Lors de la cérémonie des voeux de l’Ordre national des infirmiers, le 23 janvier dernier, le Président Patrick Chamboredon, a rappelé l’engagement fort de l’instance ordinale pour construire ensemble l’avenir de la profession infirmière
; un engagement d’autant plus nécessaire à l’heure où bien des infirmier(e)s voient leur exercice malmené et doutent de connaître des jours meilleurs. L’année 2020 décrétée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme "Année internationale des sages femmes et du personnel infirmier" devrait donner l’opportunité à l’ONI d’accroître son leadership afin de faire rayonner la profession infirmière au national et à l’international et la placer définitivement "au coeur des systèmes de santé".
Quels chantiers investis par l’Ordre national des infirmiers (ONI) en 2019 ? Pour Patrick Chamboredon, Président de l'ONI, en matière de formation, initiale ou continue, de nombreuses avancées sont là, concrètes et riches de perspectives. L’intégration universitaire de notre formation prend réellement forme, IFSI et universités travaillent de mieux en mieux ensemble, les étudiants en soins infirmiers sont désormais sélectionnés via Parcoursup
, le niveau master n’est pas en reste avec la sortie des premiers infirmiers en pratique avancée (IPA)
et, autre volet d’importance, le Conseil National des Universités a officiellement reconnu les sciences infirmières
. Cette nouvelle discipline permettra bientôt à des infirmiers de devenir «Docteurs», ouvrant la voie à des travaux de recherche qui valoriseront la spécificité de l’approche infirmière, une approche holistique singulière, qui intéresse bien des volets de l’exercice infirmier : la prévention, le suivi des patients, l’observance des traitements…
Et de poursuivre : c’est donc une chance pour le système de santé français de rattraper son retard dans des champs de recherche trop souvent délaissés alors qu’ils sont largement investis par les chercheurs d’autres pays. Les chercheurs en sciences infirmières pourront se consacrer à des travaux qui amélioreront les connaissances cliniques et la prise en charge de nos concitoyens ainsi que la formation des futurs soignants
.
Des avancées, oui, mais perfectibles…
Des avancées, concrètes, certes, mais qui sont encore perfectibles, comme on l’a constaté récemment à la lecture du rapport annuel du Comité Ethique et Scientifique de la plateforme Parcoursup (CESP)
qui évoque notamment les dysfonctionnements au niveau des inscriptions en IFSI l'an dernier. Si ces problèmes ont apparemment été résolus, cela montre que le dispositif reste optimisable. Sur le volet recherche en soins infirmiers, plus dynamique qu’il n’y paraît,
on saluera en effet la volonté des tutelles d’inscrire la profession infirmière dans une nouvelle dynamique riche de perspectives, sans perdre de vue comme nous l’avait expliqué un infirmier chercheur combien la route vers le Doctorat peut s’assimiler à un véritable parcours du combattant
. Enfin, la pratique avancée poursuit son chemin avec l’ouverture à de nouvelles disciplines (urgences, notamment) mais on voit bien que la valorisation de cet exercice n’est pas vraiment à la hauteur des attentes,
tant au niveau hospitalier que libéra
l...
Pour le Président de l’ONI, en matière de formation, initiale ou continue, de nombreuses avancées sont là, concrètes et riches de perspectives.
Epuisement, maltraitance institutionnelle, violences…, le moral des infirmier(e)s en berne
Patrick Chamboredon l’a rappelé, comme nombre de professionnels de santé, les infirmiers et les infirmières pâtissent des manquements de notre système de santé
. L’année 2019 aura connu de nombreuses mobilisations sociales, blocages, grèves, dans les services d’urgences
, et plus largement à l’hôpital
. Les annonces gouvernementales se succèden
t sans vraiment sembler convaincre, ou apaiser la colère. Sur ce volet, nous ne nous voilons pas la face : notre profession est majoritairement en difficulté, voire en souffrance
.
Pour y répondre, sans pouvoir y apporter une réponse globale, le Président de l’ONI a souligné l’engagement des instances départementales de l’Ordre, présentes sur tout le territoire, confrontées quasi quotidiennement à ces problématiques et qui s’efforcent d’y répondre le mieux possible
. Rappelons qu’une plateforme d’écoute et de soutien psychologique, anonyme et gratuite, ouverte 24h/24 et 7j/7, co-créé, avec d’autres ordres de santé a vu le jour en 2018
. Comme on pouvait le prévoir, cette plateforme a été fortement sollicitée tout au long de l’année qui vient de s’écouler, par de trop nombreux infirmiers infirmières en détresse
, a poursuivi Patrick Chamboredon, précisant que l’enquête menée sur le moral de la profession infirmière en 2018
avec les résultats que l’on connaît - 63% des interrogés affirmaient ressentir un symptôme d’épuisement professionnel, 25% déclaraient avoir déjà consulté un psychiatre ou un psychologue pour des questions liées à leur travail, et 21% envisageaient « très souvent » de cesser leur activité d’infirmière – serait enrichie et relancée en 2020. Ce baromètre du bien-être des infirmiers, et, par conséquence, du mal-être, des difficultés et des souffrances de la profession, est nécessaire car il nous permet d’interpeller plus efficacement les pouvoirs publics sur cette situation toujours aussi alarmante, qui ne doit jamais être considérée comme un état de fait
.
Le Président de l’ONI a également insisté sur la violence au quotidien ou plus précisément, les différentes formes de violence que subissent les infirmiers et les infirmières dans le cadre de leur exercice professionnel, qu’il soient en poste à l’hôpital ou en libéral.
Ce fléau de la violence probablement sous déclaré en milieu de santé doit être mieux connu, quantifié, qualifié. Ce sont là les préalables indispensables afin de déployer les mesures qui s’imposent
. L’Ordre a engagé un travail, qui sera poursuivi en 2020, avec l’Observatoire des violences en milieu de santé, afin de recenser le plus exhaustivement et le plus précisément possible tous les actes de violence que subissent les infirmiers. Nous travaillons également localement avec les préfectures de police pour faciliter les dépôts de plainte. Suite à des agressions, l’Ordre se porte régulièrement partie civile pour apporter son soutien à nos consoeurs et confrères
, a souligné Patrick Chamboredon. Nous avons également participé à l’intégration des infirmiers au diplôme inter-universitaire intitulé « Soigner les soignants ». Des élus de l’ordre se sont inscrits dans cette dynamique, ont été diplômés et vont nous permettre de mieux structurer notre entraide
.
Violences, épuisement, parfois détresse professionnelle… Dans toutes ces situations, la solidarité ordinale constitue un soutien pour nombre de nos confrères et nos consoeurs.
Un champ de compétences qui s’accroît… et une reconnaissance en devenir
Pour le Président de l’Ordre, si le volet « compétences » est essentiel à une meilleure reconnaissance de la profession, si 2019 peut être considérée comme une année charnière, il faudra rester combatifs pour faire de 2020 une année levier ! On ne le sait que trop, les réformes de santé en cours et notamment « Ma Santé 2022 » sont abordées par le gouvernement de façon encore trop médico-centrée. Les infirmières et infirmiers, présents 24h sur 24 auprès de la population et sur tous les territoires, assurant la continuité du service public pour lequel ils se sont engagés, souffrent d’un manque de visibilité dans leurs actions et plus globalement d’un manque de reconnaissance de leurs compétences
pourtant déployées très efficacement
.
Les infirmiers disposent en effet de savoir-faire, de savoir être mais aussi de connaissances cliniques qui permettraient une extension de leur champ d’actions. Patrick Chamboredon l’a déjà exprimé haut et fort, les textes qui encadrent l’exercice de la profession
sont largement dépassés par l’évolution des connaissances, des normes, de la technologie, de la réalité de la pratique, mais aussi des besoins de la population en constante évolution. Il convient de redéfinir les missions de chacun en favorisant les logiques de coordination
. A titre d’exemple, en 2020,
a-t-il poursuivi, nous mobiliserons toutes les forces de la profession et les engagerons à bâtir un système de certification véritablement efficace, gage de la valorisation de nos compétences métier. De la même façon, si un texte de loi promulgué en 2019 donne aux infirmiers la possibilité de prescrire et d’adapter des posologies, nous nous devons d’être vigilants sur les contenus des décrets d’application afin qu’ils ne soient pas trop restrictifs mais, au contraire, qu’ils donnent aux infirmiers les moyens d’agir à la fois en autonomie et en coopération avec les autres professionnels de santé, afin d’assurer une offre de soins de qualité sur tous les territoires
.
Le Livre blanc remis à la ministre des Solidarités et de la Santé en novembre dernier,
mais aussi aux conseillers santé de l’Elysée et de Matigno, fruit d’une grande consultation nationale de la profession, tous modes d’exercice confondu, a montré de fortes attentes en matière de consultation infirmière, de droit de prescription, d’actes de soins, de prévention, de vaccination, de statut de clinicien… 26 propositions pour un exercice renouvelé et reconnu de la profession infirmière, mettant en exergue la nécessité de sortir d'une logique d'actes pour défendre une logique de compétences. Nous continuerons en 2020 cet exercice de portage politique afin que nos propositions soient entendues, puis traduites dans les textes réglementaires
a affirmé le Président de l’Ordre.
L’enjeu de l’évolution de notre champ de compétences ne saurait se limiter aux dernières avancées de la loi santé. Notre contribution à l’offre de soins, à l’accès aux soins, à l’amélioration de la santé de tous doit être reconnue à sa juste valeur.
2020 : quid de l’infirmier(e) de demain
Pour l’ONI, l’infirmier de demain devra nécessairement être un infirmier engagé
. Pour ce faire, nous ne nous interdisons pas une certaine hauteur de vue, pourvue qu’elle reste connectée aux enjeux de terrain et aux défis du quotidien
. Il conviendra nécessairement de continuer à oeuvrer et à peser auprès des instances mais aussi à accroître le leadership
d’une profession encore trop discrète pour affirmer sa valeur ajoutée dans notre système de santé.
Le Président de l’Ordre rappelle que l’année 2020 décrétée « Année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier » par l’OMS permettra à l’ONI, avec notre partenaire l’Anfiide (Association Nationale Française des Infirmières et Infirmiers Diplômés et des Etudiants) de proposer des actions conjointes et significatives pour cette année exceptionnelle pour notre profession
. L’OMS l’a en effet affirmé : les sages-femmes et le personnel infirmier jouent un rôle essentiel dans la prestation des services de santé. Ces professionnels de santé consacrent leur vie à prendre soin des mères et des enfants, à sauver des vies par la vaccination et les conseils en matière de santé, à s’occuper des personnes âgées, et plus globalement à répondre chaque jour aux besoins de santé essentiels. Elles sont souvent le premier, voire le seul, recours pour se faire soigner dans leur communauté. Il faudra neuf millions de sages-femmes et d’infirmiers supplémentaires dans le monde pour espérer réaliser la couverture sanitaire universelle à l’horizon 2030. Voilà pourquoi l’Assemblée mondiale de la Santé a désigné 2020 comme année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier
.
Patrick Chamboredon a également souligné que l’année 2020 est une année d’élections ordinales. Nous invitons toutes les infirmières et tous les infirmiers qui le souhaitent à se présenter, s’engager en tant que conseiller ordinal, auprès de ses pairs, faire entendre sa voix, notamment auprès des institutions de santé…
Et de poursuivre : en 2019, nous avons inscrit 55 000 infirmiers supplémentaires. Nous nous approchons ainsi des 400 000 infirmiers inscrits
. Ce qui laisse encore plus de 300 000 infirmier(e)s hors liste malgré l’obligation d’une inscription au tableau… Enfin, en termes d’engagement, le Président de l’Ordre a souligné que 2020 est aussi une année d’élections municipales. Les infirmiers, professionnels de santé de proximité, notamment en premier recours, sont donc naturellement amenés à agir en partenaires auprès des élus de proximité.
Dernier vœu adressé à la communauté infirmière par Patrick Chamboredon : l’infirmier de demain devra nécessairement être un infirmier connecté. A lui désormais de s’emparer des nombreuses opportunités offertes par la e-santé,
qui constituent autant de leviers de reconnaissance de la profession
.
Il faudra neuf millions de sages-femmes et d’infirmiers supplémentaires dans le monde pour espérer réaliser la couverture sanitaire universelle à l’horizon 2030. Voilà pourquoi l’Assemblée mondiale de la Santé a désigné 2020 comme année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier.
Au coeur du système de santé, telle est la place que l’infirmier de demain doit véritablement habiter. Pour ce faire, bien des efforts devront être déployés, des combats engagés et des initiatives menées pour que l’efficience des actions et la reconnaissance des compétences soit au rendez-vous. Mais pas seulement. Les infirmiers seront les acteurs principaux de cette évolution des pratiques qui doit les conduire à en finir avec le travail en silo, à travailler davantage en coopération, à incarner la pluridisciplinarité et la pluriprofessionnalité et la faire vivre. L’objectif est clair : la qualité de la prise en charge des patients et la volonté de construire ensemble l’avenir de la profession infirmière
. Un beau défi !
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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