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IBODE

« Le seul motif de refus de la nouvelle bonification indiciaire aux infirmiers de bloc opératoire est financier »

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Publié le 08/02/2022

Maître Haïba Ouaissi est l’avocat chargé de défendre les infirmiers de bloc opératoire qui réclament la nouvelle bonification indiciaire. Il revient sur les procédures en justice qui ont poussé vers la généralisation de son versement et les modalités pratiques pour l’obtenir.

En juillet et novembre 2021, les tribunaux administratifs de Marseille et de Lille ont statué en faveur du versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et de sa rétroactivité aux infirmiers de bloc opératoire (IBODE) de deux établissements hospitaliers. Des décisions qui ont depuis conduit Olivier Véran, le ministre de la Santé, à généraliser son attribution à l’ensemble des professionnels de la spécialité. Il met ainsi fin à certaines disparités de traitement entre structures, découlant de différences d’interprétation de la loi encadrant le dispositif. Maître Haiba Ouaissi, avocat au sein du cabinet Cassius Avocat et spécialisé en droit du travail, a été mobilisé au printemps 2021 par le Collectif Inter-Bloc, qui porte le sujet depuis 2019. Il apporte son éclairage sur les aspects juridiques de ces affaires.

 

Comment expliquer les différences d’interprétations de la loi par les établissements mais aussi le positionnement de la DGOS, qui s’est prononcée contre le versement de la NBI aux IBODE ?

Normalement, le versement de la NBI est de droit et aurait dû être réalisé par tous les centres hospitaliers. Certains l’attribuent effectivement aux IBODE ; d’autres l’ont supprimée avant ou après le stage effectué au cours de la formation pour le devenir. Enfin, une troisième catégorie d’établissement l’a supprimée au cours de la carrière de leurs IBODE. C’est-à-dire que certains professionnels l’ont perçue pendant quelques temps avant de la perdre du jour au lendemain, sans raison.

Pour moi, ce sujet ne souffre d’aucune difficulté d’interprétation. Le seul motif justifiant le refus de verser la NBI n’est pas juridique mais financier. Et je ne suis pas le seul à le penser ; de nombreux avocats, des assurances de protection juridique, des professeurs de droit le confirment. Ce qui explique que certains CH ne suivent pas la DGOS dans ses hésitations. Et suite à ces décisions de justice, plusieurs établissements ont choisi de verser la NBI avant que l’affaire ne soit portée devant les tribunaux et débouche sur une condamnation.

La NBI n’est pas liée à un corps d’appartenance ni à un grade, mais uniquement aux emplois qu’occupent les agents.

 

Comment les procédures se sont-elles déroulées ? Quels arguments avez-vous fait valoir ?

La première étape consiste à réaliser un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), sans lequel on ne peut saisir le tribunal administratif. Il s’agit d’un courrier recommandé envoyé à la direction du CH concerné qui précise les articles de loi prévoyant le versement de la NBI, le montant demandé ainsi que la rétroactivité sur les 4 dernières années et l’année en cours. Deux options s’ouvrent alors. Soit la direction accepte de verser la NBI et la procédure prend fin. Soit elle refuse le recours ou ne répond pas pendant deux mois. Dans ce cas, le tribunal administratif est saisi par un avocat afin de réclamer le versement de la NBI et sa rétroactivité, mais aussi le remboursement des frais de procédure engagés par les IBODE.

Nous sommes partis du raisonnement suivant : pour nous, la NBI n’est pas liée à un corps d’appartenance ni à un grade, mais uniquement aux emplois qu’occupent les agents. Les infirmiers qui exercent en bloc opératoire, qu’ils soient infirmiers en soins généraux, à titre exclusif, ou IBODE, le font dans les mêmes conditions. La NBI est donc due aux IBODE à ce titre. Et ce raisonnement a été confirmé dans les mêmes termes par les tribunaux administratifs de Marseille, le 12 juillet 2021, et de Lille, le 25 novembre de la même année.

Les annonces d’Olivier Véran relatives à la généralisation de l’attribution de la NBI ont-elles un impact sur vos actions ?

L’annonce de M. Véran est uniquement liée aux décisions de justice, qui ont condamné le ministère de la Santé à verser la NBI avec rétroactivité. Il applique juste la jurisprudence, mais de manière partielle puisqu’il a décidé d’attribuer uniquement la NBI après avril 2022. Or la loi est très claire : le texte du 31 décembre 1968 prévoit la rétroactivité sur 4 ans. Sa déclaration a toutefois un impact très positif sur nos actions car elle confirme que nous sommes dans notre bon droit. Elle nous donne des arguments et des éléments complémentaires et la condamnation du ministère de la Santé par la justice n’en sera que plus facilitée. Elle confirme également que nous devons poursuivre nos actions relatives à l’attribution de la rétroactivité.  Nous allons donc poursuivre l’ensemble de nos dossiers actuels, car il est nécessaire que le préjudice subi par les IBODE soit indemnisé. Pour les plus anciens, le montant équivaut environ à 5 000 euros. Nous sommes par ailleurs obligés de continuer afin que cette rétroactivité soit incluse dans le calcul des pensions de retraite. Enfin, certains IBODE que nous représentons ont plus de 20 ans de carrière. Aussi demandons-nous une indemnisation pour les préjudices subis liés au préjudice de carrière, et notamment l’absence de prise en compte dans le calcul de ces pensions des montants qu’ils auraient dû percevoir au cours des années précédant les 1er janvier 2016 ou 2017, dates auxquelles nous remontons en fonction de nos actions pour le versement de la rétroactivité.

Prévoyez-vous des difficultés particulières dans vos actions futures ?

Des deux hôpitaux jugés, seul celui de Gap, le CHICAS, a fait appel auprès de la Cour administrative d’appel de Marseille. Mais il n’apporte pas d’élément nouveau. La décision du tribunal de Lille, elle, fait jurisprudence car elle n’a fait l’objet d’aucun appel. L’hôpital de Hazebrouck, qui était concerné, a reconnu que nous étions dans notre bon droit. Et depuis les annonces d’Olivier Véran, nous sommes beaucoup plus confiants, beaucoup plus sereins. Dans notre esprit, il n’y a aucun doute ; nous savons que nous allons gagner nos procédures. Nous allons donc continuer de porter toutes les actions que nous avons engagées, à la fois sur la NBI et la rétroactivité. L’attribution de la NBI à tous les IBODE sera actée dès avril 2022 mais, tous les jours, des professionnels me saisissent pour l’obtenir le plus tôt possible. Et à partir d’avril, les centaines d’IBODE qui n’auront pas engagé d’actions pourront nous solliciter sur le sujet de la rétroactivité, si le texte qui va paraître le permet. A défaut, nous contesterons le texte devant le Conseil d’Etat. Mais nous invitons les IBODE à nous contacter dès maintenant, afin d’éviter de perdre des mois de salaire et de rétroactivité supplémentaires. Tout cela, c’est grâce à l’action du CIB, qui a déniché le sujet et engagé la procédure. D’autres syndicats viennent désormais s’y greffer, et ce n’est pas plus mal. Mais le CIB a tout le mérite de ces victoires.

*Document écrit par lequel une partie (demandeur ou défenseur) présente ses demandes au juge et les arguments de droit et de fait qui les appuient.


Source : infirmiers.com