Plus de 8 personnes sur 10 éligibles à l’aide médicale d’État (AME) n’y ont en réalité pas recours, déplore un rapport de l’ONG Médecins du monde, publié ce mercredi 18 octobre. Pour rappel, le dispositif, mis en place en 2000 à destination des travailleurs sans papier exclus de la couverture sociale de l’Assurance maladie, permet aux étrangers en situation irrégulière et présents en France depuis au moins 3 mois de bénéficier d’une prise en charge de leurs soins.
Une méconnaissance du dispositif pointée du doigt
Sur le terrain, indique l’ONG, « près de 87% » des personnes éligibles « n’ont pas de droits ouverts en France, preuve s’il en est de la complexité de son obtention ». Pour parvenir à ce pourcentage, elle s’est appuyée sur un échantillon de 17 093 personnes, accueillies en 2022 dans 14 centres de soins et d’orientation fréquentés à 98% par des immigrés. Le non-recours à l’AME s’explique essentiellement par la méconnaissance du dispositif de la part des personnes immigrées. Peuvent également être concernées « des personnes en France depuis des années, soit parce qu’elles n’ont jamais été malades, soit parce qu’elles se sont débrouillées par automédication », ajoute le Dr Jean-François Corty, vice-président de Médecins du Monde. Et même lorsqu’elles connaissent l’AME, « plus de 20% des personnes renoncent aux droits en raison de la complexité administrative pour y accéder ».
Selon lui, « 50% des personnes » prises en charge « accusent un retard de recours aux soins », et « 80% ont de vraies maladies qui nécessitent une prise en charge rapide ». « Le dispositif AME n'est pas abusif, il répond à des standards de prévention nécessaires et utiles », défend-il. Le supprimer au profit d’un dispositif d’urgence n’aurait pas de sens – une proposition de Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui s’inscrit dans le projet de loi sur l’immigration et que dénoncent associations et professionnels de santé – pointe-t-il.
Un dispositif régulièrement menacé de suppression
« La réalité est loin des discours hystériques et manipulateurs autour de ce dispositif de santé publique », estime-t-il. Il fait ici référence à l'antienne de la droite et de l’extrême-droite qui tentent régulièrement d’imposer une restriction drastique du recours au dispositif. Au cours de la dernière campagne présidentielle, Marine Le Pen, la candidate du Rassemblement national, en avait ainsi proposé la suppression pure et simple. Les arguments avancés par les opposants de l’AME sont effectivement purement budgétaires. Or, martelait Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement et ancien ministre de la Santé, la semaine précédant la publication du rapport de Médecins du monde, l’AME « ne constitue pas un appel d’air ». De son côté, la Première ministre Elisabeth Borne a toutefois jugé « légitime de réinterroger » le dispositif. Deux personnalités politiques, Patrick Stéfanini, marqué à droite, et l'ancien député socialiste Claude Evin ont été missionnés sur le sujet. Ils auront à rendre un pré-rapport le 2 novembre, soit quatre jours avant l'ouverture du débat parlementaire. Selon Médecins du monde, l’AME compte 400.000 bénéficiaires, pour un coût d'environ 1,2 milliard d'euros.
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