La délégation de tâches a donné grande satisfaction aux professionnels de santé, selon les témoignages livrés par les responsables de trois expérimentations menées depuis 2006 dans le secteur public et en libéral, lors d'une table ronde sur la coopération interprofessionnelle organisée par la Haute autorité de santé (HAS).
La HAS avait consacré lundi et mardi plusieurs tables rondes sur le thème de la coopération entre professionnels de santé, à l'occasion des premières rencontres de la HAS, et profité de l'occasion pour publier un projet de recommandation sur ce thème.
La première de ces tables accueillait les responsables de trois des onze expérimentations autorisées en décembre 2004 et mars 2006 pour la délégation de tâches (cf dépêche APM CBIK4001), concernant l'échographie effectuée par un manipulateur en électro-radiologie médicale, l'infirmière référente en neuro-oncologie et le suivi de malades chroniques au sein d'un réseau de ville associant généralistes et infirmières.
Jean-Nicolas Dacher, professeur de radiodiagnostic et imagerie médicale au CHU de Rouen, a dressé le bilan de l'expérimentation de la pratique de l'échographie par un manipulateur en électro-radiologie médicale, qui s'est déroulée au CHU de Rouen, à l'hôpital de Metz et à la clinique Pasteur à Toulouse.
L'expérimentation devait permettre de savoir si les manipulateurs pouvaient assurer une collecte optimale des données pour les cinq actes d'échographie retenus (échographies de l'abdomen et de la thyroïde, écho-doppler veineux des membres inférieurs, écho-doppler artériel des troncs supra aortiques et écho-doppler artériel des artères des membres inférieurs), et permettre un gain de temps pour les médecins.
FORTS TAUX DE CONCORDANCE POUR L'ECHOGRAPHIE
Jean-Nicolas Dacher a souligné les "résultats très positifs" obtenus dans le cadre de l'expérimentation qui s'est déroulée en deux phases: dans un premier temps, l'acte effectué par le manipulateur était systématiquement refait par le médecin (455 examens), puis il était réalisé sous sa simple supervision (450 examens). La rédaction du compte-rendu d'échographie restait de la compétence du médecin.
Les taux de concordance entre les examens réalisés en phase 1 par les manipulateurs et les médecins étaient très élevés, oscillant autour de 90-95%, mais avec un temps de réalisation de l'acte un peu plus élevé d'environ 5 minutes.
Lors de la phase 2, les médecins se sont déclarés satisfaits des informations données aux médecins par les manipulateurs dans 90% des cas, mais dans de nombreux cas, le manipulateur souhaitait une validation de l'examen par le médecin ce qui a pu contribuer à diminuer ce taux.
Les examens protocolés et programmés peuvent être plus facilement délégués (échographie de la thyroïde, l'écho doppler, l'échographie transfrontanellaire du nouveau-né) que d'autres, notamment ceux réalisés dans un contexte d'urgence (échographie d'abdomen en urgence, échographie en déchoquage), a souligné le Pr Dacher.
Il estime qu'il faudra envisager une reconnaissance des professionnels qui assument ces nouvelles tâches, tout en avertissant contre la perte de l'expertise des médecins, qui doivent continuer à pouvoir effectuer eux-mêmes ces actes, contrairement à ce qui peut s'observer aux Etats-Unis par exemple.
"Même si la délégation est un succès, sera-t-elle suffisante pour sauver la radiologie hospitalière ?", s'est interrogé le Pr Dacher, en rappelant les problèmes démographiques que connaît la profession, avec un nombre important de postes vacants constaté dans les CH (29%) et les CHU (21%).
ASALEE: AVANTAGES POUR LE PATIENT ET L'ASSURANCE MALADIE
Le Dr Jean Gautier, médecin généraliste dans les Deux-Sèvres a présenté un bilan d'étape du réseau Asalee (Action de santé libérale en équipe), dont il est vice-président, et qui organise un parcours de prévention pour les patients, piloté par le médecin généraliste associé à une infirmière déléguée à la santé publique.
L'objectif était de déléguer aux infirmières un certain nombre d'actions de prévention concernant l'accompagnement du diabète, l'hypertension artérielle et le dépistage des troubles cognitifs et une aide au dépistage du cancer du sein, lors de consultations individuelles avec les patients des médecins concernés, lors desquelles elles n'effectuent pas de soins.
En novembre, 20 cabinets médicaux de groupe, 40 médecins et sept infirmières participaient à l'expérimentation.
Outre les bénéfices constatés par les patients eux-mêmes sur leur traitement, et recueillis lors d'enquêtes de satisfaction (18,3 sur 20, selon une enquête de satisfaction menée en novembre 2006), l'expérience a montré des avantages médico-économiques, a expliqué Jean Gautier, citant des données d'une enquête menée par l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).
Cette enquête, effectuée en mai et novembre 2007, s'est limitée au suivi du diabète de type 2 (un tiers de l'activité des infirmières), concernant trois échantillons de patients dont un du réseau Asalee.
Parmi les résultats notables, Jean Gautier a souligné des résultats significativement plus élevés dans Asalee pour les taux de réalisation des examens de suivi. S'agissant du taux d'hémoglobine glyquée, la baisse de l'HbA1c s'est avérée plus importante chez Asalee, indépendamment de l'âge, du sexe, et du nombre d'hémoglobines.
"L'amélioration de la prise en charge consécutive à la mise en place du programme de suivi des diabétiques chez Asalee des patients en avant/après est significativement plus forte que celle constatée dans les échantillons témoins et ne se fait pas à coût total moyen ou croissant pour l'assurance maladie", selon l'Irdes, citée par Jean Gautier.
Désormais, Asalee souhaite généraliser ce type de services au niveau interrégional, grâce à un financement du Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs), puisque l'expérience arrive à son terme fin 2007.
"NURSE PRACTITIONER" A LA FRANCAISE
Le Pr Jean-Yves Delattre, neuro-oncologue, chef de service à la Pitié-Salpétrière (AP-HP, Paris XIIIème), a ensuite rapidement commenté l'expérience d'infirmière référente spécialisée en oncologie menée au sein du service.
Inspirée de la "nurse practitioner" existant au Canada, l'expérience visait à confier à une infirmière un rôle de suivi du patient souffrant d'une tumeur cérébrale ou suivant une chimiothérapie, du début à la fin de sa prise en charge au sein du service de neuro oncologie, et un travail de coordination ville-hôpital. L'idée était d'améliorer la qualité des soins et l'efficience du service, en donnant au médecin plus de temps à consacrer aux cas les plus graves.
L'infirmière a suivi une double formation, théorique et pratique. Elle a suivi des cours de neurologie (ainsi que de neurophysiologie, de neuroanatomie), enseignés en faculté de médecine et validés par l'examen de neurologie, passé avec et dans les mêmes conditions que les étudiants en médecine.
Pour la pratique, Christelle Lecaille a fréquenté tous les services ayant affaire à des patients souffrant de tumeurs cérébrales (neurochirurgie, neuroradiologie, neuropathologie, neurologie et unités de soins palliatifs).
Parmi ses missions en hôpital de jour, l'infirmière référente pratique sur le patient un examen clinique neurologique (check-list), regarde et compare les IRM, analyse la tolérance des traitements après analyse des examens biologiques, et propose une recommandation thérapeutique au médecin.
Le Pr Delattre a souligné le travail d'anticipation de l'infirmière référente sur la prise en charge palliative du patient au sein de son environnement local et en tenant compte de son réseau familial. Elle participe à la consultation d'annonce, et effectue le suivi et l'accompagnement du patient, y compris à son domicile et travaille à la recherche de structures adaptées après l'hospitalisation.
L'expérience a porté sur 80 patients accueillis en hôpital de jour pour une chimiothérapie ou souffrant d'une tumeur cérébrale et vus successivement par le médecin et l'infirmière référente qui proposait une recommandation thérapeutique.
Le taux de concordance observé était de 97,5% pour la prescription de chimiothérapie, de 100% pour la décision de changement de ligne de chimiothérapie, de 97,5% pour les traitements symptomatiques (corticoïdes), et de 94 à 100% pour les autres recommandations (antiépileptique, antiémétique, etc.), a souligné le Pr Delattre.
Le principal bénéfice de cette expérience est l'amélioration de la qualité des soins pour le patient, a-t-il insisté, en appelant à la réflexion sur l'élaboration d'un statut pour ce type d'infirmière, qui ne pourra continuer à exercer ce rôle en absence de cadre légal.
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