Dans sa dernière chronique, « C'est l'infirmière » doit soigner « gratuit-pas-cher-avec-mon-matos-offert ». Tout cela à cause du chirurgien qui n'a pas cru bon de rédiger une ordonnance correcte...
Je le savais. Je le savais ! Raaaah, ce sentiment d’avoir raison me prodigue un plaisir à me faire vibrer l’épiderme tout le long du rachis. Voire carrément en bas du rachis tellement j’en ai plein le derrière d’avoir raison.
- Attendez, vous avez que ça comme ordonnance ? Que des injections d’anticoagulants ? Et l’ordonnance pour surveiller les plaquettes (les prises de sang obligatoires pour s'assurer qu'aucune allergie n'est liée à ce type de produit) ? Y’en a pas... Le chirurgien n’en a pas faite. Et c’est qui votre chirurgien, que je le rappelle ? Vous savez pas… Et le nom est écrit avec toute la lisibilité d'un parkinsonien en fin de parcours… Oui oui je vois bien, vous avez de belles cicatrices fermées par des strip en étoile oui... Il n’y a pas d’ordonnance non plus ? Et le chirurgien vous a dit quoi ? Que « l’infirmière allait profiter des injections pour jeter un coup d’œil comme ça »... Et que vous enlèverez vos stéristrips toute seule dans cinq ou dix jours c’est vous qui voyez… OK, ok.
Un « coup d’œil comme ça ». Genre je vais demander à la dame de lever son t-shirt, genre je vais relever le menton et je vais regarder ses plaies rapidement « comme ça », prendre un air détaché et faire un « hum hum ». Genre, j’ai fait trois ans et demi d’études avec des modules interminables sur les pathologies, les plaies et tout le bordel du packaging-IFSI pour avoir juste à jeter un coup d’œil « comme ça ». « Gratuit pas cher » bien sûr, puisqu’il n’y a aucune ordonnance. Et mon p’tit doigt m’a dit : « J’dis ça comme ça, mais ça va foirer ! »
Mais comme mon p’tit doigt a tendance à se répéter dernièrement et vu que je suis du genre facilement saoulée par ces médecins-levures (vous savez ceux qui vous gonflent), j’ai décidé de laisser tomber et j’ai suivi les directives de celui qui avait l’ordonnancier sous la main. J’ai expliqué la situation à la dame qui a dû aller à la pharmacie pour acheter de quoi faire ses soins (le chirurgien avait également « oublié » l'ordonnance pour le matériel) et j’ai contacté le médecin traitant pour qu’il me faxe une prescription pour la surveillance plaquettaire.
Cinq jours plus tard, la dame m’a accueillie un peu blême. Elle venait d’enlever ses steristrips sous la douche. Une des plaies s’était rouverte et elle saignait pas mal. Voilà, voilà. Sous couvert d’économie -8€80 le pansement- ou d’une méconnaissance de la réalité des prises en charge post-opératoires à domicile, le grand manitou de la prescription avait pensé pouvoir se passer de nos soins infirmiers. Je me retrouvais à genoux en train de soigner « gratuit-pas-cher-avec-mon-matos-offert » cette dame couchée sur son canapé, l’avant bras reposé sur son front. Flippée de sa méconnaissance, elle se demandait ce qu’elle avait pu faire de mal pour voir sa plaie se rouvrir et saigner de la sorte. Agacée de ma négligence, je me suis demandé si j’avais bien fait de la laisser gérer seule ses soins... J’avais eu envie de marquer le coup, mais la plus marquée avait finalement été ma patiente. Ma bêtise était à la hauteur de l’agacement ressenti devant le manque de reconnaissance de certains chirurgiens qui semblent opérer leurs patients et puis se foutre de leur retour à domicile.
Elle m’a chaleureusement raccompagné vers sa porte d’entrée. M’a dit avoir compris mon agacement du premier jour. Elle semblait bien déterminée à harceler son chirurgien, ou du moins sa secrétaire, pour récupérer une ordonnance pour ses pansements.
Je suis retournée dans ma voiture, soulagée et contente de la prise de conscience de ma patiente. Je me suis dirigée vers ce nouveau patient, une prise en charge post-opératoire que j’allais découvrir pour la première fois et qui s’annonçait simple et sans problème. Il m’a ouvert la porte de sa maison. Mon p’tit doigt a commencé à me chatouiller. J’ai serré le poing pour ne pas l’entendre mais le patient a pris les devants et m’a dit : « Par contre, j’ai pas d’ordonnance... ». J’ai rouvert la main et j’ai entendu une petite voix me dire : « Je te l’avais dis ! ». Et crotte.
Cet article a été publié le 8 janvier 2016 par « C'est l'infirmière » que nous remercions de cet échange.
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