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Coronavirus : les soignants redoutent de manquer de moyens pour faire face à l’épidémie

Publié le 02/03/2020
Coronavirus : les soignants redoutent de manquer de moyens pour faire face à l’épidémie

Coronavirus : les soignants redoutent de manquer de moyens pour faire face à l’épidémie

L’épidémie est devant nous, indiquait Emmanuel Macron, en déplacement à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le 27 février dernier, alors que le nombre de cas s’accélère maintenant tous les jours un peu plus en France. Le monde de la santé s’organise pour prendre en charge les patients atteints du Covid-19, mais les soignants redoutent de ne pouvoir faire face, par manque de moyens.

Accueil des patients, repérage et isolement des "cas possibles", mesures d'hygiène "renforcées" pour les soignants : un "guide méthodologique" de 42 pages à destination des établissements de santé mais aussi des soignants libéraux et du secteur médico-social, est disponible.

Mise à jour du 6 mars 2020 - Le virus est présent sur le territoire national, avec notamment plusieurs zones de regroupement de cas appelés "clusters". Nous sommes actuellement au stade 2 du plan d’actions du Gouvernement qui a pour objectif de prévenir et limiter la circulation du virus. Depuis le 24 janvier 2020, la France compte 577 cas de Coronavirus COVID-19 confirmés. 9 personnes sont décédées depuis le début de l'épidémie. Le nombre de pays touchés par le coronavirus est passé à 90 le 5 mars. La corée du Sud est le deuxième foyer de contamination avec plus de 6000 cas confirmés (dont 35 morts), l'Italie le deuxième foyer de mortalitré (148 morts). Au total, on recense dans le monde plus de 100 000 cas confirméés dont près de 90 000 hors de Chine. 

Infection au nouveau Coronavirus (SARS-CoV-2), COVID-19, France et Monde, fil actualisé au jour le jour sur le site de Santé Publique France

Ce que l'on en disait le 2 mars 2020

Le bilan s'accélère en France. On a devant nous une crise, une épidémie qui arrive... On va devoir l'affronter au mieux, avec la vie qui continue. On sait que nous ne sommes qu'au début, avait indiqué Emmanuel Macron, en déplacement jeudi 27 février à l'hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière, où un patient est décédé du coronavirus la veille. Depuis, la France compte 285 cas avérés de contamination, 4 décès sont confirmés. 12 régions ont rapporté des cas, et parmi elles, les Hauts-de-France, l'Île-de-France, l'Auvergne-Rhône-Alpes, la Bretagne et la Guadeloupe (pour la première fois). La France se rapproche à vitesse grand V d’un scénario à l'italienne (pays le plus touché d'Europe par le virus).

Une accélération qui correspond au "stade 2" de l'épidémie, selon les mots de l'exécutif. Les "rassemblements collectifs" dans l’Oise sont interdits "jusqu’à nouvel ordre" et "tous les rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu confiné". Les établissements scolaires de neuf communes de l’Oise sont fermés aujourd'hui, les voyages scolaires sont suspendus, le musée du Louvre, à Paris, a fermé ses portes, le semi-marathon de Paris du 1er mars a été annulé ainsi que le Salon du Livre qui devait se tenir dans les prochains jours.

Cellules de crises et plan blanc

Dans les hôpitaux directement concernés par des cas de coronavirus, des mesures ont été immédiatement prises. A Annecy, où un nouveau cas d’infection a été identifié chez un patient le mercredi 26 février, le Centre Hospitalier l’a confiné dans une chambre dédiée, comme le prévoit la procédure . Une cellule de crise a également été activée, en lien avec l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes et le ministère de la Santé. L’établissement a également revu son organisation avec un passage à 10 puis à 22 lits dans le service de maladies infectieuses.

A l’hôpital de Creil, dans l’Oise, le service de réanimation a été fermé pour 14 jours (durée de l’incubation du virus) et une cellule de crise a été mise en place par l’ARS Haut-de-France le mercredi 26 février. Elle travaille à l’identification des personnes avec lesquelles les deux personnes contaminées ont été en contact rapproché. Un plan blanc a également été déclenché mardi 25 février au soir dans les hôpitaux de Creil et de Compiègne , un dispositif de mobilisation maximale prévu pour faire face aux situations sanitaires exceptionnelles qui a notamment permis de rappeler du personnel hospitalier pour la mission de recherche de cas contacts.

A Compiègne, le maire expliquait à BFMTV, vendredi 28 février, que 117 agents hospitaliers avaient été recensés comme ayant été en contact avec le premier malade (atteint du coronavirus) passé par le centre hospitalier de la ville et que d’autres agents étaient actuellement tracés après identification d’un second cas sur place.  Le défaut de ressources humaines du centre hospitalier devient très important, confiait-il. Le service de réanimation fonctionne toujours mais avec une capacité de 6 lits au lieu de 15, notamment grâce à du personnel venu d’autres services, a-t-il également fait savoir.

Trois soignants de l'hôpital Tenon à Paris ont été contaminés par un patient atteint du coronavirus Covid-19. Ils ont été pris en charge à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, mais leur situation est jugée sans gravité. Par mesure de précaution, une cinquantaine d'autres ont été placé en confinement à domicile pendant 14 jours. L'hôpital réduit son activité.

Trois soignants de l'hôpital Tenon à Paris ont été contaminés par un patient atteint du coronavirus Covid-19.

Les hôpitaux ont reçu des consignes, attendent des moyens... et changent de doctrine

Face à une multiplication des cas de coronavirus jour après jour, les hôpitaux français ont été informés en détail des procédures à appliquer. Accueil des patients, repérage et isolement des cas possibles, mesures d'hygiène renforcées pour les soignants : un guide méthodologique de 42 pages à destination des établissements de santé mais aussi des soignants libéraux et du secteur médico-social, a été diffusé le 20 février dernier par le ministère de la Santé.

Mais face au passage prochain du virus en phase épidémique, changement de cap dans les hôpitaux parisiens. Il a été décidé de ne plus hospitaliser que les cas graves et les patients fragiles. On va commencer à Paris à ne pas hospitaliser certains patients infectés, comme on le fait pour la grippe, a expliqué Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, aux Echos. Cette initiative, mise en place dès ce lundi à Paris ne s'appliquera en revanche pas au niveau national - toutes les régions françaises n'étant pas atteintes par l'épidémie de la même manière. .

En dehors des CHU, placés en première ligne, et des 70 autres hôpitaux "activés" en renfort dimanche 23 février, les autres établissements (cabinets en ville, établissements de santé, établissements médico-sociaux doivent se préparer à recevoir un patient (contaminé) qui se présenterait fortuitement, souligne le document du ministère. Ils doivent donc disposer d'une chambre ou box d'isolement, si possible séparée des autres zones de soins, et équipée du strict nécessaire : téléphone, thermomètres, masques de protection. Les protocoles de décontamination des locaux et la gestion des déchets doivent être formalisés par écrit et les services d'urgence doivent présenter un affichage et une signalétique appropriés, en français, en anglais et en chinois. Les hôpitaux de troisième ligne ne doivent réaliser aucun prélèvement biologique sur un cas possible et organiser (son) transfert vers un établissement habilité en lien avec le Samu. Ils doivent aussi évaluer l'état clinique des accompagnants et dresser la liste des personnels qui ont été en contact étroit et direct avec le patient sans protection adaptée. En prévision d'une phase épidémique, il leur est également demandé de recenser, dans chacun des services, les hospitalisations pouvant être différées sans préjudice pour les malades et de définir les limites de leur capacités, au-delà desquelles il sera nécessaire de faire appel à d'autres sites hospitaliers.

En complément du diagnostic médical via les résumés de passages aux urgences (RPU), les autorités sanitaires demandent d'utiliser un code particulier pour les patients atteints de Covid-19. Objectif : anticiper l'évolution épidémiologique du virus. Santé publique France a appelé ce 2 mars à anticiper l'évolution épidémiologique de la situation en initiant la surveillance, via les résumés de passages aux urgences (RPU) des cas possibles d'infection au Covid-19 indépendamment de leur circuit de prise en charge (urgences ou filière spécifique dédiée). En accord avec la Société française de médecine d'urgence (SFMU) et la Fédération des observatoires régionaux des urgences (Fedoru), elle demande "pour tout patient qui se présenterait aux urgences (ou en filière spécifique codant du RPU) et qui répondrait à la définition de cas possible d'utiliser un code CIM-10* particulier en diagnostic associé, en complément du diagnostic médical".

Découvrez le témoignage exclusif de Pauline, une infirmière qui a soigné des personnes atteintes par le virus à l'hôpital Bichat.

Quid de la médecine de ville ?

Le document s’adresse également aux professionnels de santé de médecine de ville qui malgré la mise en place d’une filière de prise en charge des patients suspects via l’appel systématique au SAMUpeuvent être confrontés à cette prise en charge. Les professionnels de santé doivent ainsi disposer de masques chirurgicaux, un appareil de protection respiratoire (APR) de type FFP2, des gants non stériles à usage unique… et sont également informés des actions à mettre en œuvre.  Lors d’une consultation en ville, un patient présentant des signes respiratoires infectieux (en particulier une toux), doit être équipé d’un masque chirurgical et le professionnel de santé doit s’assurer de la désinfection de ses mains. Devant toute suspicion d’infection, les soignants prenant en charge un premier patient doivent l’isoler et se protéger. Ils pourront aussi s’appuyer sur une expertise collégiale via une conférence téléphonique, associant le SAMU-Centre 15.

Où qu'elles soient, les infirmières ont le droit d'être protégées sur leur lieu de travail - Conseil International des Infirmières (CII) 

Pour autant, l’Organisation Nationale des Syndicats d’Infirmiers Libéraux (Onsil) s’inquiète, par voie de communiqué, du manque d’informations de la part du ministère et précise que les IDEL n’ont toujours pas accès aux masques préconisés. Les infirmiers libéraux seront aussi concernés de plein fouet, si l’épidémie est avérée sur le territoire et c’est une réelle possibilité (…) en particulier si, dans l’hypothèse la plus pessimiste, les hôpitaux ne peuvent plus répondre aux prises en charge, et en cas de confinements massifs à domicile, expliquent-ils, s’inquiétant, comme les syndicats de médecins, de la préparation réelle des pouvoirs publics face à l’épidémie du coronavirus… 

La crainte de moyens insuffisants pour faire face

Alors que l'hôpital public traverse, depuis près d'un an, une crise sociale sans précédent, due à un manque chronique d'effectifs et de moyens, les soignants en appellent à des effectifs en nombre pour faire face à l’épidémie. Les règles de sécurité (et) de mise en quarantaine justifient plus que jamais des effectifs en nombre dans tous les services, demandaient conjointement le Collectif Inter-Urgences et les médecins du Collectif Inter-Hôpitaux jeudi 27 février. Le Collectif inter-hôpitaux soulignait au passage la fermeture récente de lits par manque de personnels à l'hôpital Bichat, un établissement parisien pourtant habilité Covid-19 par le ministère de la Santé. Le syndicat Sud-Santé des Hôpitaux de Paris (AP-HP) estime aussi que les moyens actuels ne permettront pas une prise en charge optimale de la population dans le cadre d'une épidémie de coronavirus. Cette situation d'urgence doit donc conduire l'AP-HP et le gouvernement à revoir leur copie avant que le pays ne connaisse une catastrophe sanitaire.

Prise en charge et indemnisation des assurés exposés au COVID-19

En vue de contenir la transmission du coronavirus (2019-nCoV), les pouvoirs publics prennent des mesures exceptionnelles. Dans ce contexte, les personnes ayant été en contact avec une personne infectée ou ayant séjourné dans une zone concernée par le foyer épidémique font l’objet d’un dispositif d’isolement. De fait, certaines d’entre elles sont donc empêchées de se rendre sur leur lieu de travail ou de poursuivre leur activité professionnelle.

En application de l’article L.16-10-1 du code de la sécurité sociale, le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus détermine les conditions dérogatoires qui permettent le versement des indemnités journalières aux personnes concernées.

Une circulaire datée du 19 février 2020 de la caisse nationale de l’Assurance maladie présente le dispositif dérogatoire applicable à compter du 2 février 2020 et ce, pour une durée de deux mois, s’appliquant à toute mesure de confinement ou d’isolement sur le territoire français. Il prévoit que les personnes puissent être indemnisées d’un arrêt de travail prescrit dans ce cadre, s’ils exercent une activité professionnelle, sont en situation de chômage indemnisé ou s’ils bénéficient d’un maintien de droit au titre de l’article L.161-8 du code de la sécurité sociale et qu’ils relèvent d’un régime d’assurance maladie français.

L’indemnisation de l’arrêt de travail sera effectuée sur une durée maximale de 20 jours, sans condition d’ouverture de droits et sans application de délai de carence. Les assurés doivent se voir délivrer un avis d’arrêt de travail par un médecin de l’ARS habilité.

Les personnes concernées sont les assurés ayant fait l’objet d’une mesure d’isolement du fait d’avoir été en contact avec une personne malade du coronavirus, ayant séjourné dans une zone concernée par un foyer épidémique de ce même virus et dans des conditions d’exposition de nature à transmettre cette maladie, notamment s’ils sont en contact de personnes sensibles dans le cadre de leur activité professionnelle (personnels hospitaliers, d’EHPAD, de crèches…). De plus, pour limiter tout risque de transmission de la maladie et limiter ainsi la propagation de l’épidémie, le médecin de l’ARS peut prescrire un arrêt de travail au parent d’un enfant ayant été en contact avec un cas confirmé, et qui est contraint de rester à domicile pour garantir l’isolement de son enfant.

Pour en savoir plus

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com