À la suite du dépôt d’une trentaine de plaintes contre lui, l’Etat a été mis en cause par la justice française dans sa gestion de la crise sanitaire. Dans une décision rendue mardi 28 juin, le tribunal administratif de Paris retient deux fautes, sans pour autant aller jusqu’à prononcer une condamnation. Fatma Ben Hassine, Doctorante contractuelle en droit public à l’Université Grenoble-Alpes, nous livre son analyse.
Le 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a reconnu deux fautes commises par l’État dans la gestion de la crise sanitaire (TA Paris, 28 juin 2022, n° 2012679/6-3). Il avait été saisi par Mme M. B., qui demandait à être indemnisée en tant que victime de la Covid-19. La requérante a invoqué plusieurs fautes. Le juge en a écarté certaines, notamment le manquement allégué dans la gestion de la pénurie de masques et de gels hydroalcooliques ou encore le caractère tardif du confinement. En revanche, il a reconnu, d’une part, la défaillance de l’État qui n’a pas constitué un stock suffisant de masques en amont de la pandémie, et, d’autre part, le caractère fautif des déclarations gouvernementales sur l’(in)utilité du port du masque au début de la crise sanitaire.
Plus précisément, la première faute retenue n’est pas liée à la gestion de la pénurie de masques pendant la crise sanitaire, mais à la constitution même des stocks. En effet, alors qu’elles avaient connaissance de la nécessité de ces dispositifs en cas d’épidémie, les autorités publiques n’ont pas respecté l’objectif de stockage fixé en 2009. Quant à la seconde faute, le juge souligne la contradiction entre les déclarations gouvernementales initiales et les données scientifiques disponibles. Selon le tribunal, ces prises de position ont pu influencer l’opinion publique. En passant d’inutile à obligatoire, le port du masque a fait l’objet de discours fluctuants, au point de devenir trompeurs.
Absence de lien de causalité
Malgré la reconnaissance de ces deux fautes, la responsabilité de l’État n’est pas engagée en l’absence de lien de causalité.
En effet, pour que le juge administratif indemnise la victime, il faut qu’elle démontre une faute, un préjudice et un lien de causalité entre eux. Ces trois conditions sont cumulatives : si l’une d’elles fait défaut, la responsabilité, et donc l’indemnisation, ne sont pas envisageables. Tel est le cas dans cette affaire : aux yeux du juge, le lien de causalité n’est pas établi. Il estime que la contamination de Mme B. n’est pas en lien direct avec les deux fautes précitées car le port du masque n’est qu’une des nombreuses mesures permettant la protection contre le coronavirus. Ce lien est également difficile à établir en raison de la nature particulièrement contagieuse de ce virus et du caractère aléatoire de sa transmission.
En reconnaissant ces fautes de l’État, le jugement offre une victoire aux victimes de la Covid-19 mais qui n’est que partielle.
En reconnaissant ces fautes de l’État, le jugement offre une victoire aux victimes de la Covid-19 mais qui n’est que partielle. Des requérants ont d’ailleurs engagé d’autres procédures, notamment devant la Cour de justice de la République pour faire condamner des décideurs publics. Toutefois, faire reconnaître la responsabilité pénale de ces derniers n’est pas non plus une mince affaire (V. Mise en examen d’Agnès Buzyn : bon ou mauvais procès ?
, Infirmiers.com, 9 nov. 2021).
Fatma BEN HASSINE, Doctorante contractuelle en droit public, Université Grenoble-Alpes
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