Deux de ces machines, fabriquées par la start-up anglaise FabRx, ont pris place dans la pharmacie de l'Institut de lutte contre le cancer Gustave-Roussy, près de Paris. Reliées à un ordinateur, elles peuvent délivrer des médicaments dont le dosage et la forme ont été préalablement programmés. Installée à la manière d'une cartouche d'encre, une seringue libère sur une plaque en métal une petite pâte à la forme arrondie, préalablement chauffée.
Maxime Annereau, pharmacien à Gustave-Roussy, récupère les médicaments: «ils ont un peu l'aspect de gummies», ces compléments alimentaires vendus sous forme de bonbons gélifiés. «Une texture de bonbon, qui se mâche et dont le goût du principe actif, associé à des excipients adaptés, a été masqué par un arôme menthe», complète-t-il. Cette pâte contient pourtant bien un antibiotique, prescrit à des patients pédiatriques atteints d'un cancer, le «sarcome des tissus mous» - tissus adipeux, musculaires,vaisseaux sanguins, lymphatiques, nerfs, etc.
L'idée de personnaliser les médicaments pour les enfants est née d'un besoin, explique le pharmacien: «les pédiatres de l'hôpital nous rapportaient que l'antibiotique, prescrit sous forme buvable, pour prévenir les effets indésirables de la chimiothérapie, suscitait le rejet en raison d'un goût très mauvais».
"Sur mesure"
«Avec l'imprimante 3D, on est parvenu à changer son goût et à créer une texture plus ludique» se félicite-t-il, espérant que ces nouveaux médicaments seront plus faciles à prendre par les enfants. En cours de démarrage, la fabrication devrait accélérer à la rentrée. «On sera capable de sortir 60 antibiotiques à l'heure, 500 doses par jour», assure Maxime Annereau. Grâce à une technologie en constante évolution, il espère pouvoir travailler bientôt avec «trois couches d'impression en simultané», ce qui permettra des améliorations, comme l'ajout d'un «arôme cola, qui devrait encore mieux fonctionner auprès des enfants».
L'intérêt de ces médicaments imprimés est d'améliorer l'observance, en facilitant la prise. Mais il réside aussi dans la possibilité d'adapter les doses à la morphologie. «Cela coûte souvent beaucoup trop cher à l'industrie pharmaceutique de développer des formes pédiatriques», explique Maxime Annereau. Avec la machine, il est possible de programmer des doses de 100, 150, 200 mg..., à la demande. Selon le pharmacien, d'autres hôpitaux en France sont déjà preneurs de ces médicaments «sur mesure». «On sera très vite débordés par la demande», anticipe-t-il. En Europe, le marché bouillonne. L'hôpital Vall d'Hebron de Barcelone (Espagne) a été le premier à se lancer, suivi de l'hôpital de Leyde aux Pays-Bas.
Pédiatrie et gériatrie
Plusieurs établissements français se sont déjà équipés, ou sont en train de le faire, à l'instar du centre hospitalier de Nîmes (sud). «On est encore en phase de développement mais on espère pouvoir livrer des médicaments pour des enfants souffrant de pathologies cardiaques au premier trimestre 2025», indique Ian Soulairol, pharmacien de l'hôpital.
L'idée est de pouvoir produire «à partir d'une même encre, des comprimés au dosage personnalisé, adaptés au poids des enfants, qui évolue lors de ces traitements au long cours», ajoute-t-il. A l'avenir, d'autres publics pourraient être concernés par ces médicaments, notamment en gériatrie. «Pour les personnes âgées qui ont de nombreuses pathologies à traiter, on peut imaginer superposer plusieurs molécules au sein d'un seul médicament», avance Maxime Annereau. «Et pour le 4e âge, pour qui il est souvent difficile d'avaler un comprimé, d'autres formes pourraient être plus appropriées», juge-t-il.
A la pharmacie Delpech, à Paris, spécialisée dans la préparation magistrale, on teste, sur une imprimante 3D, des formes «plus adaptées aux enfants... et aux animaux». «Il est très compliqué de faire ingérer une pilule à un chat», relève son patron, Fabien Bruno. «Mais quand il s'approche de nos comprimés 3D un peu gélatineux au goût de bœuf, il les mange», assure-t-il.
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