Au sein du Collège national des acteurs en soins infirmiers (CNASI) de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), l’heure est à la « consternation », à « l’incompréhension ». La source de ce désarroi : l’avant-projet de loi sur l’aide active à mourir, rédigé sous la houlette d’Agnès Firmin-Le Bodoqui a fuité dans la presse (au Figaro et dans La Croix) et qui a pris le CNASI par surprise. Pour cause, dénonce-t-il, alors que les infirmiers sont placés en première ligne – ils pourraient faire partie avec les médecins des professionnels chargés de l’administration aux patients du produit létal – ils n’ont « que très peu été sollicités en amont de la rédaction » de ce texte provisoire. De même, « [leur] implication dans le protocole de l’euthanasie ou du suicide assisté n’a été évoquée avec le ministère de la Santé » à aucun moment. « Pourquoi les soignants n’ont-ils pas été entendus par la ministre ? Pourquoi n’a-t-elle pas pris en compte nos connaissances, nos compétences et notre expérience dans l’accompagnement au quotidien des patients en fin de vie ? », s’interroge ainsi le CNASI dans un communiqué.
La loi demande aux infirmiers, de réaliser du "secourisme à l’envers", mais sous ce terme se cache ni plus ni moins que l’injonction d’achever les patients, de mettre fin à leur vie alors que notre formation nous amène à les accompagner
Au-delà des questions éthiques que soulève la réflexion sur l’aide à mourir, le CNASI craint surtout qu’une telle implication, jugée contraire à leur mission de soins et d’accompagnement, ne provoque une fuite accélérée des infirmiers, soumis à des conditions de travail encore très dégradées. « La loi demande aux infirmiers, de réaliser du "secourisme à l’envers", mais sous ce terme se cache ni plus ni moins que l’injonction d’achever les patients, de mettre fin à leur vie alors que notre formation nous amène à les accompagner, à être là jusqu’au bout, à leur prodiguer des soins, à les écouter, à les soulager », souligne-t-il ainsi.
Un nouvel appel à mettre l'accent sur les soins palliatifs
Plutôt qu’une nouvelle loi, il appelle surtout à mieux prendre en compte les compétences et les savoirs des infirmiers en soins palliatifs, jugeant par ailleurs la loi Claeys Leonetti* suffisante quand elle est correctement appliquée. Le CNASI réclame surtout plus de temps et de moyens pour accompagner les patients, pour « prendre en charge leur fin de vie, leur entourage, leur douleur, leur souffrance, leur apporter une qualité de fin vie telle qu’ils l’espèrent », et souhaite voir la culture palliative devenir une priorité dans la formation. « En tant que soignants, c’est tous les jours que nous sommes confrontés aux soins palliatifs, à la prise en charge des patients qui voient leur vie se terminer et nous souhaitons pouvoir leur apporter la présence, les compétences, les soins adaptés, le temps, l’accompagnement, le soutien, l’écoute, les échanges, dont ils ont besoin », conclut-il, martelant l’idée déjà véhiculée par nombre d’organisations soignantes que « donner la mort n’est pas un soin ».
De son côté, Emmanuel Macron semble avoir entendu les protestations des professionnels de santé. Lors de ses vœux aux responsables des cultes, lundi 8 janvier, le chef de l’État a en effet annoncé la scission du sujet en deux projets de loi, soit une loi de programmation décennale sur la culture palliative suivie du projet de loi attendu sur l'aide à mourir. Aucun calendrier précis n’a toutefois été établi, alors que le texte était auparavant attendu pour ce mois de février.
*En vigueur depuis 2016, cette loi renforce le droit d’accès aux soins palliatifs avec notamment la mise en place des directives anticipées et la possibilité de bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme.
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