C’est à la suite d’un énième recours au 49.3 qu’a été adopté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023 (PLFSS 2023), le 30 novembre en lecture définitive à l’Assemblée nationale. Pour la septième fois, et la cinquième rien que pour ce texte de loi, Elisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement, entraînant le dépôt d’une nouvelle motion de censure de la part de la NUPES, ayant tout aussi peu de chances d’aboutir que les précédentes. Son rejet le 2 décembre au soir permet de facto de valider ce PLFSS. Conformément aux promesses formulées par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, le PLFSS 2023 prétend mettre l’accent sur la prévention et sur l’accès aux soins, et ce alors que François Braun doit faire face à plusieurs mouvements de contestation, aussi bien chez les médecins (internes et libéraux) que chez les biologistes.
Une extension des compétences des infirmiers
Dans la lignée de l’avis rendu par la Haute autorité de santé (HAS) en janvier 2022, le PLFSS 2023 prévoit dans son Article 33 une extension des compétences vaccinales des infirmiers, mais aussi des pharmaciens et des sages-femmes. Ils pourront ainsi prescrire et administrer un certain nombre de vaccins (vaccins DTP, hépatites A et B, grippe, méningocoques…). Autre avancée, celle sur la réalisation des certificats de décès, réclamée de longue date par la profession, notamment dans les zones sous-dotées en personnel médical. « À titre expérimental, pour une durée d’un an, l’État peut autoriser les infirmières et les infirmiers à signer les certificats de décès », indique ainsi le texte de loi. Les frais relatifs à l’examen nécessaire à l’établissement du document seront pris en charge par le fonds d’intervention régional, sur la base d’un forfait qui doit encore être défini.
Cette expérimentation se déroulera dans six territoires, et devra ensuite faire l’objet d’un rapport d’évaluation auprès du Parlement au plus tard trois mois après son terme pour une éventuelle généralisation. Enfin, sur l’organisation de la permanence des soins, « les médecins, les chirurgiens- dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État [en] sont responsables collectivement », note le PLFSS. Les professionnels libéraux ont donc « vocation à concourir à la mission de service public de permanence des soins ». Les conditions de rémunération, elles, seront « fixées par décret ».
• Le texte table sur un déficit de 6,8 milliards d’euros en 2023, soit une nette amélioration par rapport à 2022 (18,9 milliards selon le prévisionnel).
• L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est fixé à 244 milliards d’euros, soit une progression de 3,7%, hors dépenses liées au Covid.
• 30 milliards d’euros seront consacrés à la branche autonomie.
Un pas vers l’accès direct
S’il y a une évolution que les infirmiers attendent, c’est bien l’accès direct, qui permettrait aux patients d’entrer dans un parcours de soin en consultant d’autres professionnels de santé que les médecins. Une urgence, dans des territoires où la démographie médicale rend l’accès aux soins de qualité de plus en plus difficile. Pour les infirmiers en pratique avancée, cette possibilité pourrait bientôt se concrétiser. « Pour une durée de trois ans et à titre expérimental, l’État peut autoriser les infirmiers en pratique avancée à prendre en charge directement les patients dans le cadre des structures d’exercice coordonné », déclare en effet l’Article 40. Il ajoute que cette prise en charge doit s’accompagner d’un compte-rendu des soins réalisés par l’IPA adressé au médecin traitant et ajouté au dossier médical partagé de chaque patient. Trois territoires seront identifiés pour la mise en œuvre de cette expérimentation, et ses modalités seront définies par décret après avis de la HAS. Là encore, le gouvernement aura à présenter un rapport d’évaluation au Parlement, au plus tard 6 mois avant son terme. À noter cependant que les IPA sont toujours en attente de la mise en œuvre de l’expérimentation de la primo-prescription, validée dans le PLFSS 2022 et prévue pour 2023.
Le texte mentionne l’instauration « d’un ratio minimal d’encadrement des résidents par le personnel soignant d’au moins six professionnels pour dix résidents ».
Prévention, grand âge et accès aux soins
Plus largement, le texte entérine également le principe des consultations gratuites aux trois âges clés de la vie, voulues par le gouvernement dans une logique de renforcement de la politique de prévention. Elles pourront donner lieu « à des consultations de prévention et à des séances d’information, d’éducation pour la santé, de promotion de la santé et de prévention » et devront être adaptées aux besoins de chaque patient, précise-t-il. Toujours pour lutter contre les inégalités sociales, la contraception devient gratuite pour toutes les femmes, sans prescription médicale.
Autre mesure souvent réclamée par les professionnels de santé : l’établissement d’un ratio soignants/soignés dans les EHPAD. Le texte mentionne ainsi l'obligation pour le Gouvernement de produire, dans un délai de 3 mois, un rapport devant le Parlement évaluant les effets de l’instauration « d’un ratio minimal d’encadrement des résidents par le personnel soignant d’au moins six professionnels pour dix résidents ». Encore faut-il que les effectifs en poste puissent répondre à cette exigence. La trajectoire de l’ONDAM intègre toutefois en parallèle un plan de recrutement de 50 000 infirmiers et aides-soignants pour ces structures d’ici 2027 (avec un objectif fixé à 3 000 en 2023). Elle prévoit par ailleurs la création de 4 000 places supplémentaires dans les services d’aide à domicile, accompagnée de la poursuite de la réforme sur la tarification des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), dans le but de favoriser le « bien vieillir » à domicile.
Le gouvernement entend également encadrer plus fermement le recours aux jeunes intérimaires : ceux-ci ne pourront exercer en tant qu’intérimaires qu’à condition d’avoir au préalable exercé une certaine durée dans un cadre autre que l’intérim. Un contrôle qu’il justifie par le coût qu’induit le recours aux intérimaires, estimé à 1,4 milliard d’euros en 2018.
Enfin, côté médecins, l’Article 37 stipule que les étudiants auront à réaliser une quatrième année de stage, « dans des lieux agréés en pratique ambulatoire dans lesquels exercent un ou plusieurs médecins généralistes » et en priorité dans les zones sous-dotées. Le texte autorise toutefois que le stage s’effectue, par dérogation et à titre exceptionnel, en milieu hospitalier ou extrahospitalier. Cette réforme, associée à celle relative à l’intérim, provoque depuis 2 mois l’ire des internes en médecine, qui y voient une future contrainte à l’installation et un facteur de perte d’attractivité du métier.
Un texte particulièrement contesté
L’adoption du texte s’est déroulée dans un climat de tension entre la majorité présidentielle et les oppositions. En ouverture de séance, la NUPES, par la voix de Raquel Garrido (La France Insoumise), a déposé une motion de rejet préalable en prévision d’un nouveau 49.3. « Le 49.3 est une arme qui cible la démocratie et la nation ici assemblée », a-t-elle dénoncé lors de sa prise de parole. La défiance s’est étendue jusque dans les rangs des Républicains (LR), qui ont critiqué un PLFSS « insincère, méprisant pour les acteurs de terrain et déconnecté de la réalité. » Un peu plus tôt dans le mois, la fronde s’était également manifestée au sein du Sénat. Echaudés par un passage en première lecture le 15 novembre dernier où la plupart de leurs propositions avaient été balayées par la majorité, les Sénateurs avaient expédié leur second examen du texte, le 29 novembre. En cause : le probable recours à un nouveau 49.3 qui rendait tout débat caduc. « Il est temps de considérer que poursuivre la navette parlementaire ne servirait plus à grand-chose », avait ainsi tranché la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Elisabeth Doineau (groupe Union Centriste).
Dans les rangs de Renaissance, on s’est en revanche félicité de son contenu. « De ces dernières semaines, j’en suis convaincue, nos concitoyens retiendront les mesures déterminantes que nous avons soutenues, et non les péripéties d’un triste spectacle politicien multipliant les motions de censure et autres entraves à l’avancée de nos travaux », a réagi Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale. Elle a ainsi salué un PLFSS qui soutient trois ambitions : « un véritable virage de la prévention ; une amélioration de l’accès de nos concitoyens aux soins et aux prestations sociales ; des comptes sociaux tenus. »
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