Un an presque jour pour jour après sa nomination au poste de ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun s’est retrouvé ce 6 juillet 2023 devant la Commission des affaires sociales du Sénat. L’objectif : faire un point sur la transformation du système de santé mais aussi répondre aux inquiétudes à l’orée d’une période estivale qui menace d’être aussi tendue que l’année précédente au sein des urgences. Une étape qui a son importance car, face aux difficultés d’accès aux soins, dont le président Emmanuel Macron a fait l’un de ses chevaux de bataille, la santé représente la « première priorité des Français ».
Je veux être un ministre qui s’engage dans la territorialisation de la santé pour répondre efficacement aux besoins de santé de nos concitoyens.
« Le secteur de la santé a été le plus dynamique » en termes d’évolutions, avec de nombreuses transformations structurelles engagées ces derniers mois, a rappelé le ministre : loi Rist sur l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé pour « un meilleur partage des compétences », votée en février, qui ouvre notamment l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) ; proposition de loi (PPL) portée par Frédéric Valletoux, qui établit le statut d’infirmier référent, adoptée par l’Assemblée et qui doit « moderniser le modèle de notre système de santé pour favoriser les réponses territorialisées » ; ou encore la PPL portée par Sandrine Josso (députée Modem) visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche. « Nous avons déjà rapproché 53 000 patients en affection longue durée (ALD) d’un médecin traitant », a-t-il aussi indiqué, rappelant la promesse du gouvernement de trouver un généraliste à ces 600 000 patients qui n’en ont pas. Même satisfecit pour MonParcoursPsy, mis en place en avril 2022, et ses « 600 000 consultations pour 130 000 patients. »
Un ministre de la "territorialisation de la santé"
Il a surtout été beaucoup question de territorialisation au cours de cette audition. Car « je veux être un ministre qui s’engage dans la territorialisation de la santé pour répondre efficacement aux besoins de santé de nos concitoyens », a soutenu François Braun. C’est en premier lieu aux déclinaisons régionales du Conseil national de refondation, qui ont livré leur premier bilan en mai, qu’il pense. A ainsi été établie « une logique ascendante » du terrain vers le national « dont je suis un fervent défenseur », a-t-il affirmé, mettant en avant des solutions construites par les professionnels de santé et les élus, territoire par territoire. « Il faut voir ce qui marche dans chacun d’entre eux et le mettre à disposition des autres » en fonction des besoins, dans une deuxième phase. Avec notamment une mobilisation « des contrats territoriaux de santé, qui existent, mais qui sont peu utilisés ».
Côté permanence des soins aussi, l’accent est mis sur la territorialisation, avec enjeu principal le besoin de fluidifier les échanges entre la ville et les établissements, privés et publics, et entre les structures elles-mêmes. Il faut déterminer « qui prend quoi en charge, quel type de patient », puis s’organiser en fonction, a-t-il expliqué.
Les difficultés aux urgences sont le reflet des difficultés qui marquent notre système de santé.
Aux urgences, une mission flash qui a fait ses preuves
Territorialisation, enfin, sur la gestion des urgences alors que se profile une période estivale au moins aussi à risque que celle de 2022. « Les difficultés aux urgences sont le reflet des difficultés qui marquent notre système de santé » avec, en amont, la désertification « des soins en ville et, en aval, le manque de lit et de complémentarité des soins. » Les mesures issues en juillet 2022 de la mission flash « ont montré leur efficacité, avec une baisse de 5% de la fréquentation des services d’urgences ». Celles ayant fait leur preuve ont été pérennisées, dont le filtrage via le 15, et constitue un socle sur lequel « il faut s’appuyer pour consolider la chaîne des soins non-programmés ». Le 15, d’ailleurs, que François Braun a de nouveau encouragé à utiliser en cas de « problème urgent. Faire le 15 permet de soulager les urgences. » A également été maintenu le doublement des indemnités de garde pour les professionnels paramédicaux afin de « soutenir les services et reconnaitre la pénibilité » de l’exercice. « La valorisation des soins critiques a été étendue aux puéricultrices et aux assistants de puériculture »,a-t-il ajouté.
Le ministre mise par ailleurs sur le Service d’accès aux soins (SAS) qui couvre « plus de 50 % de la population, avec 34 projets en activité » et dont la généralisation prochaine permettra, à terme, de couvrir l’ensemble du territoire avec « la possibilité de rajouter des filières spécifiques dans la régulation médicale : pédiatrie, gériatrie, psychiatrie… ». Il parie enfin sur la campagne de recrutement des assistants de régulation médicale, qui ont récemment été reconnus comme des professionnels de santé à part entière et qui bénéficient désormais d’une grille de rémunération spécifique. De manière générale, il a soutenu un mode de gestion des capacités d’hospitalisation à l’échelle territoriale « associant le public et le privé, sur les lits disponibles », qui a prouvé sa pertinence lors de la période du Covid. « Cela va faciliter les prises en charges durant l’été. » « Les urgences vitales restent assurées » sur le territoire, a-t-il promis.
La fin du tout T2A
Demeurent un certain nombre de chantiers à poursuivre. Sur la tarification à l’acte (T2A), le ministre s’est aligné sur les propositions avancées par Emmanuel Macron lors de ses vœux aux soignants en janvier dernier : sortir du tout T2A, tout en en conservant une partie. Si elle n’est pas « mauvaise en soi », la T2A est pour autant « adaptée à l’offre de soins et pas du tout à la réponse aux besoins de santé. » En établissant un classement des patients par groupes de malades auxquels correspondaient des coûts, elle a accentué des dérives concurrentielles entre établissements publics et entre privé et public, avec certaines structures « plus rentables que d’autres », car elles privilégiaient des activités plus rémunératrices, quitte à négliger le reste. Il s’agit donc désormais de trouver un équilibre grâce à trois axes de financement : un compartiment lié à la mission, un second associé à la qualité et la pertinence des soins, avec des objectifs territoriaux dont le partage de la permanence des soins entre les acteurs (publics comme privé), et un troisième compartiment qui demeure un financement aux activités « qui sont chères et pour lesquelles ce mode est adapté ».
Un virage préventif à accentuer
Viennent enfin les actions à poursuivre en matière de prévention, capables de répondre à des enjeux de santé publique tout en constituant des marges de manœuvre pour encadrer les dépenses de santé : nouveau plan de lutte contre le tabac, qui embarque une augmentation progressive du paquet de cigarettes – « le tabagisme reste un fléau qui coûte 20 milliards d’euros à la Sécurité sociale » –,lutte contre l’antibiorésistance grâce à une incitation à moins prescrire d’antibiotiques, ou encore mise en place des rendez-vous de prévention aux 3 âges clés de la vie, prévus dans la loi de financement de la Sécurité sociale. « C’est loin d’être simple », a-t-il admis sur cette question, tablant sur une mise en place au premier octobre pour une seule classe d’âge, les autres devant suivre en janvier. « Il y a plusieurs enjeux : il faut que les professionnels de santé y adhèrent, que les citoyens y adhèrent, et que ces rendez-vous ouvrent ensuite sur des parcours de santé. »
Face aux sénateurs, c’est donc sa méthodologie pour répondre aux problématiques du système de santé que François Braun a tenu à défendre : « soit on peut construire pendant des mois ou des années une loi santé ; soit on peut construire en saisissant maintenant les occasions pour poser des jalons ». C’est la seconde voie qu’il assume avoir choisi. « C’est peut-être moins visible, je le reconnais, mais ça va nous permettre d’avancer plus vite », veut-il espérer.
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