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Ségur de la Santé : que retenir des propositions ?

Publié le 21/07/2020

Les conclusions du "Ségur", piloté depuis le 25 mai par l'ancienne responsable de la CFDT Nicole Notat, ont été officiellement remises au gouvernement à 10h30 mardi 21 juillet au ministère de la Santé. Une semaine après la signature des accords sur les salaires avec les syndicats, le gouvernement a cette fois dévoilé ses propositions pour améliorer le fonctionnement et l'organisation du système de soins. Des mesures annoncées par le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran, en présence de trois autres ministres : Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires), Frédérique Vidal (Recherche) et Brigitte Bourguignon (Autonomie). Création de lits, réduction de la part de la tarification à l'activité et accélération de la télémédecine : que faut-il retenir de ces propositions ? On fait le point.

Si les discussions ont été franches, il n'y a pas eu de coup échangé, personne n'est resté dans les cordes et tout le monde sort gagnant, affirme Olivier Véran lors de la fermeture du Ségur de la Santé.

C'est l'aboutissement de 6 semaines de travail. C'est extrêmement court mais l'urgence le justifiait et cela nous a permis d'avancer plus loin, plus vite et plus fort (...) Si les discussions ont été franches, il n'y a pas eu de coup échangé, personne n'est resté dans les cordes et tout le monde sort gagnant, argue le ministre de des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran. Une concertation qui s'est déroulée en un temps record avec près de 100 réunions au ministère de la Santé en 50 jours, environ 200 contributions écrites reçues et analysées, 118 000 réponses des professionnels de santé suite à la grande consultation en ligne et près de 40 heures de négociations pour parvenir à des accords. Il fallait écouter les soignants et apporter des réponses à leur attentes parfois anciennes, précise le ministre et praticien.

L'objectif est de libérer les établissements de santé et personnels d'un certain nombre de contraintes et de redonner du pouvoir d'initiative et de décision à celles et ceux qui soignent, a résumé l'ancienne numéro 1 de la CFDT, Nicole Notat, en charge du Ségur.  Olivier Véran a ainsi annoncé ce mardi 21 juillet avec la fermeture du Ségur de la Santé les 33 mesures retenues par l'éxecutif pour accélérer la transformation du système de santé. Au fond qu'est-ce que vous nous avez dit, qu'est-ce que vous nous dîtes sur l'hôpital, sur notre système de santé?, questionne le ministre, évoquant les manques criant de lits et de personnels. Ainsi, a-t-il fait savoir, une enveloppe de 50 millions d'euros permettra la création de 4 000 lits à la demande dans les hôpitaux dès cet hiver. Cela permettra de prévoir l'ouverture ou la réouverture de lits dans les structures selon les besoins pour que les établissements puissent s'adapter à la suractivité saisonnière ou épidémique, a précisé Olivier Véran. La création de lits est au coeur des revendications des soignants depuis plusieurs années. Selon les derniers chiffres officiels, quelque 4 200 lits d'hospitalisation ont été supprimés en 2018 en France, où les 3 042 hôpitaux et cliniques disposaient exactement de 395 670 lits en fin d'année.

Comment réformer structurellement notre système en 600 jours ? France Assos Santé, associations d'usagers, portera notamment son attention sur la place indispensable que les associations d’usagers devront prendre dans le déploiement des mesures mais aussi et surtout le calendrier de mise en œuvre.

Pour l'hôpital public, Olivier Véran a en outre insisté sur la nécessité de mettre fin au mercenariat de l'intérim médical, qui a donné lieu à trop d'abus, trop longtemps, ce qui mine les équipes. C'est pourquoi le Ségur propose pour y mettre fin de faire bloquer par les comptables publics les rémunérations dépassant le plafond réglementaire en ce qui concerne les médecins intérimaires ou de permettre aux agences régionales de santé (ARS) de dénoncer les abus devant les tribunaux administratifs.

Parmi les points très attendus : le sort de la tarification à l'activité (T2A), qui cristallise les tensions à l'hôpital car on lui reproche d'inciter à une course à la rentabilité. Une enveloppe de dotation sera mise à la disposition des établissements pour accélérer la réduction de la part de T2A.  

"Nous avons agi vite et fort parce qu'il le fallait (...). Il s'agit de remettre de l'humain, mais aussi de remettre des moyens et du sens dans notre système de santé", Olivier Véran.

Transformation et modernisation

La crise sanitaire et le confinement ont contribué à accélérer l'utilisation de la télémédecine . La téléconsultation a notamment été autorisée en dehors du cadre de l’avenant 6 pendant cette période inédite. L’objectif était que tout patient confiné puisse joindre un médecin par téléconsultation. L’autre mesure dérogatoire a été la prise en charge financière à 100% de ces téléconsultations par l’assurance maladie. De plus, le patient pouvait avoir une consultation soit par vidéoconférence, soit par téléphone. (Alors qu’avant le Covid, la consultation par téléphone n’était pas remboursée). Pour accélérer le développement des téléconsultations, le dispositif mis en place pendant la crise du Covid sera prolongé, a annoncé Olivier véran, et le principe de connaissance préalable du patient avant une téléconsultation assoupli.

2,1 milliards seront aussi consacrés sur cinq ans à la transformation, la rénovation et l'équipement dans les établissements médico-sociaux, dont les Ehpad qui accueillent les personnes âgées, a détaillé le ministre de la Santé, promettant  qu'au moins un quart des places en Ehpad pourront être rénovées, accessibles et conformes à la rénovation énergétique. Plus précisément, Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’Autonomie, a détaillé l'offre de prise en charge médicale minimale garantie qui sera mise à disposition des personnes âgées suite aux enseignements des concertations et de la crise sanitaire. Cette offre de prise en charge reposera sur 4 axes majeurs : tout d'abord, il est prévu de pérenniser sur les territoires les astreintes sanitaires mises en place pendant l'épidémie au bénéfice des établissements d'hébergement. Puis, de structurer des parcours d'admission directe non programmée à l'hôpital pour éviter les passages aux urgences inutiles. Il est essentiel de renforcer le déploiement des équipes mobiles et des interventions en lien avec l'hospitalisation à domicile et des professionnels de santé libéraux sur les lieux de vie des seniors. Dernière priorité : renforcer les dispositifs de présence, que ce soit des gardes ou des astreintes des infirmiers de nuit dans les EHPAD. A cela s'ajoute le nécessaire développement de la télésanté à domicile ou dans les établissements car elle a fait ses preuves durant cette crise, a avancé Brigitte Bourguignon.

Quelque 2,5 milliards d'euros seront par ailleurs engagés sur cinq ans pour permettre des projets hospitaliers prioritaires et des investissements ville-hôpital, et 1,4 milliard d'euros sera consacré à combler sur trois ans le retard sur le numérique en santé. Une enveloppe qui s'ajoute à la reprise de la dette hospitalière à hauteur de 13 milliards d'euros, aux 8,1 milliards prévus dans les accords de Ségur pour les salaires et les revalorisations de métiers et aux 15 000 embauches promises à l'hôpital.

Pour lutter contre les inégalités, le Ségur prévoit notamment le déploiement de 60 centres de santé participatifs avec une offre adaptée aux populations défavorisées. Nous allons développer les démarches "d'aller vers" pour toucher les populations les plus difficiles à atteindre. Nous avons vu combien c'était indispensable. Cela signifie la création d'équipes mobiles pluridisciplinaires, d'équipes mobiles de psychiatrie, [des équipes qui devront agir contre la] précarité..., explique le ministre de la Santé.

Malgré un engagement sans faille de plus de 80 000 étudiant(e)s en soins infirmiers et pratique avancée durant la crise de la COVID-19, les mesures annoncées manquent, selon la FNESI, d'ambitions. L'ouverture des quotas d'entrée en IFSI ne vient pas palier les conditions de formation vécues ce jour par les étudiant(e)s. Pour mettre fin aux arrêts de formation et renforcer l'attractivité de nos études, la FNESI demande aux pouvoirs publics un investissement massif en faveur d'une amélioration des conditions de formation.

2000 places de plus créées dans les IFSI dès la rentrée 2020

Le Ségur de la santé doit être un accélérateur qui a vocation à engager rapidement les transformations dont notre système de santé a besoin, a déclaré Olivier Véran en concluant cette concertation animée par Nicole Notat. Frédérique Vidal, ministre de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, s'est exprimée sur le nouveau souffle à donner au niveau des études en santé. Les professionnels de santé doivent être mieux accompagnés dans leur progression de carrière et leur réorientation, a affirmé la ministre, soulignant qu'il était essentiel de former davantage de soignants car on en manque. Mais former plus, c'est revoir les quotas. Il nous a fallu changer de logique. Ainsi 2 000 places supplémentaires seront créées dans les IFSI (soit une hausse de 10%) dès la rentrée et le nombre d'entrées en formation aide-soignante va doubler d'ici 2025.

Frédérique Vidal explique aussi que former mieux revient à diversifier les terrains de stage y compris en ambulatoire et à développer les capacités d'encadrement universitaire. L'augmentation du flux des étudiants, l'évolution des modalités pédagogiques, le travail en groupe plus restreint pour les travaux de simulation par exemple, sont des voies d'amélioration à privilégier. L'importance de l'encadrement en stage implique également qu'il faut revoir le nombre d'enseignants pour qu'il soit plus adapté. Ensuite, pour confirmer l'intégration des filières paramédicales à l'université et faciliter les reprises d'études, pour que nos soignants puissent changer de métier tout en voyant leurs compétences déjà acquises reconnues, il nous faut encore conforter les parcours licence, master, doctorat. De même, la possibilité d'alterner une activité professionnelle et des études sans pour autant sacrifier sa vie personnelle doit être privilégiée, notamment en ce qui concerne les aides-soignants désireux de devenir infirmiers. Pour déverouiller le système, l'alternance devrait être davantage plébiscitée. Il est primordial d'ouvrir le champ des possibles pour les infirmiers exerçant déjà depuis quelques années qui souhaitent par la suite faire un master. Point d'importance également souligné par Olivier Véran qui souhaite atteindre le quota de 3 000 IPA formés d'ici 2022. On a besoin de paramédicaux doctorants, a-t-il scandé. Il faut pouvoir leur offrir des respirations dans leur parcours, de leur permettre de voir loin. C'est le moins que l'on doive à ceux qui consacrent leur journée à rallonger l'espérance [de vie] de ceux qui parfois n'en avaient plus, a conclu, quant à elle, la ministre de l'Enseignement supérieur.

Le Collectif Inter-Urgence réagit vertement à ces annonces : il considère que l'hôpital passe au green-washing, recyclant toutes ses vieilles mesures. Il regrette le niveau de réponses aux revendications portées sur les lits, les effectifs, les salaires et donne rendez-vous à la rentrée pour déterminer la suite de la mobilisation.

En lançant les discussions sur l'avenir de l'hôpital, Emmanuel Macron avait promis de tirer toutes les conséquences de la crise sanitaire. Je n'ai pas envie non plus qu'on revienne à l'étape d'avant, avait-il insisté. Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF, hôpitaux publics) a été l'un des premiers a réagir à ces annonces et semble plutôt optimiste. On semble sortir d'une logique purement comptable, aussi bien dans la gestion des lits que dans la gestion des établissements, la gestion des hommes et des femmes qui font l'hôpital, pour aller vers une approche beaucoup plus pragmatique. Les propositions sont de nature à faire bouger les lignes d'un système de santé qui aujourd'hui est traversé par de nombreux dysfonctionnements, s'est-il réjoui.

La concertation ne s'arrêtera pas à ces accords de Ségur et se poursuivra au niveau des territoires, a clarifié Olivier Véran, précisant qu'un comité de suivi sera mis en place et rassemblera l'ensemble des acteurs concernés.

Vers une meilleure reconnaissance globale de la profession infirmière ! Après cette nouvelle étape importante, l’Ordre National des Infirmiers poursuit son engagement déterminé en faveur d’une meilleure reconnaissance des 700 000 infirmiers de France – reconnaissance attendue par la profession et nécessaire pour la pérennité du système de santé – à travers des propositions fortes que nous porterons au Ségur dédié à la santé publique en septembre et lors des débats relatifs au prochain PLFSS.

Rédaction d'Infirmiers


Source : infirmiers.com