L’endoscopie est une discipline médicale dans laquelle l’infirmier d’endoscopie a un rôle important dans la prise en charge du patient avant, pendant, et après l’examen, dans la désinfection et la maintenance des équipements médicaux, dans l’instrumentation endoscopique. Pour cela, il doit acquérir de nouvelles compétences, les entretenir par une pratique entraînée, connaître et se conformer aux différents textes réglementaires qui régissent l’activité, et enfin, s’adapter dans un domaine professionnel en constante évolution.
La profession d’infirmier en soins généraux est régie par un décret de compétence dans lequel figure une liste restrictive d’actes sur prescription à laquelle l’infirmier ne peut déroger.
Pourtant, l’évolution de certaines disciplines médicales, la pratique de terrain, a nécessité dans certains cas, une implication technique plus importante de la part de l’infirmier. C’est le cas entre autres, de l’endoscopie, encore trop souvent méconnue, car beaucoup ne soupçonnent pas l’éventail de possibilités diagnostiques et thérapeutiques que celle-ci offre.
Le médecin endoscopiste, qui travaille de ses deux mains (une qui maintient l’endoscope et l’autre qui le dirige à l’aide de manettes), se retrouve limité dans l’acte endoscopique... la nature ne l’ayant doté que de deux bras. Alors, quoi de mieux que les mains de l’infirmier, pour manipuler ces outils, et faire se déplacer des canaux opérateurs de plus en plus gros ? Dès lors, on comprend bien l'importance de la formation spécifique à l'endoscopie pour des infirmiers confrontés à des actes qui peuvent s’avérer complexes et délicats, et dont la simple erreur de perception, de précision, de manipulation, peut avoir des conséquences graves pour le patient.
Un binôme médecin – infirmier s’est donc constitué, s’adaptant aux innovations et à cet idéal chirurgical futuriste : intervenir sur la plupart des organes par les voies naturelles, sans cicatrice, sans atteinte à l’intégrité cutanée, et avec des suites opératoires moindres. Bref, une véritable spécialité infirmière est née, dotée d’une pratique et d’un savoir particulier qu’il convient d’exposer.
L’endoscopie concerne différents secteurs médico-chirurgicaux tels que la gastro-entérologie, la pneumologie, l’urologie, les services de réanimation, la cardiologie, la chirurgie viscérale, l’ORL.
Les tâches allouées aux infirmiers en endoscopie peuvent être diverses et variées mais sont généralement communes à de nombreux centres d’endoscopie en France.
Ils sont aidés dans leur pratique professionnelle par les aides soignants en endoscopie dont le travail exclura l’instrumentation et l’application des traitements, et qui seront sollicités pour l’accueil, l’installation du patient, le nettoyage, la désinfection, le stockage des endoscopes.
Ainsi, l’organisation du programme opératoire est souvent établie par l’infirmier en endoscopie. Elle peut s’avérer parfois très compliquée car elle doit tenir compte de nombreux paramètres ; la prise de rendez-vous en fonction de la consultation d’anesthésie, la disponibilité des lits, le nombre d’examens prévus, leur durée, leur degré d’urgence, les exigences des locaux (salle de radiologie), la disponibilité médicale…
Un certain degré de capacité d’organisation est donc requis ainsi qu’un certain savoir être : calme et serein. Trop nerveux et vite excédés s’abstenir… !!
L’accueil, l’information au patient, sa préparation physique mais aussi psychologique, sont des domaines où le rôle propre de l’infirmier en endoscopie s’exerce. Il participe au devoir d’expliquer l’examen et ses risques en vérifiant la bonne compréhension du patient, ceci en respect de la loi du 4 mars 2002. Il doit en outre veiller à son confort, sa sécurité, vérifier le dossier médical et la demande d’examen, les analyses sanguines, s’assurer que la préparation colique a bien été réalisée, que le patient est bien à jeun, et le perfuser au besoin.
Infirmier en endoscopie et IBODE
L’infirmier en endoscopie, outre les connaissances qu’il a acquises lors de sa formation en institut de soins infirmiers, se doit donc d’acquérir de nouvelles compétences qui s’orientent aussi, partiellement, vers l’activité de bloc opératoire.
Pourquoi alors ne pas réserver ce domaine d’activité aux seuls infirmiers de blocs opératoires ?
Parce que l’endoscopie constitue à elle seule un champ d’application suffisamment varié, qu’elle se doit d’avoir des infirmiers alloués à cette seule discipline, suffisamment entraînés, régulièrement sollicités pour « ne pas perdre la main » dans la technique. De plus, il est admis qu’il faut un délai de formation à l’endoscopie, pour un infirmier, qui est au minimum de six mois à un an, ce qui n’est pas du tout le cas des infirmiers de bloc opératoire qui n’effectuent qu’un stage de quinze jours en endoscopie dans leur cursus de formation.
La désinfection et l’hygiène constituent aussi une part importante de l’activité de l’infirmier en endoscopie.
De nombreux textes réglementaires encadrent la désinfection des endoscopes, des locaux, et des dispositifs opératoires. Une connaissance et une application précise de ces textes est indispensable. Dans la lutte qu’opposent les instances médicales et sanitaires (CLIN) aux infections nosocomiales, l’infirmier en est le fantassin, c’est à dire l’acteur de première ligne pour éviter les contaminations, les complications, la propagation des germes.
Il assure la sécurité des patients en appliquant rigoureusement les étapes de décontamination puis de désinfection des endoscopes. Il faut savoir à ce propos qu’un cycle de désinfection est réalisé sur un endoscope avant son utilisation, si celui-ci a plus de douze heures de stockage, de même qu’un traitement complet s’il n’a pas été utilisé depuis plus de 7 jours. Après l’acte endoscopique, un double nettoyage manuel est effectué (brossage, écouvillonnage et irrigation des canaux, puis rinçage), suivi d’une désinfection en laveur désinfecteur selon des cycles bien définis par le « Guide des bonnes pratiques pour l’utilisation des laveurs-désinfecteurs d’endoscopes » de novembre 2003, ou d’une désinfection manuelle ou semi automatique, en conformité avec la circulaire n°591 du 17 décembre 2003, qui constitue une base réglementaire incontournable dans le traitement des endoscopes.
Des niveaux de désinfection (niveau intermédiaire ou haut niveau) sont requis en fonction des endoscopes (gastroscopes, coloscopes, bronchoscopes, choledocoscope…) et de leur utilisation propre (en milieu stérile ou non). Le niveau est défini par le temps d’immersion dans la solution désinfectante.
Les risques de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sont réduits par l’utilisation d’un désinfectant à base d’acide per-acétique, et par une enquête médicale permettant d’évaluer si le patient est suspect d’avoir contracté cette pathologie. Toute suspicion entraîne la séquestration voire la destruction du matériel si celle-ci est avérée, conformément à la circulaire n°138 du 14 mars 2001. Une vigilance accrue, une connaissance et une application précise des procédures, par l’infirmier d’endoscopie, permet de limiter encore ce risque de transmission.
L’infirmier d’endoscopie effectue des prélèvements micro biologiques réguliers sur les endoscopes, sur les laveurs désinfecteurs, sur les points d’eau servant au nettoyage de endoscopes, selon des techniques définies dans un texte de la Direction Générale de la Santé : « Eléments d’assurance qualité en hygiène relatifs au contrôle microbiologique des endoscopes et à la traçabilité en endoscopie » publié en mars 2007.
Il assure une traçabilité des actes d’endoscopie et des désinfections effectuées, assure un stockage rigoureux du parc d’endoscopes.
Le matériel
La maintenance des matériels concerne aussi son activité. Le matériel d’endoscopie est un matériel au maniement délicat, fragile, très coûteux à l’achat et dans sa maintenance, ses réparations… Une habitude à la manipulation, une connaissance de ces dispositifs, par un personnel entraîné, constitue une véritable économie pour un hôpital, car les erreurs, les chocs sont limités et le repérage précoce des défaillances ou des fuites de l’endoscope évitent des pannes aggravées et fort coûteuses.
La relation avec le patient
Après avoir veillé à ce que le matériel requis soit préparé, à disposition pour parer aux besoins et à toutes éventualités (scopie, bistouri électrique…), l’infirmier en endoscopie veille à l’installation du patient qui doit être rigoureuse, adaptée (sur table de scopie, ou brancard, en décubitus dorsal ou latéral….).
L’endoscopie sans anesthésie générale est un examen pénible pour le patient. Par un accueil approprié, une réponse aux éventuelles questions, une main donnée, des conseils soufflés à l’oreille pour mieux supporter l’examen, l’infirmier en endoscopie participe activement à la bonne réalisation de l’acte endoscopique. Il redonne à cet acte invasif une note d’humanité, ce petit air de chaleur, de contact et d’accompagnement qui fait basculer ce dernier, non plus dans l’investigation scientifique désagréable, mais dans le soin attentionné.
Après l’examen, l’infirmier en endoscopie doit surveiller le patient et s’assurer de l’absence de complications.
Parfois, après l’annonce d’un diagnostique douloureux, il peut être amené à répondre à certaines questions qui surviennent encore après les explications du médecin, et tente d’apporter du réconfort…
Les différents prélèvements (biopsies, ponctions…) sont étiquetés, gérés de façon rigoureuse pour être acheminés vers les différents laboratoires d’analyse.
Une transmission des informations sera effectuée à l’unité de soins où sera reconduit le patient.
Les techniques d'intervention
Après quoi il assiste le médecin endoscopiste dans le maniement de dispositifs qui sont de plus en plus diversifiés et complexes.
Ainsi, aujourd’hui, est il possible d’effectuer des biopsies, d’extraire des corps étrangers qu’ils soient ronds, coupants, piquants,.., de faire des ligatures élastiques, d’injecter différents produits médicamenteux, des colles biologiques, d’effectuer des hémostases par des moyens divers (utilisation de la coagulation par plasma d’argon, de sondes bipolaires, de clips….), des polypectomies avec des anses de différents modèles, de tailles diverses, selon des techniques qui varient, de poser des prothèses digestives (duodénales, oesophagiennes, coliques) qui ont, elles aussi, leurs particularités, de poser des sondes de gastrostomie en perforant la paroi abdominale….
Récemment, les techniques de mucosectomie, de dissection, aidées par les progrès de la technique, de l’évolution de l’optique, ont vu le jour et permettent de retirer des lésions digestives planes et/ou de tailles très importantes, évitant ainsi la chirurgie transpariétale.
L’accès aux voies biliaires et pancréatiques à partir du duodénum a ouvert lui aussi un éventail d’action élargi. Ainsi peut-on extraire des calculs des voies biliaires, effectuer des cholangiographies, des pancréatographies, dilater, poser des prothèses, drainer…
Différents organes, tumeurs, ganglions, kystes… avoisinant le tube digestif, sont eux aussi accessibles en écho endoscopie. Une sonde d’échographie est associée au système d’endoscopie. Ainsi peut-on là aussi effectuer des ponctions et des drainages par le biais de prothèses qui vont jusqu’à perforer intentionnellement les parois digestives.
D’autres techniques comme la photothérapie, la radiofréquence, l’entéroscopie, existent. Toutes demandent, de la part du médecin et de l’infirmière en endoscopie, une expertise dans le geste et dans la connaissance du matériel. Les aiguilles, les fils guides, les cathéters, les anses, les dilatateurs etc.… sont autant d’outils qui font le quotidien de l’infirmier en endoscopie et dont celui-ci doit avoir encore une parfaite maîtrise.
Outre l’instrumentation pure, avec un certain degré d’expérience et de connaissance, l’infirmier en endoscopie aide le médecin opérateur à la progression de l’endoscope dans le colon. Par un appui musclé et un positionnement précis des mains sur différentes parties de l’abdomen, Celui-ci prévient l’apparition de « boucles » dans le colon à l’aide de compressions, permettant ainsi la progression parfois difficile de l’endoscope.
Il est à noter aussi que l’endoscopie a une place de premier choix dans certaines situations d’urgence telle que l’hémorragie digestive, l’angiocholite, l’obstruction digestive par corps étranger ou tumeurs. Là encore, rapidité, anticipation, performance dans la technique sont des qualités propres aux infirmiers compétents en endoscopie.
Les équipes d’endoscopie sont donc parfois amenées à se déplacer, avec un matériel spécifiquement dédié à l’urgence, dans d’autres services comme les services de réanimation, le service d’accueil des urgences, d’autres blocs opératoires… Les horaires de temps de travail sont donc adaptés et modulables. Des astreintes infirmières sont parfois mise en place pour des interventions nocturnes ou le week-end.
La discipline de l’endoscopie digestive, classiquement, est associée, sur le plateau technique, aux examens de l’exploration fonctionnelle digestive, à la proctologie.
Certains examens comme la pHmétrie, la manométrie oesophagienne, la manométrie ano-rectale, la vidéo-capsule, le fibroscan, demandent souvent, une participation active de l’infirmier en endoscopie. Son rôle propre sera sollicité notamment dans le cadre de l’accueil, le respect de l’intimité et de la dignité, dans l’installation et le confort du patient, tout en respectant le secret professionnel, Il aura aussi un rôle d’assistant voire d’aide à l’instrumentation.
A noter que, dans le contexte du transfert de tâches, du transfert de compétence, et dans la réflexion menée par l’HAS (Haute Autorité de Santé) sur les nouveaux métiers de la santé, des expérimentations ont été menées, des conclusions ont été tirées, pour que soient confiées à des infirmiers formés à ces techniques et évalués dans leur pratique, la réalisation des pHmétries et des manométries, ou encore des consultations infirmières spécialisées organisées en vue d’une éducation thérapeutique dans des domaines tels que la gastrostomie percutanée, la préparation colique, le suivi d’un traitement...
La question de la revalorisation du métier d'infirmier en endoscopie
Le métier d’infirmier en endoscopique est donc très spécifique. Il devrait être considéré comme une véritable spécialité.
Soutenus par les sociétés savantes médicales, comme la SFED (Société Française d’Endoscopie Digestive) les infirmiers en endoscopie sont en quête d’une véritable identité professionnelle où seraient considérées leurs compétences.
Ces compétences doivent être reconnues, non négligées par les instances administratives, qui prêchent parfois pour la polyvalence infirmière. La pratique de l’infirmier en endoscopie doit être exercée, entraînée, entretenue tant au niveau pratique que théorique par le biais de la formation, pour que soit maintenue, et continue d’évoluer, la qualité des actes et des soins en endoscopie.
Les infirmières en endoscopie qui ont choisi cette discipline professionnelle avouent une grande passion pour leur métier.
En effet, ce travail est dynamique, motivant, palpitant, car il apporte chaque jour ses lots de gratification mais aussi, moins souvent, heureusement, ses lots de déception. Pourquoi ? Parce que la réussite de l’acte d’endoscopie est directement liée à la compétence de l’infirmier en endoscopie. Une prothèse bien positionnée, une voie biliaire drainée, une hémostase efficace et bien gérée, un polype retiré dans la mesure etc.… , et c’est la réussite d’un tandem médecin / infirmier qui ont su, dans l’harmonie des gestes, la précision, la mesure, atteindre leur principal objectif : soigner !
Le GIFE (Groupement Infirmier pour la Formation en Endoscopie) :
Le GIFE, crée en 1983, est une association infirmière régie par la loi 1901, qui regroupe environ 450 adhérents, tous infirmiers en endoscopie.
Son conseil d’administration est constitué de 12 membres bénévoles qui viennent de structures hospitalières différentes, de villes différentes. Son action principale est d’organiser diverses formations sur l’année, d’aborder les aspects théoriques et pratiques liés au travail du soignant en endoscopie digestive et bronchique. Son objectif est d’harmoniser nos pratiques professionnelles, de parfaire nos compétences, de lutter contre les infections nosocomiales, et de faire reconnaître par les instances ministérielles notre spécificité.
Le GIFE est reconnu comme organisme de formation continue. Ses actions sont connues des instances ministérielles, des autres associations professionnelles infirmières, des sociétés savantes médicales en gastro-entérologie, avec lesquels le GIFE collabore.
Son action se situe au niveau national, mais aussi au niveau européen et mondial, car le GIFE collabore avec l’association européenne des infirmières en endoscopie (ESGENA) grâce à la présence d’un représentant au sein de son conseil d’administration, et avec l’association mondiale (SIGNEA) par son adhésion.
Le GIFE s’est doté d’un nouveau site Internet
Webographie
- Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
- Décret 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code
- Circulaire DGS/5 C/DHOS/E 2 n° 2001-138 du 14 mars 2001 relative aux précautions en vue de réduire les risques de transmission d’agents transmissibles non conventionnels.
- Circulaire DHOS/E 2/DGS/SD 5 C n° 2003-591 du 17 décembre 2003 relative aux modalités de traitement manuel pour la désinfection des endoscopes non autoclavables dans les lieux de soins.
- Guide des bonnes pratiques pour l’utilisation des laveurs-désinfecteurs d’endoscopes de novembre 2003.
- Eléments d’assurance qualité en hygiène relatifs au contrôle microbiologique des endoscopes et à la traçabilité en endoscopie de mars 2007
Olivier SYLVANT
Secrétaire adjoint du GIFE
Article corrigé par Agnès LICHERE et Claire MICHEL ; Présidente et Vice-présidente du GIFE
sylvant.olivier@wanadoo.fr
Article mis à jour par Cyril JOANNES, rédacteur pour infirmiers.com
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