Une unité de soins palliatifs n’est pas vraiment un service comme les autres. Au CH d’Argenteuil, les soignants soulignent l’importance de l’écoute bienveillante dans l’intérêt des patients. Des bénévoles viennent notamment pour cela : combler la solitude et "apporter de l’oxygène". Un travail d’équipe indispensable pour un accompagnement optimal car dans fin de vie il y a toujours "vie".
Chaque cas est singulier et très complexe. Il n’y a pas de généralité, ici on fait du surmesure ensemble
, explique Anne de la Tour, Chef de service Soins Palliatifs et Douleurs Chroniques au CH d’Argenteuil. Une cohésion des professionnels qui permet d’accompagner au mieux les patients
. Dans cet établissement, l’équipe en question comprend 7 infirmiers, 5 aides-soignants, 10 ASH et aussi… 2 bénévoles. Si la plupart des personnels sont spécifiquement formés via un DU en soins palliatifs c’est le cas de 90% du personnel infirmier et un peu moins en ce qui concerne les AS
, renseigne Dominique Cers, cadre de santé de l’unité, c’est aussi le cas de ses non-soignants
qui, néanmoins, apportent leur pierre à l’édifice. Le but : accompagner les patients dans leurs derniers moments le mieux possible. Jamais je n’aurais pu diriger un service soins palliatifs sans bénévoles, cela aurait été contraire à mon éthique professionnelle. Ils sont indispensables. Actuellement, ils sont deux mais il en faudrait 10, 15…
, affirme Anne de la Tour.
Comment fonctionne une unité de soins palliatifs ?
Ce sont les autres services hospitaliers, voire le secteur de ville, qui font la demande pour le patient auprès de l’unité. Pour cela, ils remplissent des documents avec notamment l’identité et la pathologie de la personne concernée. « Il est également important de savoir si les traitements curatifs ont été arrêtés », informe Dominique Cers. On remplit une grille d’admission afin d’évaluer si le patient est éligible et on étudie la possibilité de sa venue en fonction de la charge de soin, de la compréhension du patient sur son devenir et de la famille
. Ensuite, à l’arrivée le protocole d’accueil est mis en place. Le patient et ses proches rencontrent les personnels du service : les médecins comme les infirmiers et les aides-soignants, mais aussi quelquefois la cadre
. Puis, un entretien a lieu entre les professionnels de santé et la famille pour savoir où ils en sont au niveau médical et pour qu’on leur explique le fonctionnement du service
.
C’est surtout en fin d’après-midi et début de soirée que les bénévoles sont indispensables, c’est un moment de la journée assez difficile pour les patients.
Une formation obligatoire et des temps de réflexion nécessaires
En effet, des bénévoles formés pour intervenir dans ces unités spécifiques viennent régulièrement voir les patients. Une formation qui dure, en totalité, près d’un an car cela demande une prise de conscience. Tout commence par un entretien avec le coordinateur qui explique en quoi cela consiste. Vient ensuite une session de sensibilisation qui dure deux jours suivie d’un entretien avec un psychologue. Seulement après débute la formation initiale où l’on voit en détail comment participer à l’accompagnement, via notamment des jeux de rôles et au travers des questionnements de chacun. Après chaque étape, on laisse beaucoup de moments de réflexion où on en profite pour se documenter sur le sujet via des livres par exemple. Ces temps de pause sont longs et obligatoires car on ne veut pas que les personnes se précipitent. Devenir bénévole dans les services hospitaliers demande beaucoup d’énergie
, décrit Marie-Noëlle Cabaret, bénévole d'accompagnement et coordinatrice de l'Association Jalmalv dans le Val d’Oise.
Ces personnes permettent de lutter contre l’isolement des patients. C’est d’ailleurs en rendant visite à des proches malades que Marie-Noëlle a constaté la solitude dont pouvait souffrir les personnes en fin de vie
. Je me suis dit qu’une fois à la retraite je ferai quelque chose pour pallier cela. Un jour j’ai vu une annonce de l’association, il me fallait ce déclic
. Les bénévoles effectuent surtout un travail d’écoute active et bienveillante auprès des patients mais aussi auprès des familles. Ils effectuent plutôt un rôle de confident
, clarifie le Dr de la Tour. Mais il est important de garder la confidentialité lorsque le patient se livre et surtout ne pas intervenir. On doit être d’une neutralité à faire frémir un Suisse
, martèle Marie-Noëlle.
Bien sûr, là aussi le principe de garder une distance juste
s’impose et ce n’est pas forcément évident. On est formé, mais c’est la théorie. Après on agit avec son cœur, avec son âme et avec son cerveau
, précise la coordinatrice. Pour les aider dans cette tâche, les bénévoles, tout comme les soignants, ont des groupes de paroles une fois par mois. De même, ils ont accès à des formations continues en interne (2 à 3 par an), les sujets abordés étant choisis par les intéressés. Après il y a aussi celles proposées par l’association et d’autres qui sont disponibles dans les autres institutions
. En parallèle, chacun doit connaître ses propres limites. C’est pourquoi les bénévoles peuvent décider de ne pas aller dans les services où ils ne sont pas à l’aise. Il en est de même avec les patients. Je me souviens du cas d’une patiente qui tenait des propos racistes. La personne qui lui rendait visite a annoncé qu’elle n’était pas en capacité de continuer
, raconte Marie-Noëlle.
On fait de superbes rencontres mais ce qui me touche particulièrement ce sont les remerciements. Je me souviens d’une dame que j’avais vu pendant 7 mois, et qui malgré ses craintes, à la fin savait que son fils serait présent quand elle partirait. Quand je suis rentrée dans la chambre, elle s’est mise à pleurer et m’a dit : "j’avais peur de ne pas avoir le temps de vous dire merci".
Un travail de coordination
De manière générale, les bénévoles travaillent en parfaite osmose avec les soignants : ce sont notamment les personnels de santé qui leur indiquent à leur arrivée les personnes à aller voir. Ils communiquent ensuite via un carnet de liaison où ils précisent l’identité du patient qu’ils ont visité on note aussi un petit commentaire bref qui doit rester assez vague, mais il y a toujours cette cohésion avec les soignants
, affirme Marie-Noëlle. Un point de vue partagé par les professionnels de santé : Ils ont un rôle important car ils ont un regard différent de celui des familles ou des personnels, un comportement très neutre qui est complémentaire
, précise Dominique Cers. Ils ont une autre approche ce qui apporte de la fraîcheur, de l’oxygène au service. C’est bénéfique aussi pour les soignants
, rechérit Anne de la Tour.
Ils sont très appréciés par les professionnels et parfaitement intégrés à l’équipe. Le grand public se fait une mauvaise idée de ce qu’est une unité de soins palliatifs. Ils ont l’image d’un mouroir, mais ce n’est pas un service triste. On rit beaucoup aussi
. On a gardé une certaine franchise entre nous qui n’existe plus dans les autres services
, met en exergue la cadre de Santé. Peut-être parce que justement ces unités sont moins touchées par la problématique des sous-effectifs. On a la chance d’avoir du personnel en nombre suffisant, c’est-à-dire un binôme IDE/AS pour 5 patients. C’est relativement correct
, estime Dominique Cers. C’est d’ailleurs pour cela que cette cadre de santé, ancienne infirmière, a choisi les soins palliatifs : On a encore le temps. C’est vraiment du travail infirmier et l’on peut l’exercer sereinement. La fin de vie, c’est encore des instants de vie et c’est encore des projets possibles
. Marie-Noëlle Cabaret partage cette opinion : Il existe un déni de la mort prédominant dans notre société occidentale. La mort fait partie de la vie, il faut que l’on si prépare tous
.
Cela fait 30 ans que j’exerce et je ne suis pas blindée. On ne l’est jamais et heureusement.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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