Entre les infirmiers libéraux (IDEL) et les structures d’hospitalisation à domicile (HAD), la collaboration peut être difficile. Or, pointe à juste titre Convergence Infirmière, si « l’HAD représente un acteur important des soins en ville », « elle n’existerait pas sans les infirmiers libéraux. ». A la suite de sollicitations répétées de la part de ses adhérents sur le sujet, le syndicat a lancé une enquête en septembre 2022, dans l’optique d’identifier les freins à une bonne coopération mais aussi d’imaginer des solutions. « Il est primordial de comprendre quelles sont les animosités qui sont générées lors de cette collaboration HAD/IDEL », observe ainsi sa présidente Ghislaine Sicre. Car l’enquête révèle que près de 60% des IDEL éprouvent des difficultés dans leur collaboration avec les structures de HAD et que les points d’achoppement sont pluriels.
En tout, ce sont ainsi 77,9% des 2 050 répondants qui déclarent travailler avec ces structures. Les près de 22% (soit 448 professionnels) qui affirment ne pas le faire invoquent plusieurs raisons, la première étant l’absence de demande de la part de ces structures qui, pour certaines, « prennent plutôt le travail à la source auprès des hôpitaux », selon un(e) répondant(e). Mais « lorsqu’il s’agit d’un choix de la part de l’IDEL, il est lié à une mauvaise expérience antérieure », note Convergence infirmière. L’absence d’une rémunération suffisante et les difficultés à se faire payer sont largement pointées du doigt, à 22%, loin devant l’accusation de détourner des patients qui est portée contre l’HAD (9%). Autre obstacle : les problématiques de communication et de coordination entre structures et infirmiers libéraux. Pour autant, parmi ces 448 professionnels, un certain nombre envisagerait de travailler avec elles si certaines conditions étaient respectées, à commencer par la mise en place d’une « rémunération honnête » (16,1%) et par le respect d’une collaboration s’appuyant sur la confiance (11,5%) et un dialogue dès la sortie des patients de l’hôpital (9,6%).
D’importantes difficultés de coordination
Sur le terrain, les retours d’expérience tendent à donner raison aux plus réticents. Si la grande majorité des infirmiers qui travaillent avec l’HAD sont conventionnés (à hauteur de 91%), près de 6 sur 10 déclarent rencontrer des difficultés avec elle. Les trois quarts d’entre eux déplorent des difficultés de coordination, notamment sur les soins palliatifs (près de 40%), la « mise en œuvre au démarrage du plan de soins » et la réalisation des pansements (21,56%). Dans ce même contexte, ils soulèvent également des problèmes de mise à disposition du matériel ou des médicaments, ou encore, à hauteur de 9,76%, des difficultés à joindre le médecin.
Des discordances sur les rémunérations
Ils sont aussi 74% à dénoncer les problématiques associées à la cotation de certains actes (perfusion en tête, suivie de la réalisation de soins complexes, et celle de soins à destination des personnes dépendantes). D’ailleurs, 73,5% d’entre eux affirment ne pas être rémunérés à taux plein pour l’ensemble des actes réalisés. Une affirmation à mettre en parallèle avec les difficultés liées au cumul d’actes, que rencontrent plus de 54% des IDEL travaillant avec les structures. À noter qu’ils sont 26% à bénéficier de cotations hors Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), qui, dans 60% des cas, concernent des actes qui n’y sont pas inscrits (prise de tension artérielle, pose ou retrait de bas de contention, préparation de piluliers…). Des chiffres qui illustrent l’une des problématiques de ce type de collaboration : les disparités existantes entre les modes de fonctionnement et de rémunération des structures d’HAD.
En conséquence, si 61% des répondants jugent que l’HAD est utile, les deux tiers estiment néanmoins que les patients qu’ils prennent en charge dans ce cadre n’en relèvent pas véritablement.
Les IDEL réclament la « reconnaissance du travail de l’infirmière libérale tant au niveau du temps passé, que de la tarification, que de son autonomie
Les IDEL, force de proposition
Mais une fois les chiffres et les constats posés, quelles solutions mettre en place pour améliorer les relations entre les IDEL et les structures ? Pour les professionnels, il existe « une multitude de réponses concrètes, applicables et pour beaucoup d’entre elles réalisables des plus intéressantes », relève Convergence Infirmière. À commencer, donc, par l’amélioration de la coordination avec les personnels de santé autour du patient et par la nécessité d’associer son soignant habituel aux décisions relatives à sa prise en charge. Ils sont ainsi 27% des répondants à soutenir une telle mesure, juste devant l’application d’une rémunération « à la hauteur du temps passé » auprès des patients (14,5%). Le patient, par ailleurs, doit demeurer libre de choisir entre les personnels de l’HAD et son professionnel de santé, jugent-ils à 10%.
Sont également cités le besoin de simplifier les échanges et la communication entre les différents acteurs, de limiter le nombre d’intervenants, pour réduire les risques de perte d’information, en particulier, ou encore de restreindre la patientèle de l’HAD aux cas les plus lourds et les plus complexes. Il faut « moins d’intermédiaires et plus de clarté dans le planning des soins, souvent mal élaboré », témoignent ainsi les répondants. Les IDEL réclament la « reconnaissance du travail de l’infirmière libérale tant au niveau du temps passé, que de la tarification, que de son autonomie » ainsi que l’arrêt de « la concurrence déloyale de la HAD sur les soins qui l’intéressent », résument-ils.
L’enquête menée par Convergence Infirmière constitue une « base importante pour trouver des voies d’amélioration dans les relations IDEL/HAD », précise le syndicat. Elle a vocation à permettre la construction d’un partenariat entre les structures et les professionnels libéraux. « L’édification du système de santé de demain doit s’appuyer sur les idées du terrain dans le respect de chacun et principalement du patient », conclut-il. Le document a depuis été remis mi-novembre au ministre de la Santé, François Braun, et à Agnès Firmin-le-Bodo, ministre chargée de l’Organisation territoriale et des professions de santé.
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