Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

ESI

Quand la vérité fait peur aux soignants...

Publié le 05/11/2013
interrogations questionnement étudiant

interrogations questionnement étudiant

A l'issue d'une conférence à laquelle il assiste, un étudiant en soins infirmiers nous livre le fond de sa pensée avec une interrogation de taille : nous, infirmiers de demain, devons-nous accepter sagement l’immobilisme de nos pairs plus expérimentés ?

Oser se poser les bonnes questions, les affronter pour progresser

Un jour d’automne dans un hôpital général. Une salle de conférence, des infirmiers, des cadres de santé, des cadres supérieurs, des directeurs des soins, des cadres formateurs en IFSI, des aides-soignants, des étudiants infirmiers, des ASH, des médecins... sont rassemblés dans un amphithéâtre pour assister à une conférence sur la bientraitance à l’hôpital. Une sociologue reconnue assène pendant plus d’une heure que les erreurs, les écarts, les déviances involontaires de leurs pratiques soignantes peuvent être délétères à ce patient perdu qui pose le pied dans cet antre du malheur que peut devenir l’environnement hospitalier. Indignation, rage et incompréhension montent dans l’assemblée qui semble assez réfractaire à la critique. Puis, vient le moment des questions. Celles-ci se succèdent, sans grand intérêt. Quand soudain, une étudiante prend la parole et interpelle l'intervenante (je tente de reformuler sa question le plus fidèlement possible.

Vous parlez de la difficulté du patient à appréhender le milieu hospitalier qui en devient hostile par son manque de clarté. Le concept qui ressort est celui de la souffrance du patient. Mais dans notre profession, nous sommes confrontés à de nombreuses situations de souffrance, au manque d’effectifs, de moyens et de clarté dans l’harmonisation des pratiques, aux problèmes de revalorisation... Alors, qu’en est-il de la souffrance soignante ?

Une bruyante ferveur monte dans l'assistance. Les cris fusent, certains sifflent pour exprimer leur contentement, d’autres encore applaudissent à s’en rougir les mains. L’adhésion de la salle à l’idée d’une souffrance soignante semble totale ! Ce spectacle inédit, voire amusant, m'interpelle. Qu’est-ce qui, dans cette question, a déchaîné les passions ? Selon une interprétation toute personnelle, il m’a semblé que pour la majorité des professionnels présents, voir sa propre pratique critiquée à répétition sur divers sujets a été vécu comme une « attaque ». Du genre : Autant dire tout de suite que j’suis pas une bonne infirmière ou C’est pas elle qui va m’apprendre à faire mon métier ou encore : Oui mais parfois les patients ils cherchent aussi...

De plus, la question de l’étudiante a soulevé les problématiques qui animent la profession depuis des années : manque d’effectifs, de moyens, problème de la revalorisation salariale... Rien de mieux alors que l’empathie pour obtenir l’approbation du plus grand nombre !

Mais nous, infirmiers de demain, devrons-nous accepter sagement l’immobilisme de nos pairs plus expérimentés ?

Se rebeller, nécessairement !

En sortant de cette conférence, je ne peux m’empêcher de penser que l’effet attendu par l'intervenante - la prise de recul, l'autocritique, la réflexion... - n’a pas pointé le bout de son nez. Une conférence qui visait pourtant à améliorer les pratiques pour optimiser la qualité de la prise en charge du patient a été perçue comme un procès, un jugement qui n’aurait pas reconnu la qualité des professionnels déjà en activité. Je me sens déçu par ces soignants qui nous disent tous les jours, à travers les stages et les interventions en Ifsi, qu’infirmier n’est pas un métier de routine, que l’on s'y remet en question constamment, que l’on tend toujours à améliorer sa propre pratique en faisant avec les difficultés et les limites posées par l’institution.

Bien entendu, il va sans dire qu'une prise en charge soignante efficiente d’un patient s’accompagne forcément d’une bonne qualité de vie au travail des protagonistes. Il n’y a pas besoin de chercher à démontrer à quiconque qu’un travailleur heureux est un travailleur plus efficace, plus productif et même plus rentable. Le Fordisme s’en est déjà chargé !

Mais alors, nous, soignants en devenir, comment devrons-nous appréhender cet avenir ?

Devant ce que l’on perçoit des conditions de travail (ce que l’on voit en stage et ce que l’on entend partout), ne devrions-nous pas rebrousser chemin et courir à toutes jambes loin de toutes structures de soins ? Certainement ! Les salaires sont trop bas, le matériel manque, les patients affluent quand les effectifs diminuent et on essaie même de nous déléguer des actes médicaux sans nous revaloriser. Là, on nous apprend à l’école que l’on n’a pas choisi ce boulot pour le salaire ni pour compter nos heures... Quand bien même, il est vrai que personne ne choisit la voie d’infirmière pour la gloire, le temps des bonnes sœurs est révolu. Mais nous, infirmiers de demain, devrons-nous accepter sagement l’immobilisme de nos pairs plus expérimentés ?

Je suis profondément convaincu que nous serons demain d'excellents infirmiers et bien plus encore...

Ne pas reculer devant les obstacles...

Nous avons la chance de rentrer aujourd'hui dans un processus d’universitarisation de notre branche de métier et les perspectives d’évolution sont infinies dans un secteur si peu développé et qui demande tant qu’on s’y intéresse. Alors pourquoi s’offusquer sous la critique de personnes qui tentent, par leur simple discours, d’attirer notre attention sur les détails qui nous font sortir des bonnes pratiques ? Devrons-nous nous plaindre, comme nos anciens, de l'infirmière hygiène qui vient juste nous donner des renseignements pour éviter le maximum d’infections nosocomiales ? Devrons-nous, nous aussi, piquer sans gant simplement parce qu’ « on est de la génération qui a appris à faire sans » ? Devrons-nous, pour finir, calquer nos comportements sur les mauvaises pratiques pour être acceptés par la communauté infirmière qui tend malheureusement à nous les apprendre à travers les stages ?

La voie de la recherche ouvre aux infirmiers la porte de l’évolution. Infirmiers déjà en poste ou infirmiers en devenir, nous sommes là où les choses vont se passer. S’il faut agir, c’est certainement maintenant. Avec l’ouverture des masters en sciences clinique infirmière depuis 2009, et l’obtention du grade de licence, ne s’agit-il pas, justement, du moment où tout se déroule ? En acceptant de ne pas reculer devant les obstacles, en persévérant vers la voie de la recherche et de la spécialisation, je suis profondément convaincu que nous serons demain d'excellents infirmiers et bien plus encore...  Alors finalement, ne nous offusquons pas des réactions du nos futurs collègues, laissons-leur le bénéfice du doute et montrons-leur ce que la jeunesse sait faire.

AnthonyEtudiants en Soins Infirmiers, 3ème année


Source : infirmiers.com