Certains patients demeurent asymptomatiques, d’autres finissent en réanimation… Mais qu’est-ce qui les distinguent ? Pourquoi la réponse à l’infection au Sars-Cov-2 varie-t-elle autant d’un individu à l’autre ? Les comorbidités et l’âge n’expliquent pas tout ! Apparemment, des chercheurs d’une équipe franco-américaine ont réussi à comprendre pourquoi l’infection s’aggrave chez au moins 15% des personnes qui développent une forme sévère. La réponse serait due soit à une anomalie génétique soit à un dysfonctionnement du système immunitaire au début de l’infection.
La grande majorité des personnes restent asymptomatiques ou développent une infection bénigne mais certains patients finissent en réanimation, intubés, voire même décèdent
, commente Jean-Laurent Casanova, chercheur à l’université Paris Descartes notamment. Ce spécialiste et son équipe se sont en effet penchés sur le sujet : environ 5 % des personnes atteintes du Sars-Cov-2 évoluent vers une forme grave ou critique et développent notamment une pneumonie sévère se transformant en syndrome de détresse respiratoire aiguë. Pourquoi ? Qui est susceptible de contracter une forme grave de Covid ? Le problème est d’importance : identifier les individus à risque permettrait d’anticiper et surtout d’améliorer leur prise en charge et de développer de nouvelles pistes thérapeutiques. Or, les scientifiques sont parvenus à répondre, du moins en partie, à cette interrogation. D’après leurs travaux récemment parus dans la revue Science, 15% des cas graves de Covid-19 (au minimum) s’expliqueraient soit par des anomalies génétiques soit par une déficience du système immunitaire !
Des mutations génétiques délétères et des auto-anticorps
Le problème qui nous a intéressés c’est la disparité des symptômes et de leur gravité face à l’infection au Sars-Cov-2. Notre hypothèse de départ était que ces différences n’étaient pas le fruit du hasard mais résultaient de facteurs génétiques ou de problèmes en lien avec le système immunitaire
, précise le Dr Casanova. Une théorie qu’il fallait tester. L’équipe a donc inclus dans une première étude un nombre maximum de cas sévères afin de séquencer leur ADN
. Ils ont, pour simplifier les recherches, sélectionné 13 gènes déjà connus pour prédisposer ceux qui les portent à des formes de grippes sévères. Plus précisément, les séquences en question ont un rôle à jouer dans la production de protéines primordiales face aux infections virales (les interférons de type 1). Or, certaines variations de ces gènes engendrent un défaut de production de ces protéines. Elles sont notamment induites par les cellules infectées pour informer l’organisme de la menace pathogène. C’est la première ligne de défense contre les virus
, renseigne le spécialiste.
Ainsi, lors des premiers jours de l’infection, la production limitée d’interféron limite la réponse de l’organisme permettant au virus de se disséminer, jusqu’au moment où d’autres cellules du système immunitaire constatent sa présence et s’emballent. Les mutations de ces 13 gènes sont responsables de 3% à 4% des cas graves, selon les premières estimations des scientifiques.
Pourquoi les hommes sont plus touchés
Cependant, les chercheurs ne s’en sont pas arrêtés là. Ils ont pu démontrer dans une seconde étude que plus de 10% des formes graves de Covid-19 proviennent de la production d’auto-anticorps chez les patients. En effet, ils ont détecté la présence d’un très fort taux d’anticorps contre les interférons de type I empêchant ainsi leur action. Ainsi, même quand les interférons sont produits normalement, ils sont incapables de remplir leur rôle immunitaire !
Fait marquant : dans cette seconde étude, sur les 101 participants ayant des auto-anticorps, 95 sont des hommes. Cette observation permet en partie d’expliquer pourquoi la gent masculine est surreprésentée parmi les cas sévères. Apparemment, les hommes ont davantage tendance à sécréter ces fameux anticorps.
Les pistes thérapeutiques
Qu’il s’agisse de variants génétiques qui diminuent la production d’interféron de type I pendant l’infection ou d’anticorps qui les neutralisent, ces déficits précèdent l’infection par le virus et expliquent la maladie grave. Ces deux publications majeures mettent donc en évidence le rôle crucial de ces protéines dans la réponse immunitaire contre le Sars-Cov-2
, concluent Jean-Laurent Casanova et son co-auteur Laurent Abel. Ces découvertes ouvrent également la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques. On pourrait notamment imaginer un moyen de dépister les individus chez qui des complications peuvent survenir. La détection des auto-anticorps peut se faire rapidement, dans une demi-journée. En revanche le séquençage génétique prend plus de temps. Il est plus compliqué d’élaborer un test
, modère le Dr Casanova qui estime que le choix appartiendra au professionnel de santé si cela se mettait en place.
En ce qui concerne les potentiels moyens de pallier ces déficiences, en cas d’absence d’interférons il est possible d’en fabriquer commercialement depuis 30 ans. Ces médicaments sont sans effets secondaires notables s’ils sont pris sur une courte période
. Toutefois, pour parer les auto-anticorps, cela sera plus complexe mais on peut imaginer recourir à des plasmaphérèses qui consistent à prélever la partie liquide du sang contenant les anticorps
, ou d’autres traitements qui réduiraient leur production par les globules blancs. Des essais cliniques sont, bien entendu, envisagés pour tester ces hypothèses. De même, si 15% minimum des cas graves ont aujourd’hui une explication, il est possible que ce pourcentage soit en réalité beaucoup plus important. Les scientifiques se sont limités aux 13 séquences d’ADN connues pour engendrer des grippes sévères mais on peut supposer que d’autres mutations génétiques sont responsables d’une altération de la production des interférons et par conséquent de complications en cas d’infection au Covid-19. En parallèle, les chercheurs ont décrit seulement la présence d’auto-anticorps à des concentrations très élevées
, précise le Dr Casanova, mais il est parfaitement possible que des taux plus faibles de ces anticorps nuisibles soient présents chez des patients.
L’équipe a donc encore du pain sur la planche, mais elle sait déjà, à présent, dans quelle direction chercher. On attend les résultats des prochains essais cliniques avec impatience.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse
RECRUTEMENT
Pénurie d'infirmiers : où en est-on ?