véhicule SMUR vient de loin (plus de 10 min de délai), on intervient.
Une fois les victimes prises en charge, l’ISP peut être amené à veiller sur les sapeurs-pompiers comme l’explique l’ISPV Cyril Bernard : On reste sur place dans un rôle de prévention pour gérer les pompiers en cas de fatigue, surveiller à ce qu’ils portent correctement leur équipement de protection, qu’ils soient bien casqués, qu’ils aient leur tenue de feu, qu’ils se nourrissent, qu’ils s’hydratent. Tout ça, c’est le rôle de l’infirmier en opération.
Formé à l’attaque du feu, à sa progression et à ses dangers pour le sapeur-pompier, l’ISP intervient dans le cadre d’intoxications aux fumées d’incendie ou de secours d’urgence à la personne mais la majeure partie de ses interventions sont liées à l’hypoglycémie et à l’analgésie. En opération, les ISP agissent sous neuf protocoles infirmiers au minimum, à la charge ensuite aux départements d’ajouter des protocoles
, précise Franck Filorget, administrateur de l’ANISP.
"Merci, heureusement que vous étiez là."
La liberté d’organisation et de réflexion tout en étant cadré par des protocoles, c’est ce qui a motivé Cyril Bernard à rejoindre les sapeurs-pompiers en tant qu’infirmier volontaire : J’exerce aussi en réanimation depuis 21 ans. Dès qu’on perçoit une détresse à l’hôpital, le médecin est dans les environs tandis qu’en pré-hospitalier, chez les sapeurs-pompiers, quand le bip sonne, nous partons très vite en opération. Une fois sur place, nous pouvons mettre en place des thérapeutiques médicamenteuses ou faire des actes de soins. C’est valorisant et nous sentons aussi une reconnaissance de la part de la population. Cela fait plaisir d’entendre : "Merci, heureusement que vous étiez là".
À la caserne, l’ISP effectue des visites médicales d’aptitude (VMA) dans une unité de soins appelée groupement de santé. Il participe au contrôle et à la gestion des matériels, à l’hygiène, la sécurité et à la prévention et santé au travail. L’ISP ne cesse d’apprendre, la formation est constante, comme l’explique la Capitaine Katia Hamon : Chez nous, la formation c’est très présent et prenant. C’est aussi ce qui incite les infirmiers à nous rejoindre en qualité de volontaire. Tous les ans, nous avons une remise à niveau. Nous devons repasser un examen pour garder notre aptitude opérationnelle et suivre des formations sur les bonnes pratiques, le déroulement des visites médicales car les examens évoluent.
La formation, c’est aussi ce qui a motivé Cyril Bernard, volontaire, à rejoindre les rangs des sapeurs-pompiers en 2017 : C’est un enrichissement constant qui me permet de me replonger dans les livres, de me remettre en question dans la prise en charge d’une victime. J’ai développé une autre vision du patient. En pré-hospitalier, on observe les pupilles, la couleur de la peau, les signes neurologiques, les stigmates faciaux tandis qu’à l’hôpital, nos patients sont très monitorés. En pré-hospitalier, c’est brut. Il faut rapidement analyser ce qu’il ne va pas. Cette prise en charge est possible grâce à nos multiples formations.
Rigueur et promptitude
Infirmière depuis presque vingt ans, la Capitaine Katia Hamon a attrapé le syndrome sapeurs-pompiers
comme elle l’appelle lors de ces stages : À l’issue de ma formation, j’ai fait un stage en SMUR qui m’a donné le goût de l’urgence. J’ai collaboré avec des sapeurs-pompiers. Pendant ce temps, la profession d’infirmier de sapeurs-pompiers grandissait. On n’arrive pas par hasard chez les sapeurs-pompiers. Il y a une rigueur, une discipline, une structure à caractère paramilitaire et c’est l’attrait pour cette spécificité qui nous donne l’envie d’apprendre.
Si l’on n’arrive pas par hasard chez les sapeurs-pompiers, on peut y arriver à travers le bouche-à-oreille, vecteur important dans le recrutement des volontaires comme Cyril Bernard, qui énumère les qualités nécessaires pour être ISP : Du calme, de la sagesse, de la réflexion, faire preuve d’aplomb, de promptitude, être observateur et à l’écoute de l’entourage.
Des qualités corroborées par la Capitaine Katia Hamon. Il est nécessaire d’avoir une grande qualité de collaboration. Il faut savoir communiquer avec des équipes du SMUR, des hospitaliers, des élus et il faut faire preuve d’humilité. Ce n’est pas parce qu’on a un girofard et un camion rouge qu’on est des supers héros. Je n’aime pas quand les gens disent que nous sommes des héros. On n’est pas des héros. On a juste à répondre à des personnes et à des besoins spécifiques à un moment donné
, estime-t-elle. Une bonne condition physique est aussi requise chez les infirmiers de sapeurs-pompiers. La Capitaine Hamon fait plusieurs séances de sport par semaine sur son temps privé ou du tapis de course sur son lieu de travail pour mieux appréhender le bip : Il faut être prêt à monter cinq étages pour apporter les premiers secours à un enfant en urgence absolue.
Des missions qui sortent de l’ordinaire
Chez les infirmiers de sapeurs-pompiers rares sont les jours qui se suivent et se ressemblent. Collaborer avec l’ARS pour faire des tests PCR dans les EPHAD ou auprès des forces de la sécurité intérieure lors d’un cluster dans un commissariat, participer à la formation de chiens dans la détection du Covid-19 sont autant de missions auxquelles la Capitaine Katia Hamon a participé depuis le début de la crise sanitaire : Nous avons accès à des missions improbables. Je peux aussi être déclenchée à n’importe quel moment sur un sinistre d’ampleur internationale comme lors du passage de l’ouragan Irma. Je me suis retrouvée avec un sac d’infirmier à partir dans des cavités pour pouvoir rentrer dans des endroits et accéder à des victimes.
Dans sa carrière, la Capitaine Hamon a aussi été dépêchée dans le cadre d’attentats terroristes. Le dernier en date étant l’assassinat de Samuel Paty. Si une personne présente de manière fortuite est touchée par une balle perdue sur le lieu de l’attentat ou si un policier est blessé, c’est à nous d’intervenir en collaboration avec une équipe médicale
, précise-t-elle. Des interventions marquantes, le volontaire Cyril Bernard en a aussi connu. Le pré-hospitalier l’a mis face à la mort d’enfants : Je ne suis pas des plus à l’aise ni des mieux formés pour gérer la mort d’un enfant de cinq ans. C’est ce qui m’interpelle le plus dans une intervention
. Avec plus de trente années passées à l’hôpital, il a aussi découvert les joies du pré-hospitalier et confie ému : Faire un accouchement de bébé à domicile en 2021, c’est extraordinaire.
Note
Inès KheireddineJournaliste infirmiers.com ines.kheireddine@gpsante.fr
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