64% des infirmiers insatisfaits dans leur travail
Seuls 3% des sondés se disent très satisfaits et 33% plutôt satisfaits contre 22% insatisfaits et 42% plutôt insatisfaits . Des chiffres qui pointent une majorité d'infirmiers qui répondent donc par la négative, soit plus de la moitié des professionnels en exercice et à seulement 36% les salariés qui se montrent positifs lorsqu'il s'agit d'évoquer leur situation professionnelle. Un écart notable avec le taux de satisfaction dans la population générale. A savoir, sur l'ensemble des actifs français, seuls 3% se déclarent très insatisfaits, et 74% des salariés satisfaits(comparatif norme IFOP 2022).
A souligner également : le chiffre particulièrement bas (3%) des infirmiers très satisfaits de leur situation, inférieur de 10 points à celui des actifs (13% de très satisfaits). Les professionnels libéraux sont quant à eux les moins satisfaits (ils sont 81% à évoquer davantage d’éléments négatifs) : délaissés par le Ségur de la santé, ils exercent aussi de manière plus solitaire.
Un sentiment d'insatisfaction qui augmente avec l'âge
Pour affiner quelque peu ces résultats, les hommes s’estiment légèrement plus satisfaits que les femmes avec respectivement 39% contre 36% de satisfaction. Par ailleurs, la satisfaction décroit avec l’ancienneté : on comptabilise ainsi 42% de satisfaits parmi les professionnels avec moins de 10 ans d’ancienneté, un chiffre qui tombe à 33% chez les professionnels qui exercent depuis plus de 10 ans. Le rythme de travail influe également sur le degré de satisfaction des infirmiers en poste : les professionnels qui travaillent en horaires décalés (nocturne, fractionné, férié ou week-end) sont plus insatisfaits que leurs pairs qui travaillent sur des rythmes conventionnels. Ainsi, les infirmiers qui travaillent en horaires atypiques (soit 81% des infirmiers) sont seulement 34% à exprimer leur satisfaction contre 45% des infirmiers en horaires fixes.
Seuls 36% des infirmiers et infirmières déclarent être satisfaits de leur situation professionnelle actuelle, un chiffre inférieur de moitié à la moyenne des salariés français.
Manque de reconnaissance et surmenage
Si la dimension relationnelle reste au cœur des motivations à exercer cette profession, le sentiment d’isolement, mais surtout le stress, la fatigue et le manque de reconnaissance définissent l'état d’esprit quotidien au travail. Ainsi, sur le plan de l’état d’esprit, seuls deux termes reflètent les réponses positives des infirmiers : 68% des infirmiers sont ainsi fiers de leur métier et 74% d’entre eux s’estiment bientraitants dans leur travail. Pour le reste des réponses, la proportion de termes négatifs l’emporte : les IDE se sentent ainsi isolés (55%), stressés (77%), incompris (73%), non-reconnus (84%) et fatigués (94%).
Quelques chiffres évocateurs encore autour de la satisfaction : parmi toutes les dimensions testées, pas une, d’abord, ne récolte un score plus élevé chez les infirmiers que parmi les salariés français. Ainsi, seuls 41% des infirmiers ont le sentiment d’avoir trouvé un équilibre entre vie personnelle et professionnelle, contre une proportion de 76% des salariés français (comparatif norme IFOP 2021), 31% sont satisfaits des possibilités d’évolution professionnelle contre 51% au sein des actifs et 19% des infirmiers s’estiment bien accompagnés dans la gestion de leur parcours professionnel contre 57% des actifs. Enfin, seuls 5 items sur les 14 évoqués (ambiance de travail, rémunération…) obtiennent la moyenne pour les infirmiers.
Les infirmiers libéraux particulièrement insatisfaits
Sur l’état d’esprit, la négativité des infirmiers libéraux est globalement plus forte que celle des autres professionnels (les IDEL sont 81% à évoquer plus d’éléments négatifs tandis que cela concerne 68% des infirmiers hors structure hospitalière et 69% des salariés hospitaliers. De même, les célibataires ainsi que les aidants sont également 74% à citer plus d’éléments négatifs, contre 71% des infirmiers en couple et 70% des non-aidants. Enfin, le rythme de travail joue également un rôle incontestable dans la perception de l'état d’esprit au travail : ceux qui travaillent avec au moins un rythme de travail décalé, fractionné, nocturne, etc. sont plus nombreux (73%) à citer plus d’éléments négatifs que ceux qui exercent sur des des rythmes conventionnels (66%) .
Seuls 14% des infirmiers et infirmières considèrent leur métier comme valorisant – en lien avec une insatisfaction massive vis-à-vis de la reconnaissance de leur travail.
Quel regard porté sur le choix de ce métier ?
Parmi les éléments les plus motivants dans l’exercice de leur métier, les soignants continuent de mettre d'abord en avant la relation qu’ils développent avec leurs patients (61% de citations, dont 29% en premier), et valorisent le fait que le métier met l’humain au centre des priorités (45% de citations, dont 20% en premier). En bas du podium, 34% des infirmiers et infirmières mentionnent les relations qu’ils entretiennent avec leur équipe (dont 8% en premier). La diversité des soins réalisés, les missions variées au quotidien et le caractère indispensable du métier pour le bon fonctionnement de la société sont ensuite valorisés par environ 3 infirmiers sur 10 (respectivement 34%, 33% et 28% de citations au total), tandis que 21% considèrent leur métier comme une « vocation ». Enfin, seuls 14% des infirmiers et infirmières considèrent leur métier comme valorisant – en lien avec une insatisfaction massive vis-à-vis de la reconnaissance de leur travail évoquée plus haut –, 5% citent une autre motivation et 2% n’en mentionnent aucune.
Un niveau élevé d'absentéisme
60% des infirmiers et infirmières déclarent avoir été arrêté au moins 1 jour depuis le début 2022, soit un score supérieur de 10 points à la moyenne des salariés français. Plus précisément, ils sont 12% à avoir été arrêtés sur une durée courte ou perlée (entre 1 jour et 4 jours), 35% à avoir été arrêtés sur une durée moyennement longue (entre 5 jours et 49 jours), contre 27% de l’ensemble des salariés français, et 14% à s’être arrêtés sur une longue durée – 50 jours ou
plus, soit un chiffre deux fois plus élevé que la moyenne des salariés français. Au total, le nombre moyen de jours d’arrêt s’élève à 17 jours pour les infirmiers, contre 9,7 jours pour l’ensemble des salariés français. A noter : cet indicateur pourrait s’avérer sous-évalué par rapport à la réalité : en effet, une partie importante des infirmiers et infirmières, tels que les libéraux par exemple, sont le plus souvent contraints à continuer de travailler alors même qu’ils souhaiteraient ou devraient s’arrêter, à cause des problématiques de remplacement que rencontrent le secteur.
Parmi les motifs d’arrêt évoqués, on retrouve différentes causes : 41% font suite à une ou plusieurs contaminations dues au Covid-19, 26% à des risques psycho-sociaux comme les situations de stress mais aussi les burn-out, dépressions liés à l’épuisement professionnel, le surmenage et la fatigue accumulée. 21% déclarent ensuite s’être arrêtés en raison de maladies saisonnières ou dites ordinaires et 15% en raison de troubles musculosquelettiques.
Et si c'était à refaire ?
A la question de savoir s’ils referaient le métier d’infirmier, les IDE sont seulement 40% à répondre par la positive dont seulement 13% « oui, tout à fait ». A l’inverse, ils sont 60% à déclarer qu’ils ne choisiraient plus ce métier dont 25% qui ne le referaient « pas du tout », un chiffre témoignant d’une crise profonde. L’utilité sociale de leur métier, qui fait l’unanimité chez les infirmiers, ne semble donc pas compenser la perte de sens. Parmi eux, là encore, les aidants et les infirmiers libéraux sont légèrement surreprésentés (63%). C’est également le cas des infirmiers travaillant dans le secteur privé (64%) et hors structure hospitalière (67%). A l’inverse, les 18-24 ans restent les plus motivés : les plus jeunes dans le métier sont ainsi sous-représentés parmi ceux qui choisiraient de ne plus refaire ce métier (52%).
65% des infirmiers ne choisiraient plus le métier d’infirmier s’ils avaient la possibilité de revenir un arrière.
Les infirmiers sceptiques sur la politique menée
Interrogés sur l’efficacité des différentes mesures prises par Emmanuel Macron et son gouvernement pour réformer le système de santé, les infirmières et infirmiers se montrent particulièrement critiques. Pour autant, les mesures perçues comme les plus efficaces concernent d’abord l’augmentation du nombre de médecins: formation de nouveaux médecins (49%) et suppression du numerus clausus (45%). Viennent ensuite l’extension des prérogatives des infirmières et infirmiers via la création du métier d’IPA (44%) et de l’augmentation du pouvoir décisionnel des soignants (40%). La thématique de la revalorisation de la rémunération n’arrive donc qu’en troisième position en termes d’efficacité : 40% jugent efficace la revalorisation du point d’indice, 38% jugent efficace la revalorisation du travail de nuit à l’hôpital et 34% la revalorisation des soignants hospitaliers suite au Ségur de la Santé.
Par ailleurs, les solutions jugées prioritaires par plus des deux tiers des répondants ont en commun l’amélioration des conditions de travail : 95% attendent une augmentation des effectifs, 89% une augmentation de la rémunération, 75% attendent un changement des méthodes de management, 72% une réduction de la charge administrative et 69% une augmentation des moyens matériels.
Les étudiants plus satisfaits mais impréparés
Si les 18-24 ans apparaissent globalement comme les plus satisfaits dans cette étude, un chiffre tranche : ils sont toutefois les plus nombreux (80%) parmi les catégories d’âge à éprouver des difficultés physiques et psychologiques au travail, avec un écart de 11 points par rapport à la moyenne, et ce qui soulève la question du manque de préparation des étudiants à la réalité de l’exercice. Si l'enquête révèle aussi que les étudiants établissent des limites plus claires entre la vie professionnelle et la vie personnelle, ils sont 60% à avoir été arrêtés au moins 1 jour depuis le début de l'année 2022.
Sur les bancs des IFSI, les étudiants en formation d'infirmier sont trois fois plus nombreux à abandonner en première année en 2021 qu'en 2011, selon une étude1 publiée jeudi 11 mai par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). 10% des étudiants en première année de formation ont ainsi abandonné leurs études en 2021 alors qu'ils n'étaient que 3% en 2011.
Conditions de l’étude réalisée par l'Ifop pour Charlotte K
Le 6 mars dernier, le collectif Charlotte K lançait avec ses partenaires, l'association Soins aux professionnels de la Santé(SPS) et notre site, Infirmiers.com, une grande enquête nationale IFOP sur le vécu des infirmiers et des infirmières au travail, avec plusieurs objectifs : recueillir des informations complètes sur le ressenti des infirmiers dans leur milieu professionnel, sur leurs besoins et leurs attentes, mais aussi porter la parole des IDE français en obtenant un maximum de réponses. L'idée également : initier le dialogue pour enfin trouver des solutions concrètes et pérennes au problème de la dégradation des conditions d'exercice.
- Echantillon
L’enquête a été adressée à la communauté d’infirmiers en ligne de Charlotte K. Parmi elle, 4 183 infirmiers ont répondu à l’enquête.
- Méthodologie
La représentativité de l’échantillon a été assurée par un redressement effectué sur la base des statistiques de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) sur les critères de sexe, d’âge et de mode d’exercice (exercice en hôpital, hors structure hospitalière, en libéral ou mixte).
- Mode de recueil
Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 6 au 30 mars 2023.
1 - SPS est une association qui vient en aide aux professionnels de la santé et aux étudiants.
Retrouvez tout le détail des résultats sur le site du collectif Charlotte K.
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