Les trois principales caisses en charge des régimes obligatoires d'assurance maladie ont détecté 203,4 millions d'euros de fraudes, activités fautives et abusives en 2014, soit 16,4% de plus qu'en 2013, selon le dernier bilan de la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF). En termes de fraudes, activités faustives et abusives enregistrées en 2014 par la seule Cnamts, les professionnels de santé - et parmi eux les infirmiers libéraux en tête - et établissements restent devant les assurés.
Ce rapport fournit des précisions sur les typologies de fraude et énumère les principaux contributeurs à la fraude aux prestations sociales, dont le montant détecté en 2014 par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) a déjà été annoncé par les services de Bercy en juin 2015 à l'occasion d'une réunion du comité national de lutte contre la fraude (CNLF). Finalisé pendant l'été et habituellement publié à l'automne, ce rapport de 80 pages établit un bilan de l'action contre le travail illégal, la fraude aux prélèvements obligatoires et aux prestations sociales (famille, vieillesse et maladie).
Contrairement au bilan de l'année précédente, la DNLF ne fournit pas de synthèse des éléments relatifs à la fraude détectée en 2014. En additionnant les différents montants présentés dans le rapport, il apparaît que le montant de la fraude aux finances publiques détecté est stable, à 4,561 milliards d'euros en 2014 contre 4,518 milliards en 2013 (+1%). Les montants détectés au titre de la fraude fiscale ont diminué de 5%, à 3,63 milliards d'euros (contre plus de 3,8 milliards en 2013), avec 3,18 milliards détectés par la direction générale des finances publiques (DGFIP) et 449 millions détectés par la douane. Les fraudes aux prestations sociales, incluant l'assurance maladie, ont atteint 852,6 millions d'euros (+34%). La DNLF ne donne pas d'estimation sur le manque à gagner lié au travail illégal, qu'elle estimait en 2013 entre 15,4 milliards et 19,1 milliards d'euros, note-t-on. Les montants de fraude détectés par les organismes de sécurité sociale s'élèvent à 203,4 millions d'euros pour la branche maladie (174,6 millions en 2013), 9,2 millions pour la branche retraite (9,3 millions en 2013) et 212,3 millions pour la branche famille (143,4 millions en 2013). Pour Pôle emploi, la fraude est de 79,7 millions d'euros (+21%).
Les professionnels de santé et établissements restent devant les assurés
Les fraudes, activités fautives et abusives enregistrées en 2014 par la seule Cnamts, d'un montant de 196 millions d'euros (+17,3%) concernent principalement les prestations en nature (désormais "prise en charge des frais de santé", ou les soins de ville (89,2 millions, +21%), devant les établissements de santé (52,6 millions, 20%). Viennent ensuite les prestations en espèces (indemnités journalières notamment), avec 29 millions d'euros (+80%) et l'obtention des droits et prestations en espèces par les assurés avec 5,2 millions d'euros (+46%), devant d'autres types de fraudes non répertoriées (6,9 millions d'euros). En matière de remboursement de soins "les fraudes et activités fautives commises par des professionnels de santé, fournisseurs et transporteurs représentent la majeure partie (96,9 millions d'euros, soit 95%) du préjudice détecté et stoppé par le régime général en 2014", note la DNLF. Le préjudice se répartit de la manière suivante :
- transporteurs sanitaires et taxis: 21,9 millions d'euros (+24,4%);
- infirmiers: 21,8 millions (+19,1%);
- médecins: 7,5 millions (+23%);
- fournisseurs: 6,6 millions (non connu)
- pharmaciens: 6,5 millions (+54,7%)
- chirurgiens-dentistes: 5,7 millions (+21%)
- masseurs-kinésithérapeutes: 4,9 millions (+63%).
Les infirmiers libéraux fraudeurs à hauteur de 21.8 millions d'euros en 2014 et pour eux des condamnations financières de 3,1 millions d'euros...
S'agissant des établissements, la DNLF souligne que les résultats du contrôle de la tarification à l'activité (T2A) sont minorés de 20% en raison d'un changement des règles de comptabilisation
. Le niveau des indus s'est maintenu en 2014, avec 216 indus notifiés à des établissements au titre des campagnes 2014 et antérieures, pour un montant de 21,7 millions d'euros (216 indus pour 22,9 millions d'euros en 2013).
La DNLF évalue à 1,6 million d'euros le préjudice détecté et stoppé lié à la facturation de produits de santé de la liste en sus normalement inclus dans les groupes homogènes de tarifs (GHT) appliqués à l'hospitalisation à domicile (HAD). Les anomalies détectées concernaient 89 établissements. Le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) a permis la détection d'anomalies de facturation dans 3.500 établissements, pour un préjudice évalué à 10 millions d'euros. Le contrôle contentieux a mis en évidence un préjudice financier d'environ 17 millions d'euros (13,7 millions en 2013, 10,8 millions en 2012), selon la DNLF. Chez les assurés, le rapport fait état de 34,2 millions d'euros de fraudes, dont 29 millions relatifs aux prestations en espèces (3.474 dossiers). Les fraudes aux indemnités journalières (IJ) représentent la moitié des cas, pour un montant de 12,2 millions, dont 4,9 millions en raison d'un cumul avec une activité rémunérée.
Les caisses d'assurance maladie ont prononcé 2.246 pénalités financières à l'égard d'assurés, professionnels de santé et autres prestataires en 2014 (soit une de plus qu'en 2013), pour un montant de 5,5 millions d'euros (3,3 millions en 2013). Les directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) ont prononcé 101 sanctions financières à l'égard d'établissements (70 en 2013) pour un montant de 5,7 millions d'euros. L'assurance maladie a déposé 182 plaintes devant les juridictions ordinales pour les professionnels de santé, lesquelles ont rendu 226 décisions au niveau régional et 144 au niveau national. Elles ont déposé 1 040 plaintes pénales, assorties de demandes de réparation de plus de 41 millions d'euros. Les trois quarts des plaintes visaient les assurés, mais le principal du préjudice réclamé en réparation (plus de 30 millions d'euros) est dû à des fraudes commises par des professionnels de santé, des fournisseurs ou des transporteurs
, souligne la DNLF.
Les instances pénales ont prononcé 282 condamnations en 2014, dont 209 avec une peine d'emprisonnement. Les condamnations financières s'élevaient à 14,8 millions d'euros (4,7 millions pour les transporteurs, 3,4 millions pour des assurés, 3,1 millions pour des infirmiers). Les amendes prononcées s'élevaient en moyenne à 1,1 million d'euros.
• Lire le Rapport de la DNLF "Bilan 2014 de la lutte contre la fraude" (p. 63/68 concernant les fraudes aux prestations sociales).
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