« Prendre soin de ceux qui nous soignent est un devoir. Un devoir auquel nous devons répondre ensemble. » C’est par ces mots introductifs qu’Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, a ouvert la conférence dédiée à la santé des professionnels de santé*. « Notre système de santé connaît une situation dégradée », après une crise Covid qui a mis en exergue ses fragilités et provoqué un phénomène de surmenage chez l’ensemble des soignants. Avec des impacts physiques et psychiques importants qui conduisent « un quart des professionnels de santé à se dire en mauvaise santé », et une perte significative d’attractivité des métiers du soin, qui faisaient pourtant encore partie il y a peu « des métiers les plus valorisés. » Face à ce marasme, elle a donc annoncé le lancement d’un vaste chantier pour agir sur ces risques psycho-sociaux, physiques et sanitaires, en parallèle de celui dédié à la sécurité et la prise en charge des violences faites aux soignants.
Un état des lieux via un questionnaire national
Première étape : la mise en œuvre d’une « enquête nationale » à laquelle est invité à répondre l’ensemble des professionnels de santé. Coconstruite avec les fédérations hospitalière de France (FHF), de l'hospitalisation privée (FHP), des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires, Unicancer, le Groupe SOS, la Croix-Rouge ou encore des organisations représentatives des professionnels de santé, elle prend la forme d’un questionnaire en ligne sur le site du ministère d’une quarantaine de questions et entièrement anonymisé. Les soignants auront jusqu’au 23 avril pour y répondre. Il s’agit ici de « les solliciter directement pour montrer à chacun que l’on souhaite apporter des réponses », a commenté la ministre.
L’enjeu est de documenter notre connaissance et coconstruire avec les professionnels de santé des mesures qui apporteront des réponses à leurs besoins.
Ce questionnaire, a-t-elle précisé, doit répondre à plusieurs enjeux, le premier étant de fournir des données fines, condition sine qua non à l’élaboration et la mise en place d’actions adaptées. Ce travail de recherche doit ainsi permettre de « documenter de façon robuste notre connaissance et coconstruire avec les professionnels de santé des mesures qui apporteront des réponses à leurs besoins de santé. » L’enquête représente aussi l’opportunité de « recenser les bonnes pratiques » qui existent déjà et de les partager, et « d’analyser les conditions d’un accès amélioré et élargi à la santé du travail ». L’analyse des données doit ensuite conduire à l’édification d’une feuille de route.
Un trio à la tête de la mission
Pour chapeauter le chantier et mener à bien ces travaux, Agnès Firmin-Le Bodo a désigné trois professionnels de santé : les docteurs Philippe Denormandie, chirurgien neuro-orthopédique et directeur relations santé du groupe MNH, et Marine Crest-Guilluy, médecin généraliste, co-fondatrice de l’association « Guérir en mer », ainsi qu’Alexis Bataille-Hembert, infirmier et porte-parole du programme de recherche Chaire de design d'expérience soignants. « Nous allons nous intéresser à tous les professionnels de santé, capitaliser sur les initiatives existantes […]. L'idée est de faire remonter les bonnes idées pour qu’on soit là en soutien au ministre », a expliqué Philippe Denormandie. « Il faut qu’on chasse en meute. » Un accent sur le collectif sur lequel parient l’ensemble des participants. « Nous n’avons plus le temps d’attendre », a martelé Marine Crest-Guilluy. « Avec cette mission, l'objectif est de s'organiser et de réfléchir ensemble à ce qui peut être fait. » Une adresse mail (contact@santedessoignants.fr) a été mise en place pour recueillir les réflexions et idées des professionnels de santé. « Nous nous engageons à y répondre », a assuré la médecin.
On mesure la force du déni des soignants lorsqu’ils perdent pied.
Les trois tables rondes organisées au cours de la conférence ont permis de présenter un certain nombre d’initiatives existantes tant dans la collecte de données sur la santé des professionnels de santé que sur l’amélioration de leurs conditions de travail. Outre la FHF, venue défendre de nouveau son plan ambitieux de recrutement, plusieurs associations et organisations ont fait le point sur les mesures qu’elles mettent déjà en place.
- La FHP, représentée par Béatrice Noellec, directrice des Relations institutionnelles, a ainsi défendu le temps managérial consacré le matin à régler les « irritants du quotidien » et sur les lieux dédiés aux projets de soin à destination des professionnels en détresse psychique adaptés à leurs contraintes.
- Aurélien Cardat, de l’Association française des directeurs de soins, mise, lui, sur l’aide des pairs et la sollicitation des compétences présentes dans les établissements pour accompagner les professionnels (avec le dispositif « Baby Zen » pour les soignantes avant et après accouchement, ou « Aidant Zen » qui participe à faire connaitre les structures de soutien aux aidants).
- Une philosophie que met aussi en avant le groupe associatif SOS Santé : « Nous avons des compétences et des expertises (qualité du sommeil, activité physique adaptée…) que nous pouvons fournir à nos soignants » au sein d’espaces dédiés à la prévention et aux soins, a ainsi listé Pierre Lespagnol, son directeur général délégué.
Il est important de déterminer les ressorts profonds qui font que les professionnels négligent leur santé.
La santé des soignants, un tabou encore pesant
En filigrane, ces travaux ont une seconde ambition : lever le tabou qui règne encore au sein du secteur sur la santé de ses professionnels et qui représente l’une des difficultés pour mieux penser leur prise en charge. « On mesure la force du déni des soignants lorsqu’ils perdent pied », a observé Agnès Firmin-Le Bodo. Un sentiment d’invulnérabilité, des facteurs générationnels, les plus anciens n’ayant pas pris l’habitude de s’interroger sur leur santé, ou encore la peur d’une brèche de confidentialité qui les dissuade de faire appel à la médecine du travail sont quelques-unes des raisons qui ont été avancées par les différents intervenants pour expliquer de manque de considération des soignants pour leur propre santé. « Il est important de déterminer les ressorts profonds qui font que les professionnels négligent leur santé », a ainsi défendu Philippe Denormandie. « L’idée est de montrer que le sujet n’est pas tabou. C’est un enjeu majeur », a conclu la ministre.
Agnès Firmin-Le Bodo a signé un partenariat avec l’association « Solidarités avec les soignants » fondée par l’humoriste Anne Roumanoff au moment de la crise sanitaire. À l’origine créée pour rassembler des fonds afin de fournir des masques et des équipements aux professionnels de santé au plus fort de la pandémie, celle-ci se consacre aujourd’hui à l’amélioration de leurs conditions de travail. Elle aménage notamment les salles de repos pour les rendre plus accueillantes. En tout, ce sont « 2 800 salles de repos que nous avons accompagnées dans toute la France », a détaillé le comédien Cédric Monnet, également membre de l’association, qui cite également comme exemple la mise en place d’une conciergerie au CHU de Bordeaux chargée, entre autres, de récupérer les courses de l’ensemble des professionnels de l’établissement en fonction de leurs contraintes horaires.
*Conférence de presse du 30 mars au ministère de la Santé.
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