L'hémicycle du Conseil économique, social et environnemental (Cese) était comble, ce lundi 22 mai, pour un colloque organisé par l'Ordre National des Infirmiers sur l'avenir de la profession infirmière. L'Ordre entendait ainsi poser «un jalon important pour la réforme du décret infirmier et la revalorisation de la profession infirmière». Lors d'une première table ronde consacrée à la manière dont le métier accélère aujourd'hui sa transformation, Marie Daudé, Directrice Générale de l’Offre de Soins, a fait le point sur la position du ministère.
L'évolution logique du métier
«Il y a aujourd'hui une convergence de facteurs, pour faire évoluer le cadre d'exercice du métier d'infirmier», a reconnu Marie Daudé en préambule de son intervention, évoquant trois grands types de facteurs pour expliquer cette nécessité : l'accès au soins, l'accessibilité notamment à un médecin traitant (or, «la pénurie de médecins fait que l'on a aujourd'hui besoin de s'appuyer sur tous les professionnels pour permettre cet accès aux soins», a souligné la Directrice Générale de l’Offre de Soins) et enfin le problème de l'attractivité.
Sur la question de l'accès au soin, les infirmiers forment «une profession privilégiée, par leur nombre ainsi que par leur expertise», a-t-elle rappelé, faisant ici écho à ce que l'Ordre défend depuis plusieurs années maintenant : il n'y a pas de pénurie infirmière, les infirmiers sont donc des maillons essentiels sur le territoire.
Par ailleurs, le métier infirmier évolue «naturellement» et cette évolution a été encore accélérée par la crise du Covid. L'extension de la vaccination en est un exemple probant. Ces évolutions de compétences passent également par des protocoles, a souligné Marie Daudé, et les infirmiers sont particulièrement concernés, puisque «sur 57 protocoles nationaux, 43 impliquent des infirmiers et sur 51 protocoles locaux, 41 impliquent des infirmiers. On voit bien que les infirmiers sont au cœur de ce type d'évolutions. C'est d'ailleurs la même chose pour les expérimentations de l'article 511 : sur les 118 expérimentations, 87 concernent les infirmiers. Donc on voit bien que la profession de toute façon, elle bouge, elle évolue toute seule».
«Le troisième facteur est celui qui préoccupe tous les acteurs et qui nous préoccupe au ministère de la Santé, c'est l'attractivité des métier, et notamment l'attractivité du métier infirmier - particulièrement à l'hôpital», a encore précisé Marie Daudé, reconnaissant que faire évoluer le métier et moderniser son cadre aiderait à le rendre attractif.
Dans la loi, comment est définit l'infirmier ? C'est celui qui pratique des actes infirmiers : on voit bien aujourd'hui que cette définition atteint ses limites. Marie Daudé
Sortir du régime d'actes pour aller vers une approche par missions
La DGOS veut s'attaquer «en profondeur» aux textes qui encadrent le métier infirmier et la pratique infirmière. Historiquement, les évolutions du métier se traduisent par un ajout d'actes au fameux décret d'actes, mais aujourd'hui, le souhait est bien de changer l'approche pour aller vers une approche par missions. C'est cette approche qui a d'ailleurs été mise en avant par le rapport de l'IGAS mis en ligne il y a quelques semaines et qui est de penser le métier par activités.
«On aurait la définition des missions dans la loi et ensuite, on penserait le métier par activités et par compétences, ce qui permettrait trois choses, a encore souligné Marie Daudé :
- De favoriser la transversalité entre les métiers et les parcours professionnels (et travailler la mobilité entre les professions)
- De poursuivre la démarche d'universitarisation (en ayant une approche fondée sur les compétences),
- De rendre le métier plus adaptable aux évolutions (qui sont en mouvement)».
«Ce sont donc des changements importants, qui ne feront pas complètement disparaître la notion d'actes puisque par définition, elle existe, mais il y a beaucoup de choses qui devront changer».
L'été 2024 comme échéance
Le travail a commencé vendredi 26 mai avec un séminaire organisé par François Braun pour lancer les travaux, avec toutes les parties prenantes, l'Ordre, les syndicats, les associations, a noté Marie Daudé. Quant à la méthode : «il y aura un groupe de travail. L'un sur le métier lui-même, un autre sur la formation». A ces groupes de travail techniques vont être associées «toutes les instances et les institutionnels de façons régulières avec des séances complémentaires» pour avancer sur les dossiers, a détaillé la Directrice Générale de l’Offre de Soins. «Le ministre tient aussi à constituer des ateliers avec les différentes parties prenantes que sont les professionnels, les patients,... Il y a eu un premier atelier co-construction le 11 mai, mais la volonté est aussi de lancer une enquête élargie à destination des professionnels, des étudiants, des patients, d'avoir quelque chose de participatif».
«Ce qu'on souhaite, c'est qu'avancent de concert le volet formation et le volet compétences. On s'est fixé comme échéance l'été 2024. Il s'agit d'un travail ambitieux et il faut qu'on soit prêts pour la rentrée 2024», a encore commenté Marie Daudé au sujet d'un travail qui se traduira dans la loi puis dans des décrets.
Vers une réforme ambitieuse
Un des grands enjeux qui va se poser pour l'avenir est celui des fameuses compétences. «Il va donc falloir définir les compétences socles et les compétences de spécialisation». Sur la question de savoir quelle gradation des compétences sera apportée et sur la façon dont s'y intégreront les spécialisations, les pratiques avancées qui existent déjà : «on commence par le métier socle pour partir dans l'ordre. ça fait partie du chantier de savoir comment va s'organiser cette gradation, cette capitalisation des compétences entre le métier socle, les protocoles de coopération, les passerelles entre les différentes certifications et pour nous, ça ne remet pas en cause la valorisation des spécialités ou de la pratiques avancée», a expliqué Marie Daudé qui assure que la DGOS souhaite une réforme «ambitieuse». Une ambition que l'Ordre appelle de ses vœux depuis longtemps : « l’heure des demi-mesures et des corporatismes bloquants est dépassée. Pour que cette ambition soit au rendez-vous, il est impératif que les travaux du Gouvernement s’inscrivent dans une démarche transparente et rassembleuse. C’est là la condition sine qua non pour assurer à la réforme l’indispensable légitimité qui doit la porter, et pour y inclure et embarquer l’ensemble des acteurs de terrain. L’Ordre infirmier poursuivra à cet égard sa mobilisation au service de ce dialogue, où il portera des propositions ambitieuses, comme il l’a toujours fait », a assuré Patrick Chamboredon son président.
1- L’article 51 de la loi HPST du 21 juillet 2009 permet la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de transferts d’actes ou d’activités de soins et de réorganisations des modes d’intervention auprès des patients.
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