Florence Nightingale, née le 12 mai 1820 à Florence, morte le 13 août 1910 à Londres, est une infirmière britannique, pionnière des soins infirmiers modernes et de l'utilisation des statistiques dans le domaine de la santé. Alex Attewell en dresse le portrait au travers de différents articles. Celui-ci est consacré à l'éducation des militaires.
Florence Nightingale usa de son influence pour demander que les soldats britanniques soient éduqués et les médecins militaires formés. En dépit des instructions très limitées qu’elle avait reçues avant de partir pour la Crimée, elle avait déploré au plus fort de la guerre le manque d’expérience pratique de nombreux jeunes chirurgiens et suggéré qu’on organise à leur intention, durant le conflit même, des cours de pathologie et d’autres matières connexes. En fait, un laboratoire de pathologie fonctionna brièvement à Scutari, sous son impulsion. L’enseignement médical pratique qu’elle appelait de ses vœux allait devenir l’un des quatre centres d’action de la Commission royale de la santé de l’armée britannique.
Florence Nightingale contribua à obtenir la création, en 1857, de la Commission royale, présidée par Sidney Herbert et composée en majorité de partisans de ses théories. Elle commença à rassembler des preuves de la mauvaise gestion des hôpitaux et à réunir des statistiques sur la mortalité (ce sont ces statistiques relatives à la campagne de Crimée qui lui valurent d’être la première femme élue membre de la Société royale de statistiques en 1860).
Florence Nightingale élabora des plans d’enseignement de la médecine militaire dans ses Notes on matters affecting the health, efficiency and hospital administration of the British army qui furent imprimées à titre privé, en 1858. La finalité de cette formation s’ancrait manifestement dans les enseignements du récent conflit : « ... quel que soit le volume des connaissances scientifiques que semble posséder l’étudiant lorsqu’il arrive à l’armée, elles ne sont guère révélatrices de ses compétences pratiques. Mais comme l’entrée dans l’armée lui donne immédiatement l’occasion d’appliquer son savoir et que des patients lui sont très vite confiés, il paraît nécessaire de prévoir une école où il puisse acquérir ces compétences entre le moment où il revêt l’uniforme et celui où il est incorporé dans un régiment (Nightingale, 1858, p. 43) ».
On peut juger de la force de ses propositions quand on sait qu’elles ont été appliquées par des médecins et des chirurgiens expérimentés, qui étaient des vétérans de la campagne de Crimée. La première école de médecine militaire du Royaume-Uni fut créée en 1860, à Fort Pitt (Chatham).
L’intérêt qu’elle portait à l’enseignement dans l’armée ne se limitait pas à la formation des médecins puisqu’elle réclamait aussi des moyens d’enseignement pour la troupe. Comme le montre un récent article (Calabria, 1994) sur cet aspect peu connu de son œuvre, elle était assez en avance sur son temps pour penser que le simple soldat n’était pas totalement inéducable. Comme beaucoup de ses contemporains, elle était consciente des effets débilitants qu’avaient sur l’armée la boisson et la prostitution, mais il était tout à fait exceptionnel de considérer que la condition du soldat n’était pas imputable à sa nature mais à l’environnement. Elle écrivait : « Je n’ai jamais été de ceux qui déplorent que le soldat soit insouciant, sensuel, désespérant. Au contraire, je dois dire... que je n’ai jamais rencontré des gens si réceptifs à l’enseignement et si pleins de bonne volonté que les militaires en général. Donnez-leur la possibilité d’envoyer promptement et en toute sécurité de l’argent à leur famille — et ils le feront. Donnez-leur une école et des cours — et ils y viendront. Donnez-leur un livre, un jeu et une lanterne magique et ils cesseront de boire (Goldie, 1987, p.21).
Le succès rencontré par la salle de lecture de Scutari encouragea Florence Nightingale à faire campagne pour que des salles semblables soient installées dans les plus grandes casernes après la guerre et elle parvint en partie à ses fins.
La guerre de Crimée lui fournit l’occasion de tester ses idées et elle se sentit obligée, après le conflit, de publier un compte rendu (Nightingale, 1858a ; 1858b ; 1859). Elle savait qu’il fallait saisir immédiatement l’occasion de tirer des enseignements de la guerre : « Nous ne pouvons pas répéter l’expérience pour ceux qui enquêtent en Angleterre, comme on le ferait avec une expérience chimique. Il faut en faire un exemple historique. » (McDonald, 1993). Si les réformes d’après la guerre de Crimée étaient urgentes, celles des soins infirmiers n’étaient pas aussi prioritaires. Ce n’est qu’en 1860, soit quatre ans après la fin du conflit, que Florence Nightingale se consacra à la formation des infirmières, domaine auquel son nom est le plus étroitement associé.
Notes sur l'auteur : Alex Attewell (Royaume-Uni)
Après avoir occupé le poste de conservateur adjoint du musée d’un hôpital dans l’ouest de l’Angleterre, il est entré au musée Florence Nightingale de Londres en 1989. Membre associé de la Museums Association en 1993, il est nommé conservateur du musée Florence Nightingale en 1994. Il est souvent appelé à donner des conférences, à participer à des émissions de radio et de télévision et à organiser des expositions temporaires sur le thème qui lui est familier.
Ce texte est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXVIII, n° 1, mars 1998, p. 173-189. ©UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000
Alex ATTEWELL
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