Le 17 mai 2017, lors de la nomination du Gouvernement constitué par Edouard Philippe, son nom est sur toutes les lèvres pour devenir le nouveau ministre des Solidarités et de la Santé. C’est pourtant Agnès Buzyn qui prend le poste à la surprise générale. Deux ans et demi plus tard, le 17 février 2020, alors qu’Agnès Buzyn démissionne pour aller conquérir la mairie de Paris, Olivier Véran ne joue cette fois-ci pas les figurants pour assurer cette fonction régalienne. Nommé, il l’est enfin et se dit "prêt". Portrait de ce quarantenaire, jusqu’alors neurologue au CHU de Grenoble, député (LREM) et rapporteur général de la Commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale, désormais au chevet d'un ministère qui ne respire pas la santé...
Olivier Véran n’a pas encore quarante ans, il les aura le 22 avril prochain. Il est décrit par ceux qui le connaisse bien comme "une boule de nerf", "un réactif", un "fin politique" qui adore prendre la parole - et la lumière -, argumenter et défendre ses positions. Depuis sa nomination, il y a une semaine, il est omniprésent dans les medias. Il faut dire que le début de mandat ne s’annonce pas des plus serein compte-tenu des dossiers "urgents" dont hérite d’emblée le nouveau ministre des Solidarités et de la Santé : une crise hospitalière qui n’en finit plus de durer , une épidémie mondiale de coronavirus qui ne cesse de progresser et des débuts de séances houleux à l’Assemblée nationale autour de la réforme des retraites ; un dossier qu’il connaît bien, lui qui a été nommé en janvier "rapporteur du volet organique de la réforme".
"Il n’y aura pas de période de chauffe, je connais les dossiers" a-t-il assuré lors de sa nomination le 17 février dernier
Une appétence pour la représentation et les questions de politique de santé
Déjà, lors de ses études de médecine, alors qu’il est interne, Olivier Véran milite à l’Intersyndicale nationale des internes des hôpitaux (ISNIH). En 2007, il devient porte-parole et vice-président national du syndicat tout en étant chef de clinique assistant. En 2010, au bout de 12 années d’études, il décroche son diplôme de neurologue. Il participe à la rédaction de plusieurs rapports pour Xavier Bertrand alors ministre de la Santé. Il renforce également ses connaissances en "gestion et politiques de santé" en validant un Master en la matière à Science-Po Paris. Son thème de recherche : les déserts médicaux. L’occasion pour lui de rencontrer de nombreuses personnalités tout en se créant "un réseau". Les arcanes de la politique, il les découvre, apprend à bien les connaître et à y interagir.
Geneviève Fioraso dit de lui « il était rapide, sérieux, efficace et intéressé par la chose publique »
Un jeune neurologue de 32 ans sur les bancs de l’Assemblée nationale
En 2012, Geneviève Fioraso (PS) lui propose d’être son suppléant aux élections législatives (députée de la 1re circonscription, Isère) mais, à peine élue, elle est nommée ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche par François Hollande. Olivier Véran va donc siéger à sa place à l’Assemblée nationale jusqu’en 2015. La même année, il est élu conseiller régional à la région Auvergne-Rhône-Alpes, mandat qu’il continuait à exercer jusqu’à aujourd’hui. Un début prometteur pour ce jeune neurologue alors âgé de 32 ans qui va participer très activement aux politiques de santé menées par le Gouvernement Ayrault. Il prend notamment position en faveur de l’ouverture expérimentale à Paris d’un site d’injection supervisée (salle de shoot), défend le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), ainsi que l’ouverture du droit de vote des étrangers aux élections locales. Il s’engage également pour le don du sang éthique, anonyme, gratuit, volontaire et pour la fin de la discrimination des homosexuels du don du sang. Il se mobilise particulièrement contre les troubles nutritionnels, avec des moyens nouveaux pour prévenir et soigner les malades d’anorexie, et fait voter un amendement visant à interdire de recourir à des mannequins en état de dénutrition manifeste. En 2016, toujours partant pour de nouveaux combats et pour de nouvelles conquêtes, il échoue à quelques voix près dans sa tentative de ravir à Frédéric Valletoux la tête de la Fédération hospitalière de France (FHF).
Olivier Véran est avant tout un acteur investi de la politique hospitalière…
En 2017, Olivier Véran s’engage auprès d’Emmanuel Macron, à l’occasion des élections présidentielles, il est en effet l’un des principaux artisans du programme santé du candidat au côté de Jérôme Salomon, aujourd’hui directeur général de la santé ; un engagement qui s’inscrit pleinement dans sa volonté de faire évoluer la politique et ses pratiques en France. Ensuite, lors des élections législatives de juin 2017, il est élu "en son nom" député de la première circonscription de l’Isère. Dès son retour sur les bancs de l’Assemblée nationale, il devient Rapporteur général de la Commission des affaires sociales, et notamment de l’ensemble du PLFSS (le budget de la Sécurité sociale). A l’exception d’une matinée par semaine réservée aux consultations publiques à l’hôpital pour les patients dont il est le neurologue traitant, il partage alors sa semaine entre l’Assemblée nationale et le territoire qui s’étend du bassin Grenoblois vers le Grésivaudan.
Olivier Véran a fait voter dans le budget de la Sécu pour 2020 l’expérimentation du cannabis thérapeutique ou encore la création d’une taxe modulable sur les boissons gazeuses sucrées…
ça c’était avant… et maintenant ?
Rompu certes aux arcanes de la politique et à ses âpres combats, être un bon orateur ne suffira pas aujourd’hui à Olivier Véran, attendu sur bien des dossiers et pas des moindres. Les professionnels de santé restent plutôt circonspects sur cette nomination, rappelant qu’ils attendent des actes forts, concrets, au-delà des mots, et pas de nouveaux rapports
qui ne feraient que retarder des prises de décisions qui s’imposent urgemment. Le 23 février dernier, les représentants du personnel hospitalier* ne disaient pas autre chose. Ils publiaient une tribune sur franceinfo.fr appelant le nouveau ministre de la Santé à des négociations urgentes pour sortir de la crise de l'hôpital
. Enfin, si certains, tournés vers l’avenir, accordent du crédit au nouveau ministre et à ce que sera sa politique en matière de santé, de société et d’environnement, d’autres, plus prudents s’inquiètent de ne voir "qu’un spécialiste de l’hôpital" prendre place avenue de Ségur alors que la médecine libérale est également en crise.
Médecin, tout comme Agnès Buzyn, Olivier Véran saura-t-il prendre soin de son ministère "malade" et d'un système de santé qui, bien que réformé, ne donne pas encore les signes encourageants d'une sortie de crise ? Quoi qu'il arrive, avenue de Ségur, l'ex-neurologue devra garder les nerfs solides pour honorer sa mission et gagner la bataille de l'opinion.
*Liste des signataires : L'Action praticiens hôpital (APH), l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), la CFTC, la CFE-CGC, la CGT, le Comité de défense des hôpitaux, le collectif Inter-Blocs, le collectif Inter-Urgences, le collectif Inter-Hôpitaux, le Printemps de la psychiatrie, SUD et l'Unsa.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
REFONTE DE LA FORMATION
L'idée d'un tronc commun en master hérisse les infirmiers spécialisés
ÉTUDES
D’infirmier à médecin : pourquoi et comment ils ont franchi le pas
VIE ÉTUDIANTE
FNESI'GAME : l'appli qui aide les étudiants infirmiers à réviser
PRÉVENTION
Des ateliers pour préserver la santé des étudiants en santé