Le jugement que les patients portent sur la qualité de leurs soins est désormais reconnue comme essentiel dans l’appréciation de notre système de santé. Au mois d’octobre 2021, l’Institut Français de l’Expérience Patient (IFEP) a mené en partenariat avec BVA et pour la quatrième année une double enquête auprès des patients et des professionnels de santé afin de mesurer le degré d’adhésion à l’expérience patient et d’en évaluer la progression. Une édition qui s’inscrit dans un contexte particulier : celui de la crise sanitaire, qui a provoqué au sein de la population une prise de conscience des difficultés que rencontre le secteur de la santé. Les résultats ont été dévoilés lors d'un webinaire organisé vendredi 21 janvier par l’Institut.
Une notion encore largement méconnue des patients
Si la santé arrive en tête des préoccupations des Français, la notion d’expérience patient reste mal connue de la population générale, alors que les professionnels de santé y sont de plus en plus sensibilisés. Quand 60% des seconds déclarent en avoir entendu parler, seuls 12% des patients répondent être dans ce cas. À l’inverse, l’impact de la crise sanitaire sur la prise en compte de cette expérience patient demeure plus mesuré chez les professionnels de santé. 36% d’entre eux estiment qu’elle est devenue un enjeu plus important (+4 points), contre 43% (-9 points) pour les patients. Troisièmement, quand les patients perçoivent l’expérience patient comme un fait relationnel (confiance
, soins
et qualité
arrivent en tête dans les mots cités pour illustrer le concept), elle apparait plus technocratique
pour les soignants. Ainsi, qualité
, vécu
et satisfaction
sont les premiers termes qu’ils choisissent pour la décrire. Enfin, ils sont 51% parmi les patients à juger que leur ressenti est suffisamment pris en compte (-12 points), contre 71% des professionnels de santé. Par ailleurs, l’expérience patient est mesurée comme étant meilleure en ville (91% des patients la jugent bonne) qu’à l’hôpital (87%).
En 2020, en pleine crise, les chiffres associés à la relation entre patients et professionnels de santé étaient très bons
, analyse Odile Peixoto. Elle explique cette envolée par la bienveillance
qu’éprouvaient alors les Français envers les soignants et qui tendrait désormais à s’estomper. Pour autant, les chiffres de 2021 s’avèrent similaires à ceux enregistrés en 2019. L’hôpital tient bon
, même si elle note que les soignants se montrent très critiques envers eux-mêmes et souffrent particulièrement de leur manque de disponibilité. Les professionnels de santé s’auto-flagellent
, relève-t-elle. Ils voient qu’ils ne s’occupent pas bien des patients
, soit une perception en décalage avec celle des patients. Parmi les axes pour améliorer la situation, sont alors cités par les professionnels : travailler sur leur propre comportement (49%), être pro-actif dans les démarches engagées par les établissements sur ce thème
(31%), et impulser une réflexion à l’échelle [de leurs] plus proches collègues
(20%).
Répartition des répondants • 2 372 professionnels de santé travaillant dans des établissements de santé et médico-sociaux ont participé à l’enquête, dont 62% de paramédicaux. • Côté patients, 2 000 Français de plus de 18 ans, dont 818 atteints de maladie chronique. Source : IFEP |
L’expérience patient, un levier d’attractivité
Soutien de la hiérarchie, formation des équipes et renforcement de la culture des établissements à l’expérience patient sont des leviers clés pour améliorer cette dernière, résume Odile Peixoto. Pour Gérard Raymond, président de France Assos Santé, l’enquête met en lumière la difficulté
dans laquelle se trouvent les professionnels de santé, notamment les personnels hospitaliers, qui culpabilisent de ne pas passer autant de temps [qu’ils le souhaiteraient] avec les patients. L’organisation des soins n’est pas forcément tournée vers la nécessité de maintenir le dialogue et le temps d’écoute
entre les soignants et les patients. Dans ce contexte, une plus grande prise en compte de l’expérience patient et des améliorations qu’elle induirait représenteraient un véritable levier d’attractivité
pour l’ensemble du secteur de la santé, qui se trouve actuellement en état de pénurie
, signale Béatrice Frécon, déléguée nationale de la FNEHAD. Notamment car elle redonne du sens au métier de soignant. Un constat que partage Émilie Prin-Lombardo, Directrice Amélioration Continue Qualité Sécurité des Soins & Relations Usagers du CHU de Montpellier, qui a participé à l’enquête. L’expérience patient est la boussole éthique de nos professionnels, affirme-t-elle. Elle est aussi un levier d’attractivité, car elle montre leur utilité au service du patient
, et de transformation de leur culture et de leurs pratiques
, la parole du patient leur permettant entre autres de se remettre en question.
Il faut professionnaliser la prise en compte de l’expérience patient
Quelles pistes d’amélioration ?
Il s’agit donc de renforcer la prise en compte du vécu des patients, notamment dans le cadre de leur parcours de soin individuel. Et plusieurs pistes existent, indiquent les différents intervenants du webinaire. La première, c’est la formation des professionnels, initiale comme continue, que ces derniers réclament. Il faut professionnaliser la prise en compte de l’expérience patient
, insiste Alexandra Fourcade, cheffe du bureau des usagers au Ministère de la santé. Elle précise notamment que l’expérience patient fait partie des priorités nationales et qu’un module de formation obligatoire devrait bientôt être inclus dans la formation de tous les professionnels de santé. Autre piste de réflexion : développer au sein des établissements et de leurs stratégies une vraie culture de l’expérience patient. Il faut implanter cette culture dans les pratiques quotidiennes à travers le management (avec l’écoute active par exemple), la renforcer au niveau des établissements (via des projets partagés), et l’imposer dans leur organisation stratégique (dans le cadre de projets territoriaux de santé répondant à des priorités de santé précises)
, liste ainsi Zaynab Riet, la déléguée générale de la Fédération Hospitalière de France (FHF). Le CHU de Nice, à titre d’exemple, a d’ores et déjà intégré l’expérience patient au cœur de son projet d’établissement, en établissant une vraie gouvernance
autour du sujet et en lui dédiant un poste, témoigne Monique Mazard, sa directrice du pôle Parcours Patient. Car il est également nécessaire, martèlent les intervenants, d’attribuer des ressources et des moyens humains spécifiques à cette thématique. Une politique qui, comme le révèle le baromètre, est également au cœur des attentes des professionnels de santé.
Quant à l’acculturation des patients à la notion, Gérard Raymond prône une plus grande ouverture du sujet aux usagers du système de santé, condition sine qua non d’une vraie démocratie sanitaire. Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer, défend l’inclusion de patients partenaires dans la définition des parcours de soins et des programmes de recherche en santé. Quant à Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelle de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP), elle soutient l’empowerment des citoyens à la légitimité de leur parole
afin que la notion d’expérience patient pénètre plus largement au sein de la population non-soignante. Tant que nous n’aurons pas atteint une maturité collective sur ces enjeux, nous ne parviendrons pas à cette imprégnation. Or, la parole des patients a de l’importance pour la transformation du système de santé, et en matière de qualité et de pertinence des soins
, observe-t-elle. L’objectif final affiché étant de faire des patients les co-constructeurs du système de santé et de leur parcours de soin, et d’y renforcer ainsi leur adhésion.
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